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Réduction des risques : les objectifs de 1998 sont loin d'être atteints, pointe une étude interassociative

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Longtemps suspectée d'être une politique de « facilitation de l'usage » davantage que d'incitation aux soins, la réduction des risques joue un rôle essentiel au coeur du dispositif médico-social de prise en charge des usagers de dro-gues. C'est l'une des conclusions d'une enquête exhaustive, réalisée par l'association Safe (1) entre octobre 2006 et mars 2007, soit près de trois ans après la reconnaissance législative de la réduction des risques par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Menée avec le soutien de la direction générale de la santé, en partenariat - de manière inédite - avec l'ensemble des associations du secteur (2), elle s'appuie sur 213 réponses de services associatifs, hospitaliers et municipaux (500 questionnaires adressés).

Un accès aux soins facilité

Premier constat : sur 166 structures ayant une fonction d'accueil, 84 % accompagnent vers le soin ou réalisent directement une prestation de soins, et près de 40 % sont gérées par des associations ayant aussi des missions de soins en addictologie (centres de soins spécialisés en toxicomanie, centres de consultation en alcoologie ambulatoire et services hospitaliers). « La fonction de facilitation de l'accès aux soins du dispositif de réduction des risques est donc clairement mise en oeuvre sur le terrain », commentent les auteurs. Les programmes d'échange de seringues ont par ailleurs permis de collecter plus de deux millions de seringues usagées en 2005, ce qui a été déterminant dans la salubrité publique, « sachant qu'une majorité de la population injectant des drogues est porteuse du virus de l'hépatite C ».

Alors que la loi du 9 août 2004 a institué les centres d'accueil et d'accompagnement pour la réductions des risques (Caarud), établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie concourant à institutionnaliser le dispositif (3), 46 % des structures n'ont pas obtenu ce statut. Si deux régions (Corse et Limousin) et 33 départements n'en ont pas, la grande majorité de la file active repérée (environ 60 500 usagers) est néanmoins suivie par ces établissements. Un constat globalement positif qu'il convient de relativiser, nuancent les auteurs, car « plus d'un million de seringues sont diffusées dans les départements non dotés de Caarud (par les pharmaciens et les programmes d'échange de seringues associatifs), ce qui signifie qu'un nombre important de toxicomanes injecteurs y est présent et devrait pouvoir bénéficier de l'ensemble des prestations de réduction des risques ».

Une mise en oeuvre inégale

Plus grave, « l'accès à la réduction des risques n'est pas rendu possible dans tous les départements », si bien que « les objectifs de la circulaire de 1998 prévoyant l'équipement en priorité des villes de plus de 40 000 habitants ne sont pas atteints ». Neuf départements ne disposent en effet d'aucun service de réduction des risques et près de 50 villes de plus de 40 000 habitants n'ont encore aucun programme.

Une analyse plus précise des actions menées par les structures fait apparaître la diversité de l'offre : « Outre les actions traditionnelles de la réduction des risques telles que l'accueil, les activités de type «boutique» (comme la mise à disposition de boissons, de machines à laver, de douches...) et les programmes d'échange de seringues, se développent les actions de prise en charge et de suivi au long cours. » Les structures réalisent ainsi de plus en plus un suivi médical et infirmier, une prise en charge psychologique et un accompagnement social incluant le conseil juridique, l'hébergement et une activité d'insertion (proposée dans 60 structures sur 213). Se développent également quelques expériences de « travail à bas seuil » « pour permettre à des usagers d'accéder à un travail rémunéré alors qu'ils ne peuvent pas s'intégrer au système de droit commun ».

Avec une capacité d'hébergement de 90 places permanentes sur tout le territoire, les structures n'ont en revanche pas de moyens suffisants « pour assurer l'hébergement de stabilisation (entre trois et six mois au minimum) qui permet l'accès au traitement des plus précaires ». Autre ombre au tableau : le taux d'encadrement dans les structures est hétérogène sur le territoire national : « le faible nombre de personnels en «équivalents temps plein» salariés est préoccupant [moins de quatre dans une cinquantaine de Caarud], au regard de la liste des missions à accomplir ». La proportion des personnels volontaires et de ceux mis à disposition est importante, à la fois dans les structures non Caarud, où ils représentent la moitié des effectifs, et les Caarud (un tiers des personnels).

L'étude, qui devrait être adressée au début du mois de septembre aux décideurs et aux parlementaires, formule une série de préconisations. La première : poursuivre la sécurisation du dispositif et améliorer la couverture territoriale. Face aux résistances locales auxquelles se heurtent l'implantation et l'extension des structures, « une nouvelle impulsion est nécessaire pour atteindre les objectifs de la circulaire de 1998 ». Parce que les dispositifs isolés fonctionnent peu, ou mal, les auteurs recommandent que, dans chaque département, l'offre de réduction des risques soit organisée autour d'au moins un Caarud. La lutte contre l'hépatite C devrait être intensifiée, notamment en multipliant « au moins par 15 » le nombre de places d'hébergement « de stabilisation », en plus de la consolidation des places d'hébergement d'urgence, pour faciliter l'accès aux soins des usagers précaires. « Il pourrait être envisagé la création de Caarud résidentiels (collectifs ou éclatés) avec mission de stabilisation, au même titre que ce que réalisent les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie dans une visée thérapeutique », propose l'étude. Enfin, enjoint-elle, il faudrait augmenter le nombre de personnels salariés dans les équipes et « fournir des efforts importants pour assurer une qualification spécifique des effectifs ».

Notes

(1) Le dispositif national de réduction des risques - Juin 2007 - Association Safe : 11, avenue de la Porte-de-la-Plaine - 75015 Paris - Tél. 01 40 09 04 45 - Téléchar-geable sur www.anit.asso.fr.

(2) Aides, Association nationale des intervenants en toxicomanie, Association française pour la réduction des risques, Médecins du monde, Association nationale de prévention et de réduction des risques en espaces festifs et Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.

(3) Leurs missions sont définies par la circulaire du 19 décembre 2005 (voir ASH n° 2436 du 30-12-05, p. 16) : l'accueil collectif et individuel, l'accès aux soins, l'accès aux droits, au logement et à l'insertion, la mise à disposition de matériel de prévention des infections et l'intervention de proximité à l'extérieur du centre.

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