Trois articles de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs (1)concernent les établissements sociaux et médico-sociaux. Ils ne constituent évidemment pas le coeur de la réforme mais deux d'entre eux apportent néanmoins des clarifications bienvenues sur les différentes procédures de contrôle de ces structures, dont certaines sont réclamées depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. Cette dernière a en effet complété les règles de contrôle existantes, issues notamment de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, par des règles spécifiques aux établissements et services soumis à autorisation préalable, sans toutefois les coordonner réellement entre elles. Ainsi, à côté des articles L. 331-1 à L. 331-9 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoyaient un contrôle général par les autorités de l'Etat sur l'ensemble des établissements, qu'ils soient autorisés ou déclarés, la loi « 2002-2 » a introduit les articles L. 313-1 à L. 313-20 mettant en place un contrôle dit « administratif » pour les seuls établissements et services soumis au régime de l'autorisation.
En outre, ces dispositions ont ensuite été modifiées par des lois successives, notamment la loi « handicap » du 11 février 2005 et celle du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. Or tous ces textes répondent à des préoccupations assez différentes, d'où un manque de cohérence d'ensemble qui suscitait parfois des difficultés d'interprétation et de mise en oeuvre au niveau local. La loi du 5 mars 2007 aménage donc certains articles du code de l'action sociale et des familles, dans le dessein d'harmoniser les dispositions régissant le contrôle de tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux et celles relatives aux seules structures soumises à autorisation. Dans cet objectif, elle définit mieux les deux types de contrôle existants - le contrôle prévu aux articles L. 313-1 à L. 313-20, dit « administratif », et celui détaillé aux articles L. 331-1 à L. 331-9, dont elle précise qu'il tend à assurer la sécurité des personnes -, et articule les modalités de leur réalisation. Elle prévoit en outre leur complémentarité, en disposant expressément que tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux sont soumis au contrôle administratif.
Contrairement à la plupart des autres mesures de la loi qui n'entreront en vigueur qu'au 1er janvier 2009, ces modifications sont applicables depuis le 7 mars 2007, date de publication du texte au Journal officiel.
La loi du 5 mars 2007 modifie le champ du contrôle administratif opéré sur les établissements et services sociaux et médico-sociaux soumis à autorisation du président du conseil général ou du préfet (code de l'action sociale et des familles [CASF], art. L. 313-13 nouveau). Contrôle dont l'objectif est principalement de s'assurer du respect des droits des usagers et de leur bien-être physique et moral.
En premier lieu, la notion de contrôle est élargie, la loi du 5 mars 2007 ne précisant plus, contrairement à ce qui prévalait auparavant, qu'il doive porter uniquement sur « l'activité ».
Par ailleurs, ce contrôle est étendu aux lieux de vie et d'accueil. C'était un oubli de la loi du 2 janvier 2002. Il est donc aujourd'hui réparé. Rappelons que ces structures, vouées à l'hébergement et non aux soins, sont par exemple chargées de l'accompagnement et de l'insertion sociale des personnes prises en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance ou par l'autorité judiciaire parce que soit elles sont atteintes de troubles psychiques, soit elles sont handicapées ou présentent des difficultés d'adaptation, soit encore elles sont en situation de précarité ou d'exclusion sociale.
Sont donc désormais englobés dans le champ du contrôle tous les établissements sociaux et médico-sociaux dont la liste figure à l'article L. 312-1, I du code de l'action sociale et des familles, qui a par ailleurs été élargie par la loi du 5 mars 2007 pour y intégrer les services mettant en oeuvre des mesures de protection juridique des majeurs ordonnées par le juge et ceux qui exercent des mesures d'aide à la gestion du budget familial (voir encadré, ci-dessous).
La loi du 5 mars 2007 précise les modalités du contrôle, notamment en coordonnant mieux les interventions des agents chargés des visites d'inspection.
Auparavant, lorsque le contrôle avait pour objet d'apprécier l'état de santé, de sécurité, d'intégrité ou de bien-être physique ou moral des personnes accueillies, les visites devaient être effectuées à la fois par un médecin inspecteur de santé publique et par un inspecteur de l'action sanitaire et sociale. Désormais, elles peuvent être conduites par l'un d'eux seulement en fonction de la nature du contrôle (CASF, art. L. 313-13 nouveau). Selon les travaux parlementaires, « cet allégement permettra d'accroître le nombre des visites d'inspection » (Avis Sén. n° 213, février 2007, Dupont, page 110). En outre, cela facilitera « la tenue de ces visites car l'une comme l'autre des catégories de ces agents demeurent confrontées à de réels problèmes d'effectifs sans que l'ampleur de leurs missions, bien au contraire, soit revue à la baisse. Il n'est pas rare, en effet, que certaines directions départementales des affaires sanitaires et sociales ne comportent qu'un médecin inspecteur en santé publique. On dénombre en revanche davantage d'inspecteurs de l'action sanitaire et sociale [...], même si là aussi les disparités peuvent être fortes d'un département à un autre » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 297).
