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Affaire d'Argenteuil : la coercition à l'égard des sans-abri portée à son comble

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On croirait à une mauvaise blague. En juillet dernier, la mairie d'Argenteuil (Val-d'Oise) s'est dotée d'un produit répulsif malodorant pour chasser les sans-abri des issues de secours d'un centre commercial (1). Une décision prise en conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, a reconnu l'édile, Georges Mothron (UMP), qui a également confirmé que des « tests » avaient déjà été effectués. Choqués par cette initiative, un élu communiste et deux représentants locaux des Verts et du Mouvement républicain et citoyen ont, le 27 août, saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Sévèrement critiqué par Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, et par Christine Boutin, ministre du Logement, le maire a finalement suspendu l'utilisation du produit, désormais retiré de la vente, a assuré le ministère.

Faire « disparaître » les sans-abri

Faut-il être rassuré pour autant ? Interrogée par l'Agence France presse, la société qui commercialise la substance, dont on ne connaît pas le degré de toxicité, a affirmé qu'elle était utilisée « normalement pour éviter que des gens en état d'ébriété ne stationnent près d'endroits dangereux, sous les ponts ou près des routes ». D'autres collectivités l'auraient employée à cet effet. Quoi qu'il en soit, relèvent les associations, des pratiques moins spectaculaires, mais qui partent de la même intention, sont déjà à l'oeuvre. « D'autres actions, telles que les arrêtés municipaux anti-mendicité et anti-bivouacs, ou encore la suppression des toilettes publiques, sont menées sans provoquer autant d'émoi, alors qu'elles visent, de la même manière, à faire «disparaître» du paysage urbain les sans-abri », souligne ainsi la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS). Tant qu'il n'existera pas une prise en charge adaptée de ces personnes, ajoute-t-elle, elles seront déplacées d'un lieu à l'autre sans être sorties de la rue. Avec souvent une approche répressive et coercitive qui tend à se développer en Europe, comme le montre la Feantsa (Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les sans-abri). « Dans le contexte actuel de pensée et de politiques économiques et sociales néolibérales, les personnes sans abri sont de moins en moins tolérées et les efforts entrepris tendent à les rendre invisibles plutôt qu'à répondre à leurs besoins », observe-t-elle dans son magazine (2).

Répondre aux situations de pauvreté et de marginalisation des sans-domicile, c'est l'objectif poursuivi depuis 15 ans par Patrick Henry à la mission de lutte contre la grande exclusion de la RATP. Jusqu'à son arrivée, il s'agissait plutôt de les empêcher de s'installer dans le métro, via des aménagements spécifiques, comme les « sièges anti-allongement », installés en quinconce, supprimés depuis. « J'étais d'accord pour faire sortir les personnes sans abri du métro, où elles étaient autant malades sur le plan somatique que psychique, mais en apportant des réponses sanitaires et sociales, explique-t-il. Cela n'a aucun sens de jouer sur l'inconfort des gens quand l'inconfort fait partie de leur vie, de leur comportement. »

Tout le monde s'accorde sur la nécessité de clarifier la responsabilité des élus locaux et de l'Etat dans la mise en place de solutions adéquates. Même s'il restera toujours une proportion de personnes très marginalisées qui refusent d'aller en centre d'hébergement. « Ce ne sont pas des boules puantes qui doivent leur être envoyées, s'indigne Patrick Henry, mais des travailleurs sociaux », qui doivent intervenir sur le long terme au sein d'équipes professionnalisées et de dispositifs coordonnés. C'est d'ailleurs tout le sens de la « charte des maraudes » signée au printemps dernier à Paris entre la préfecture, les associations et la RATP. Au plan national, la Conférence de consensus organisée par la FNARS les 29 et 30 novembre prochain devrait faire émerger des propositions, ensuite soumises au gouvernement.

Sans attendre les conclusions de cette conférence, le ministère du Logement annonce des mesures pour mettre en oeuvre une « véritable veille sociale » visant à coordonner les maraudes, les accueils de jour et les lieux de distribution alimentaire, et à faciliter l'orientation des sans-abri vers les centres d'hébergement. Le cabinet de Michèle Alliot-Marie a par ailleurs décidé de réunir un groupe de travail avec les maires ayant pris des arrêtés anti-mendicité et « rencontrant des problèmes avec les sans-abri » désocialisés et refusant de se rendre dans les lieux d'hébergement. Une dizaine de maires sera conviée à une première réunion d'ici à fin septembre. A Argenteuil, une charte sur la mise en place d'une « veille sociale » devrait d'ores et déjà être élaborée et signée par la ville, les riverains, les services sociaux et le ministère.

Un partenariat avec Médecins du monde

De son côté, l'Association des maires des grandes villes de France a déjà engagé le 4 juillet, avant la médiatisation de l'initiative du maire d'Argenteuil, une action qui va dans le bon sens. Dans le cadre d'un groupe d'étude sur la santé, elle a mis en place un partenariat avec Médecins du monde pour étudier l'efficacité et les obstacles au fonctionnement de dispositifs existants pour les sans-abri, comme les permanences d'accès aux soins, les lits halte-santé et les équipes mobiles spécialisées en psychiatrie. Une première réunion doit avoir lieu le 26 septembre, avec des résultats attendus pour décembre.

Notes

(1) Plus de précisions sur le site des ASH sur www.ash.tm.fr.

(2) « La criminalisation des personnes sans-abri » - Eté 2007 - Disponible sur www.feantsa.org.

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