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« La recherche permet de «reconflictualiser» le champ social »

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Valoriser la recherche dans le champ social, tel est l'objectif de l'Associa-tion des chercheurs des organismes de la formation et de l'intervention sociales (Acofis). « Un enjeu politique, face aux risques d'instrumentalisation du travail social », défend son président, Manuel Boucher (1).
Pourquoi avoir créé l'Acofis ?

Cette association - créée en 2006, mais opérationnelle depuis mai dernier - est née de la rencontre de quelques sociologues rattachés à plusieurs instituts de formation en travail social (Lille, Clermont-Ferrand, Paris, Genève, Grenoble, Perpignan) avec ceux du laboratoire d'étude et de recherche sociales (LERS) de l'Institut de développement social de Haute-Normandie. Lors de la réalisation d'un projet de recherche européen, ces professionnels ont pu mesurer le hiatus existant entre le besoin de produire de la connaissance sur le champ social et le déficit d'organismes de recherche dans ce secteur. L'offre structurée de recherche de l'appareil de formation du travail social reste exceptionnelle. Le manque de financement souvent invoqué - pourtant réel - ne justifie pas à lui seul cet état de fait.

Quel est votre objectif ?

Nous voulons valoriser la recherche dans le champ social, notamment dans les organismes de la formation et de l'intervention sociales. Face aux risques d'instrumentalisation du travail social, celle-ci constitue un enjeu politique fort. La recherche, lorsqu'elle combine des dimensions politiques, sociales et déontologiques, peut générer une production autonome de connaissances à partir des valeurs humaines (respect de l'individu considéré comme acteur), démocratiques et républicaines (croyance en des actions de solidarité et de justice sociale) et des intérêts propres au champ social. Nous croyons aussi en sa capacité à influencer les politiques sociales et à contribuer à la transformation sociale.

Le compagnonnage entre la recherche et le travail social a pourtant toujours été difficile...

Pendant longtemps la recherche académique sur le travail social n'était pas valorisée. Néanmoins, quelques sociologues ont investi ce champ avec un regard condescendant et hypercritique. Les travailleurs sociaux ont alors été considérés comme des dominés-dominants au service du contrôle social. La collusion de ces francs-tireurs, qui avaient quitté quelque peu leur posture de chercheur, et de certains « leaders » du social, séduits par leurs discours, a fait émerger la croyance que pourrait exister une « recherche sociale » - confondue ainsi avec la « recherche sur le social » -, dotée d'un corpus théorique et d'une méthodologie ad hoc. Certains y ont vu la possibilité de revendiquer la création d'une discipline scientifique du travail social et ont accrédité l'idée que des travailleurs sociaux dotés d'un DSTS ou initiés aux méthodes de recherche pouvaient être des chercheurs confirmés. Or penser que le travail social, qui touche des champs multiples, puisse être une science est aberrant ! En revanche, il peut être utile, d'un point de vue stratégique, d'en faire une discipline académique, à l'image d'autres pays européens, ce qui ouvrirait la voie de la reconnaissance universitaire au travail social. Celle-ci permettrait aux professionnels de maintenir leur autonomie vis-à-vis des logiques « libérales-sécuritaires » en plein développement.

A votre niveau, comment comptez-vous rapprocher les chercheurs des travailleurs sociaux ?

Nous organisons régulièrement des séminaires et conférences dans des écoles de travail social (2). Nous utilisons également des méthodes de recherche actives. Ainsi nous menons des séances d'« intervention sociologique », qui réunissent sur un thème précis (la discrimination ethnique, par exemple) les acteurs concernés et leur permettent par l'auto-analyse d'accroître leur capacité d'action. Nous ne sommes pas dans la recherche condescendante, mais dans une démarche visant à proposer aux travailleurs sociaux des outils d'émancipation pour eux-mêmes ou leurs publics.

Votre approche est sociologique, et donc partielle...

Aujourd'hui notre association est majoritairement composée de sociologues. L'approche sociologique permet de comprendre comment la société contemporaine peut, malgré l'effondrement de l'Etat-providence, recomposer du politique et de la solidarité. Elle n'est bien sûr qu'un maillon sur un champ de recherche qui ne peut être que pluridisciplinaire. Dans tous les cas, il est nécessaire de « reconflictualiser » le champ social. A cette fin, le développement de la recherche est incontournable.

Notes

(1) Et directeur scientifique du LERS de l'IDS de Haute-Normandie - Tél. 06 03 38 32 87 - Courriel : acofis@gmail.com.

(2) Dont un séminaire sur « les enfants de harkis » à l'IFTS d'Echirolles (11 octobre), « la question ethnique » à l'IRTS de Basse-Normandie (22 novembre) et une conférence sur « la recherche dans les organismes de la formation et de l'intervention sociale » à l'IDS de Haute-Normandie (6 décembre).

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