Lectures du mois

Coaching, conseil, tutorat, guidance... Sous différentes appellations et de multiples déclinaisons dans les champs professionnel, familial, social, thérapeutique, l'accompagnement des adultes fait aujourd'hui florès. De fait, l'époque est aux « ruptures, transitions, rebonds » d'autant plus déstabilisateurs que souvent ils n'auront été ni désirés, ni anticipés. Dans cet ouvrage, dix-sept auteurs croisent leur regard critique sur les pratiques d'accompagnement dans différents secteurs en essayant d'en cerner l'originalité, les significations, mais aussi les pièges. Et nous invitent à une méditation plurielle sur cette relation si particulière et si incertaine, étayée par des apports théoriques et pratiques.

C'est ainsi que Paul Fustier, professeur de psychologie clinique à l'université Lyon-II, examine comment les travailleurs sociaux peuvent éviter de se retrouver pris dans les paradoxes de l'accompagnement d'une « personnalité carencée » : comment gérer le risque de rendre l'autre dépendant de son aide ? Comment ne pas se laisser intoxiquer par la demande d'amour dont on est l'objet, sans interdire l'espoir chez la personne accompagnée ? Pour sa part, Jean-Pierre Boutinet, professeur de psychosociologie à l'université catholique de l'Ouest (Angers) oppose « l'accompagnement-visée », qui tend à l'atteinte d'un but, et « l'accompagnement-maintien », qui encourage la persévérance au sein d'une activité ou d'un statut menacés. Deux types d'accompagnement qui se retrouvent, sous une modalité ou une autre, dans deux concepts-phares du travail social : l'accompagnement de projet (par un professionnel) et le projet d'accompagnement (dudit professionnel). Avec le risque, toujours présent, que le professionnel, en accompagnant un projet, se substitue à autrui et que le projet d'accompagnement prenne alors le pas sur l'accompagnement de projet.

S'ils exercent l'un des plus anciens métiers de l'intervention sociale, les 13 000 éducateurs de jeunes enfants (EJE) - des femmes à 94 % - n'en sont pas moins relativement méconnus ou, du moins, mal identifiés comme des travailleurs sociaux. Ce déficit de reconnaissance tient à l'histoire de la profession. Apparues en France au tout début du XX^e siècle, les jardinières d'enfants ont longtemps exercé dans le secteur social et celui de l'enseignement : elles quitteront définitivement l'Education nationale vers 1960, mais continueront à intervenir auprès de tout type d'enfants et de leurs familles. Puis, lorsque les professionnels deviennent « éducateurs de jeunes enfants » en 1973, date de création du diplôme d'Etat sanctionnant deux années de formation après le baccalauréat, ce titre de niveau IV ne leur permet pas de prétendre aux mêmes avantages statutaires et salariaux que les assistants sociaux ou les éducateurs spécialisés. Attendu de longue date, c'est fin 2005 que paraît le décret réformant leur formation. Les professionnels, désormais, décrochent un diplôme de niveau III après trois ans d'études ou par le biais de la validation des acquis de l'expérience. En 2007, ils se voient ouvrir de nouvelles perspectives de carrière, avec la possibilité d'accéder aux postes de direction des établissements et services d'accueil de la petite enfance.

Pris en tension entre logique économique et logique sociale, les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) peinent à concilier les exigences de productivité et un accompagnement adapté de leurs salariés, afin de leur permettre d'évoluer aux plans personnel et professionnel. Partant de ce constat, Gérard Brière et Christian Guitton, directeurs d'ESAT, ont conçu une démarche innovante de valorisation et de développement des compétences des travailleurs handicapés. Réalisée, entre 2002 et 2006, dans le cadre du programme européen Equal, cette action a été mise en oeuvre par 24 ESAT de la région Bretagne.

Le principe du dispositif « Différent et compétent » est d'utiliser les situations de production comme des situations de formation, c'est-à-dire de passer d'une organisation taylorienne du travail, basée sur la répétitivité des tâches, à une « organisation apprenante » centrée sur un apprentissage permanent. A cet effet, les « référentiels métiers », en vigueur dans le milieu ordinaire, ont été déclinés en trois niveaux de progression professionnelle, correspondant à des degrés de complexité croissante et associés à différentes modalités de reconnaissance des compétences. Attestation de compétences (pour les niveaux I et II), ou reconnaissance de droit commun (titre ou diplôme par validation des acquis de l'expérience pour le niveau III) : quelles que soient ses performances, toute personne se voit évaluée positivement et peut prendre appui sur cette réussite pour alimenter son envie de continuer à apprendre. 500 travailleurs handicapés ont ainsi pu bénéficier de parcours qualifiants menés au sein de différents métiers en partenariat avec des entreprises privées.

