« Inventorier, à partir des réalisations déjà accomplies, le chemin qui reste à parcourir, les compléments, les aménagements et les assouplissements qu'il convient d'apporter pour que le but ultime soit atteint le plus rapidement et le plus globalement possible. » C'est la démarche adoptée par le délégué interministériel aux personnes handicapées pour tirer le bilan « à mi-parcours » de la réforme engagée par la loi « handicap » du 11 février 2005 et ses textes d'application. Dans un rapport remis le 22 août au ministre et à la secrétaire d'Etat chargés de la solidarité, Xavier Bertrand et Valérie Létard, Patrick Gohet dresse la liste des « préconisations qui permettent la concrétisation de tout ce qui est attendu du nouveau dispositif législatif et réglementaire » à partir des pratiques qui se mettent en place (1).
En cette veille de rentrée scolaire, les premières préoccupations du délégué interministériel portent sur l'éducation et la scolarisation. A cet égard, les dernières mesures annoncées par le ministère de l'Education nationale répondent en partie à ses préconisations : informer directement les familles sur leurs droits, approfondir la formation des enseignants, professionnaliser les auxiliaires de vie scolaire (voir page 5). Mais il reste encore beaucoup à faire : simplifier les procédures d'inscription, intégrer l'enseignement à distance dans les projets de scolarisation, réduire le nombre d'élèves handicapés suivis par chaque enseignant référent, transmettre à l'enseignant les renseignements concernant l'élève handicapé qui lui sont nécessaires pour la conception de son travail éducatif et pédagogique, transcrire les livres scolaires en temps utile pour les élèves aveugles et malvoyants...
Patrick Gohet apporte par ailleurs un éclairage sur le droit opposable à la scolarisation. Premier constat : sa mise en oeuvre s'avère complexe car elle suppose tout d'abord la réunion de moyens (formation des enseignants, programmes et outils pédagogiques adaptés, rythmes scolaires appropriés, accessibilité des locaux...). En outre, à qui ce droit est-il opposable, à quel moment et pour obtenir quoi ? s'interroge-t-il. Face à ces incertitudes, il observe que le droit opposable à la scolarisation « est plutôt compris par les associations comme l'expression tangible de la volonté du président de la République de conduire les autorités publiques à accomplir leurs obligations et de garantir aux enfants handicapés et à leurs familles l'effectivité de leurs droits ». Un point de vue confirmé par Xavier Bertrand : « le but est qu'on n'ait pas à se retourner contre l'Etat ».
En matière d'insertion professionnelle et d'emploi, Patrick Gohet propose des pistes de réflexion et d'action, plus particulièrement en faveur des établissements et services d'aide par le travail pour lesquels, selon lui, une nouvelle programmation pluriannuelle de création de places dès 2008, un bilan de l'application des nouvelles dispositions avant la fin de l'année et la mise en oeuvre de la validation des acquis de l'expérience s'avèrent notamment nécessaires. L'insertion professionnelle des jeunes souffrant de troubles psychologiques qui font obstacle aux liens relationnels retient également son attention. Pour eux, « la formation en alternance constitue une voie adaptée » et « l'accès à l'apprentissage doit leur être facilité le plus tôt possible, notamment à partir de 14 ans », estime-t-il (2). Il lance également l'idée d'une fusion de l'Agefiph et du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, d'un placement des deux fonds sous une gouvernance commune ou au minimum d'une « conclusion rapide d'une convention de collaboration qui porterait sur un partage de savoir-faire, des objectifs harmonisés et des outils mutualisés comme les Cap emploi ».
S'agissant de l'accessibilité (cadre bâti, transport, logement, culture, sport...), il rappelle que le principe est celui de « l'accès à tout pour tous » et plaide pour que les délais de mise en accessibilité soient respectés, voire avancés. Il propose également qu'un label « handicap et perte d'autonomie » soit créé afin de faire de l'accessibilité l'un des critères d'excellence en matière de construction, de transport et de pédagogie.
A la demande de Xavier Bertrand et de Valérie Létard, Patrick Gohet a porté sa réflexion sur la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées. Sans surprise (3), ses recommandations portent notamment sur l'accueil et l'information du public : favoriser l'accueil de proximité en particulier dans les grandes agglomérations et les zones rurales, organiser deux niveaux d'accueil (un premier niveau de « tri » des situations, un second pour les entretiens approfondis), élaborer des livrets d'accueil...
Le délégué interministériel définit enfin quelques grandes orientations. En dehors des textes à prendre en application de la loi « handicap » (voir page 5), il recommande une pause législative et réglementaire afin que l'ensemble des acteurs du secteur puissent « digérer » la réforme. Prochaine étape : la première conférence nationale du handicap qui doit avoir lieu en 2008.
(1) Bilan de la loi du 11 février 2005 et de la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées - Disponible sur
(2) Pour mémoire, la suspension de l'apprentissage dit « junior », c'est-à-dire ouvert aux jeunes dès l'âge de 14 ans, a été annoncée le 11 juin dernier.
(3) Un récent rapport élaboré par le sénateur UMP Paul Blanc formule lui aussi des pistes pour l'amélioration du fonctionnement de ces structures - Voir ASH n° 2516 du 6-07-07, p. 11.