Tirant les conséquences de cette nouvelle méthode d'inspection, l'audition de l'usager et de sa famille et le recueil de leurs témoignages lors de ces visites peuvent être également réalisés par l'inspecteur de l'action sanitaire et sociale. Cette compétence relevait jusqu'alors du seul médecin inspecteur de santé publique. Sans changement, en revanche, le médecin inspecteur comme l'inspecteur de l'action sanitaire et sociale peuvent recueillir les témoignages des personnels de l'établissement ou du service (ou du lieu de vie et d'accueil). La loi du 5 mars 2007 ne modifie pas non plus les règles concernant le constat des infractions. Ces dernières ne peuvent toujours pas être relevées par le médecin inspecteur de santé publique, qui n'en a pas la prérogative ni même les compétences techniques. L'inspecteur de l'action sanitaire et sociale demeure seul compétent pour dresser des procès-verbaux des infractions constatées par lui, documents qui font foi jusqu'à preuve du contraire.
Sans changement également, lorsque le contrôle a pour but de vérifier les règles techniques d'organisation et de fonctionnement de la structure ou l'existence d'infractions aux lois et règlements susceptibles d'engager la responsabilité civile de l'établissement ou pénale de son gestionnaire, l'inspecteur de l'action sanitaire et sociale est le seul à pouvoir effectuer des saisies.
La loi du 5 mars 2007 cherche, de plus, à mieux coordonner les contrôles opérés par les agents de l'Etat et ceux du département pour vérifier les règles techniques d'organisation et de fonctionnement de la structure ou l'existence d'infractions aux lois et règlements susceptibles d'entraîner la responsabilité de l'établissement ou de son gestionnaire (CASF, art. L. 313-13 nouveau).
Dans les établissements et services autorisés par le président du conseil général, les contrôles sont effectués en principe par les agents départementaux habilités à cet effet par cet élu. Toutefois, ces contrôles peuvent également, précise la loi, être réalisés de façon séparée ou conjointe avec ces agents par les inspecteurs de l'action sanitaire et sociale et les médecins inspecteurs de santé publique. « Il s'agit, en l'espèce, de permettre aux personnels sanitaires de l'Etat d'intervenir en cas de carences des services départementaux (manque de personnels qualifiés, conflits d'intérêt, notamment). En outre, à la différence de l'Etat, ces derniers ne disposent pas d'une mission dédiée à l'inspection et au contrôle : la mission régionale et interdépartementale d'inspection, d'évaluation et de contrôle (MRIICE). Cette disposition [...] vise à conforter l'effectivité des contrôles qui seront exercés » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 297).
Enfin, la loi du 5 mars 2007 complète les cas dans lesquels l'autorisation de fonctionner d'une structure sociale ou médico-sociale peut, lorsque la fermeture définitive a été prononcée, être transférée par l'autorité qui l'a délivrée à une collectivité publique ou à un établissement privé poursuivant un but similaire.
En plus des motifs déjà existants permettant ce transfert - à savoir le non-respect des conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement de la structure ainsi que la mise en cause de la responsabilité civile du service ou pénale du gestionnaire liées à des infractions aux lois et règlements -, ce transfert est désormais possible (CASF, art. L. 313-18 nouveau) :
en présence de menaces que les conditions d'installation, d'organisation ou de fonctionnement de l'établissement font peser sur la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées ;
et, pour les structures pour mineurs, en plus des motifs précédents, en cas de violation des dispositions relatives à l'obligation scolaire ou à l'emploi des jeunes ou en cas d'existence de menaces pesant sur la santé, la moralité ou l'éducation des mineurs.
La loi prévoit que ces règles s'appliquent aussi aux lieux de vie et d'accueil.
La loi du 5 mars 2007 modifie, sur plusieurs points, le dispositif de contrôle prévu aux articles L. 331-1 à L. 331-9 du code de l'action sociale et des familles qui concerne tant les structures soumises à autorisation que celles soumises à déclaration. Du point de vue du vocabulaire, la notion de « surveillance » est abandonnée au profit de celle de « contrôle » retenue par la loi du 2 janvier 2002 pour les établissements et services autorisés.
