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La garde à vue d'une assistante sociale ravive les craintes sur la protection des personnes en situation irrégulière

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Des faits qualifiés d'« inacceptables » par l'ANAS (Association nationale des assistants de service social) (1) et les associations oeuvrant pour la protection des droits des femmes. Le 17 juillet dernier, une assistante sociale de l'association Solidarité femmes de Belfort est convoquée par la police aux frontières, dans le cadre d'une instruction concernant une femme immigrée victime de violences conjugales, que l'association avait accompagnée et hébergée. Présente à l'audition en tant que travailleur social et invoquant le secret professionnel découlant de ses fonctions, l'assistante sociale refuse de communiquer la nouvelle adresse de la personne recherchée. Elle se retrouve placée en garde à vue durant trois heures pour « aide au séjour irrégulier ».

« Cette procédure ne résulte pas du fait que l'association ait hébergé une femme qui fait l'objet d'une invitation à quitter le territoire, mais de l'attitude d'opposition de l'assistante sociale, assure Bernard Lebeau, le procureur de la République au tribunal de grande instance de Belfort. Est-ce que refuser de communiquer le domicile d'une personne en situation irrégulière n'est pas faire obstacle à une décision administrative ? Est-ce couvert par le secret professionnel ? » Il appartient désormais au parquet de décider ou non de poursuites judiciaires.

Pour l'ANAS, l'affaire ne souffre pourtant aucun doute : les assistants de service social doivent répondre aux convocations de la police, explique-t-elle. Mais, « soumis au secret professionnel (art. L . 11-3 du code de l'action sociale et des familles et art. 226-13 du code pénal), ils doivent aussi se taire sur les faits privés connus dans le cadre de leur profession ». Ils ont la possibilité de divulguer des informations détenues dans le cadre de leurs fonctions en cas de péril pour la personne (art. 226-14 du code pénal), « ce qui n'était manifestement pas le cas ». Par ailleurs, « le séjour irrégulier ne fait pas partie des dérogations au secret professionnel contenues à l'article 226-14 du code pénal » (2).

L'association prévoit de diffuser prochainement une « note technique sur les situations de témoignages demandés par les services de police et de justice », qui aura vocation à constituer « un guide de conduite pour chaque professionnel soumis au secret par profession ou par mission ».

Au-delà, l'ANAS craint que, « sous la pression de «faire du chiffre»» qui pèse sur les policiers dans le cadre de la recherche des personnes sans papiers, « les dérapages se multiplient ». C'est pourquoi elle souhaite demander audience à Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, « afin que soient rappelées et respectées les règles concernant le témoignage des personnes soumises au secret professionnel ».

De son côté, le Planning familial voit dans cette affaire une nouvelle atteinte à la protection des femmes migrantes victimes de violence : « Depuis quelques mois, ces personnes, mises à l'abri par les structures spécialisées et qui bénéficiaient d'un titre de séjour provisoire d'un an renouvelable, voient leur document non renouvelé : puisqu'il y a rupture de la vie conjugale et qu'elle ne sont plus battues, la préfecture considère qu'elles n'ont plus besoin de la protection de la loi. » Des situations qui renvoient à d'autres situations paradoxales. Les associations ont ainsi fustigé au mois d'août le jugement prononcé à l'encontre d'une mère victime de violences conjugales par le tribunal correctionnel de Dunkerque. Après s'être réfugiée avec ses enfants auprès d'une association, sans communiquer sa nouvelle adresse à son mari, elle a été condamnée à trois mois de prison avec sursis pour « non-présentation d'enfant » (3).

Notes

(1) ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79.

(2) Dans sa note pratique « Sans papiers mais pas sans droits » de juin 2006, le GISTI précise que, depuis la loi Perben II du 9 mars 2004, les procureurs de la République et les officiers de police judiciaire peuvent demander à des personnels des services sanitaires et sociaux de leur transmettre des documents écrits intéressant l'enquête. Les travailleurs sociaux peuvent s'y opposer en invoquant le secret professionnel pour « motif légitime » - GISTI : 3, villa Marcès - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 84 84.

(3) Voir le site des ASH, sur www.ash.tm.fr, rubrique « ça se passe près de chez vous ».

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