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Insertion par l'activité économique : un état des lieux sans complaisance et des pistes pour améliorer la gouvernance et l'efficacité du secteur

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Comment assurer « une meilleure gouvernance » du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) et doper son « efficacité » ? Un groupe d'experts mandaté par le bureau du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), où étaient représentés les réseaux de l'IAE, des syndicats, des organisations d'employeurs, des élus et des universitaires, a planché sur les obstacles à l'essor de ce secteur et lancé des pistes de réflexion pour les lever. Le fruit de leurs travaux est consigné dans un rapport présenté le 3 juillet dernier au CNIAE plénier (1). Provisoire dans l'attente de sa validation par les membres du Conseil, ce document a été remis à Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, et à Christine Lagarde, ministre de l'Emploi. Il devrait donner du grain à moudre aux pouvoirs publics tant il est riche en propositions et dresse un état des lieux sans aucune complaisance de la situation actuelle du secteur.

Ce rapport, pour mémoire, avait été commandé en mars 2006 par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale, au CNIAE, qu'il avait missionné pour évaluer l'impact de l'IAE sur l'emploi et le développement des territoires (2).

Des financements publics globalement insuffisants, complexes et instables

Le rapport pointe d'abord l'insuffisance, la complexité et l'instabilité des financements accordés par les pouvoirs publics aux structures de l'IAE. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que le groupe d'experts plaide pour une simplification et une harmonisation des modalités de financement de ces structures. Il attire tout particulièrement l'attention des pouvoirs publics sur le cas des ateliers et chantiers d'insertion. La piste envisagée par la majorité des membres du groupe d'experts est l'institution d'une aide au poste pour ces structures, qui remplacerait l'actuel système des contrats aidés, comme cela a déjà été proposé par un rapport des inspections générales des affaires sociales et des finances de mai 2006 (3).

Les experts stigmatisent ensuite la méconnaissance par les pouvoirs publics de l'activité et des résultats du secteur de l'IAE, constatant l'insuffisance et le retard des données statistiques sur le champ de l'IAE, la difficile agrégation des dépenses de l'Etat et de celles des collectivités territoriales, et la faiblesse des indicateurs de résultats retenus, qu'ils jugent « trop partiels pour évaluer globalement l'apport de l'IAE ».

Un contexte institutionnel à clarifier

Le groupe, par ailleurs, estime que l'environnement institutionnel dans lequel s'inscrit l'IAE obère l'exercice de sa mission. Le pilotage de la lutte contre l'exclusion, en particulier, est jugé trop complexe, les compétences du secteur étant réparties entre un trop grand nombre de collectivités territoriales (4). Une situation d'autant plus dommageable qu'« aucune articulation globale n'est prévue, [qu']aucun mode de gouvernance partagée n'existe entre ces différents niveaux de responsabilité ». « Au-delà des entraves et freins évidents que ce manque de pilotage de l'IAE sur les territoires génère, cela ne favorise pas la lisibilité de l'action et le contrôle démocratique », analysent les experts.

Fort logiquement, ils plaident donc d'abord pour une clarification du contexte institutionnel. « En tant que garant de l'accès au droit, l'Etat doit fixer des règles et des méthodes, en définissant un niveau d'offre d'insertion à atteindre sur chaque territoire et en négociant des conventions d'objectifs et de moyens avec chaque collectivité », résume Claude Alphandéry, président du CNIAE. Le législateur doit ainsi fixer un « cadre de base », et les collectivités territoriales, dans l'esprit du groupe d'experts, « ne sont pas de simples opérateurs mais des entités capables de prendre des initiatives et des responsabilités ». « La méthode à suivre doit favoriser la subsidiarité, en accordant la primauté au niveau local », poursuit le rapport. Ses auteurs évoquent d'ailleurs sans tabou l'hypothèse d'une décentralisation de l'IAE. En substance, estiment-ils, si le secteur demeure de la compétence de l'Etat, il importe de renforcer l'articulation des services déconcentrés avec les collectivités territoriales et les professionnels. S'il relève du conseil général ou du conseil régional, « la priorité doit rester au local quel que soit le niveau de décentralisation ». Sachant qu'une majorité des membres du groupe d'experts souhaite que, si elle venait à être décidée, la décentralisation de l'IAE se fasse au profit du conseil régional. Cette décentralisation pourrait conduire à « une simplification de la gouvernance » de l'IAE mais, s'interroge le groupe d'experts, « est-elle pour autant souhaitable ? » Le rapport n'apporte pas de réponse à cette question. Il prévient toutefois que, quelle que soit l'option prise en matière de décentralisation, « il faudra en tout état de cause lutter contre les disparités en fixant des objectifs minimaux de base et des critères d'évaluation », la décentralisation ne devant pas conduire « à une aggravation des disparités régionales et territoriales aujourd'hui bien réelles ».

Des parcours d'insertion difficiles à construire

Constatant des difficultés pour construire les parcours d'insertion professionnelle, le rapport présente enfin un train de propositions visant à améliorer leur efficacité. Il insiste, entre autres, sur la nécessité de corriger les lacunes de la procédure d'agrément des structures de l'IAE. Il est notamment proposé d'« unifier [son] régime juridique, c'est-à-dire d'en systématiser le caractère obligatoire pour l'accès aux financements de l'Etat et d'en supprimer le caractère obligatoire pour l'embauche ».

Par ailleurs, pour les experts, l'ANPE et les plans locaux pour l'insertion et l'emploi doivent travailler les parcours d'insertion « dans un cadre davantage concerté ». Autre enjeu à relever : mieux articuler insertion et formation des salariés en parcours d'insertion. Dans cette optique, plusieurs pistes sont avancées, parmi lesquelles : la création d'un véritable droit à la formation porté par le salarié en parcours d'insertion et ne dépendant ni du statut ni de la structure d'insertion, ainsi que la suppression de la règle de non-cumul, pour les structures de l'IAE, entre une aide à l'emploi et une aide à la formation professionnelle. Les experts proposent également d'éliminer les obstacles à la validation des acquis de l'expérience (VAE) dans les structures de l'IAE : condition d'ancienneté de trois ans inadaptée à la durée du parcours de 24 mois, insuffisance des crédits d'accompagnement de la VAE « faisant reporter sur des structures ou pire des personnes pauvres une partie [de son] coût », insuffisances de formation auprès des responsables de l'IAE et d'articulation entre les différents acteurs de la VAE, etc. Le groupe d'expert va plus loin encore en recommandant de « faciliter le rapprochement des SIAE du droit commun de la formation ».

Selon le rapport, en outre, « un seul système d'intéressement doit avoir cours » dans ces structures. Au-delà, il s'agit d'« intégrer l'entreprise classique dans la lutte contre l'exclusion ». Il faudrait en ce sens, notamment, améliorer la souplesse des transitions envisageables dans les entreprises classiques et la sécurité pour les salariés en insertion, en créant un mécanisme associant mobilité et sécurité qui permette au salarié en parcours d'insertion de suspendre son contrat pendant une période d'essai dans une entreprise classique.

Notes

(1) Lever les obstacles aux promesses de l'IAE - Disponible sur www.cniae.gouv.fr.

(2) Voir ASH n° 2451 du 14-04-06, p. 5.

(3) Voir ASH n° 2463 du 7-07-06, p. 11.

(4) Etat, régions, départements, intercommunalités, communes : il y a aujourd'hui cinq niveaux de puissance publique en France, tous concernés à un titre ou un autre par la lutte contre les exclusions, sans compter l'Europe qui intervient à titre subsidiaire, rappelle le groupe d'experts.

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