Non, les personnes atteintes de maladies neurodégénératives n'ont pas perdu, avec leurs acquis cognitifs, toute forme d'intelligence, toute conscience de leur état et de ce qui se passe autour d'elles, ni tout élan vital. Mais, effectivement, « la démence a ceci de terrible qu'en empêchant la personne de s'exprimer et de se manifester comme nous, on ne sait plus rien, on ne voit plus rien et on risque de l'enterrer alors qu'elle est encore bien vivante », souligne Cécile Delamarre, chercheure et praticienne en psychomotricité fonctionnelle, cadre de santé dans des unités spécifiques Alzheimer du Val-de-Marne. Précisément, l'intérêt de son propos est d'aider à la fois à comprendre l'évolution des troubles du malade et la permanence de ses traits de caractère : ce qui était important pour lui, avant le début de sa maladie, l'est encore après, c'est pourquoi il est indispensable de collecter toutes les informations à même de favoriser un « accompagnement bien traitant ». Partageant ses connaissances et son expérience avec une grande subtilité, Cécile Delamarre montre, à travers de nombreux exemples, ce qu'un comportement déroutant, voire incongru, peut signifier. A défaut de parole, ces adultes âgés parviennent à « dire » ce qu'ils souhaitent ou ce qui les touche. Mais encore faut-il savoir les entendre. Nul doute qu'à la lecture de son ouvrage, familles et professionnels trouveront en eux les ressources pour mieux y parvenir.

« C'est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans philosopher », affirmait Descartes. Jacques Riffault, directeur adjoint de l'IRTS d'Ile-de-France, a rassemblé différents textes - articles et interventions orales - à même de permettre aux professionnels de maintenir entière leur capacité de s'étonner et de douter, en réinterrogeant leur activité à la lumière des valeurs fondatrices et des finalités du travail social.

Début des années 1970 : de nombreux arrêtés d'expulsion sont pris à l'encontre d'étrangers ayant participé aux événements de mai 1968. Fin 2003 : sans abolir la « double peine » - qui rend possible l'éloignement d'un étranger après qu'il a purgé une peine de prison sur le territoire français -, la loi Sarkozy sur l'immigration réforme cette pratique dans un sens protecteur pour les étrangers qui ont passé l'essentiel de leur vie en France. Entre ces deux dates, le sociologue Lilian Mathieu retrace l'histoire du mouvement social qui a porté cette revendication et l'évolution du traitement politique du thème de l'immigration.

Si la fameuse expertise de l'Inserm sur les troubles des conduites de l'enfant et de l'adolescent envisagés sous l'angle de la détection, de la surveillance et de la punition a été désavouée par nombre de professionnels, la politique qui la sous-tend reste d'actualité. Pour que la réflexion se poursuive sur les principes d'action et les règles de « bonne conduite », l'association Louis-Chatin pour la défense des droits de l'enfant a organisé un colloque le 23 octobre 2006.

Tout professionnel encourt un risque d'usure à divers moments de sa carrière : risque personnel, risque collectif aussi pour une équipe ou une institution. Les facteurs pathogènes sont connus : l'isolement, la difficulté à créer du lien tout en maintenant la bonne distance, à agir à la fois dans l'urgence et dans la durée, avec des conditions d'exercice parfois maltraitantes... L'épreuve est réelle mais pas insurmontable, comme l'a montré la journée tenue sur ce thème le 29 janvier 2007 à l'initiative de la Fondation pour l'enfance (voir ASH n° 2504 du 20-04-07, page 35).

Dans leur grande diversité, les jeunes sont confrontés à des situations difficiles que les émeutes de banlieue et les manifestations contre le contrat première embauche ont mis en évidence. Dans le domaine du choix de la vie professionnelle et de la citoyenneté, les conseils économiques et sociaux ont voulu les écouter et leur apporter des réponses, à l'occasion de leur III^e convention nationale, réunie à Lyon le 6 février 2007.

Dans une société comme la nôtre qui donne la préférence au présent, mais qui doit se préparer à un fort vieillissement, comment concevoir, organiser, mesurer, faire vivre les solidarités intergénérationnelles ? Celles, publiques, des systèmes de protection sociale, des grands investissements, de la dette, de l'usage des ressources de la planète ? Celles, privées, de l'entraide familiale ? La question était débattue le 23 octobre 2006, lors des « Diagonales » de la Fondation Caisses d'épargne pour la solidarité.

L'articulation du travail social et de la psychanalyse était au coeur des premières journées d'études des 12 et 13 mars 2005 du département « travail social » de l'Asso-ciation lacanienne internationale. L'occa-sion de passionnants débats de psychanalystes, sociologues, travailleurs sociaux sur l'intérêt (et les limites) du discours analytique pour aider le professionnel à sortir d'une place de toute-puissance (ou d'impuissance) pour permettre l'émergence d'une parole. Avec en arrière-plan de nombreuses questions sur l'acte, la clinique et l'éthique en travail social, et une interrogation majeure : y a-t-il encore un espace praticable pour les intervenants, soumis aux pressions gestionnaires et manageriales, pour ne pas tomber dans la prestation, le « social de service » ?