Auparavant, l'article L. 331-1 du code de l'action sociale et des familles prévoyait un dispositif de contrôle général des établissements sans en préciser la finalité. C'est désormais chose faite avec la loi du 5 mars 2007 qui précise que ce contrôle « tend, notamment, à s'assurer de la sécurité des personnes accueillies », « termes qui visent plus particulièrement la sécurité physique et non le respect des droits, qui relève quant à lui des contrôles administratifs prévus aux articles L. 313-13 à L. 313-20 du code de l'action sociale et des familles » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 298).
La loi du 5 mars 2007 précise le champ des structures concernées et la qualité du personnel chargé de procéder au contrôle.
Alors que seuls les établissements sociaux et médico-sociaux étaient jusque-là visés, la loi du 5 mars 2007 étend explicitement le contrôle non seulement aux services, mais aussi aux lieux de vie ou d'accueil (CASF, art. L. 331-1 modifié).
Sont concernées les structures autorisées, déclarées ou, précise la loi, agréées. Cela couvre d'ores et déjà, notamment, les établissements et services d'accueil des jeunes enfants, les assistants familiaux et maternels agréés ou encore l'accueil familial, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées. Cela recouvrira aussi, à compter du 1er janvier 2009, par exemple, les services mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire ainsi que les services mettant en oeuvre les mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.
Ce contrôle, comme auparavant, est exercé sous l'autorité du ministre chargé de l'action sociale et du représentant de l'Etat dans le département.
Il est exercé, comme aujourd'hui, par les membres de l'inspection générale des affaires sociales, mais aussi désormais par les agents qualifiés statutairement des directions des affaires sanitaires et sociales (CASF, art. L. 331-1 modifié). Le texte, jusque-là, ne prévoyait pas cette qualification et évoquait, sans précision, les agents des directions des affaires sanitaires et sociales.
La loi du 5 mars 2007 prévoit enfin la complémentarité des différents contrôles. Autrement dit, un contrôle à des fins sanitaires ou sécuritaires n'empêche pas un contrôle du respect des droits.
Un nouvel article L. 331-6-1 est ainsi inséré dans le code de l'action sociale et des familles. Il prévoit que les établissements, les services et les lieux de vie ou d'accueil soumis aux dispositions relatives aux contrôles sanitaires à des fins de sécurité des personnes hébergées sont également soumis aux contrôles administratifs prévus aux articles L. 313-13 à L. 313-20 du code de l'action sociale et des familles relatifs à l'intégrité et au bien-être physique ou moral des usagers, au respect de leurs droits et à l'application des prescriptions législatives et réglementaires en matière de prise en charge.
La loi du 5 mars 2007 étend la liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux fixée à l'article L. 312-1, I du code de l'action sociale et des familles.
A compter du 1er janvier 2009, figureront ainsi dans cette nomenclature (CASF, art. L. 312-1, I, 14° et 15° nouveaux) :
les services mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire ;
les services mettant en oeuvre les mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial.
La loi du 5 mars 2007 modifie les règles applicables aux dons et legs des personnes hébergées dans les établissements ou services sociaux et médico-sociaux soumis à autorisation ou à déclaration.
Actuellement, il est interdit aux personnes physiques propriétaires, administrateurs ou employées des établissements de profiter des dispositions entre vifs (donations) ou de clauses testamentaires faites en leur faveur par des personnes hébergées dans le ou les établissements qu'elles exploitent ou dans lesquels elles sont employées.
Désormais, ces dispositions s'appliquent également aux bénévoles intervenant dans ces établissements et aux associations auxquelles ils adhèrent, ainsi qu'aux personnes morales propriétaires des établissements d'hébergement (CASF, art. L. 331-4 modifié). « Cette disposition est en fait destinée à empêcher que certains mouvements sectaires, dont l'existence légale repose le plus souvent sur la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, n'abusent de la faiblesse de personnes socialement, psychologiquement ou mentalement fragiles, afin de leur extorquer leurs biens » (Rap. A.N. n° 3557, janvier 2007, Blessig, page 299).
Cette interdiction s'applique sous réserve de l'application de l'article 909 du code civil, dont la rédaction a été modifiée par la loi du 5 mars 2007. Dans sa nouvelle version, en vigueur à compter du 1er janvier 2009, cette disposition prévoit que les membres des professions médicales, les pharmaciens et les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie.
De même, à compter du 1er janvier 2009, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité.
Sont exclues toutefois, dans les deux cas, notamment les rémunérations faites à titre particulier, eu égard aux facultés de la personne hébergée et aux services rendus. Cette exception s'applique également dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux.