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« Concilier droits des Etats et droits des migrants »

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Accident d'un enfant à Amiens lors d'une opération de police, menaces d'expulsion et protestations contre celles-ci, bras de fer entre sans-papiers et préfecture à Lille... Pendant l'été, plusieurs événements sont venus rappeler les limites de la politique actuelle à l'égard des étrangers. Rencontre avec Pierre Henry, directeur général de France terre d'asile (1).
Un an après, vous venez de faire le bilan de la sortie de crise du squat de Cachan...

Ce bilan montre à la fois les limites des interventions policières et qu'une méthode apaisée a pu permettre de trouver une issue à un dossier enlisé depuis quatre ans (2) : sur 239 adultes en situation irrégulière, 231 ont été régularisés. L'emploi n'est pas gage d'insertion : dans 60 % des 130 familles, au moins un membre est en contrat à durée indéterminée, tandis qu'une centaine de personnes seulement sur 440 a accédé à un logement. Avec un salaire de 1 000 à 1 300 par mois, les primo-arrivants rejoignent la cohorte des travailleurs pauvres et des 300 000 personnes en attente d'un logement social en Ile-de-France. Pour autant, il faut jouer sur tous les outils possibles : l'hébergement de transition avec un accompagnement social, la sécurisation locative, les partenariats avec les bailleurs privés ou la mobilité géographique et professionnelle, préférable à l'errance résidentielle. Nous avons ainsi conclu un accord avec les chantiers navals de Saint-Nazaire. Une dizaine de personnes issues de Cachan a passé des tests afin d'obtenir une formation rémunérée d'un an débouchant sur un CAP de soudeur. Le programme Clef de France nous a permis, depuis 2004, d'accompagner ainsi dans l'emploi et le logement plus de 350 réfugiés statutaires.

La loi DALO offre-t-elle des perspectives aux primo-arrivants ?

Les personnes accueillies en centre d'hébergement et de réinsertion sociale étant prioritaires, le système risque au contraire d'être grippé dans un premier temps. Par ailleurs, le groupement d'intérêt public Habitat chargé en Ile-de-France de reloger les personnes en habitat précaire ou insalubre est sous-doté : il ne peut traiter que 200 à 300 dossiers par an. Enfin, les bailleurs sociaux font preuve de mauvaise foi pour se protéger de l'entrée de nouveaux précaires dans leur parc. Certains ont omis de se mettre au goût du jour des incessantes modifications de l'ordonnance du 2 novembre1945 et exigent des titres de séjour qui ne sont plus produits par les préfectures. De même, ils réclament des avis d'imposition sur deux ans, ce qui est impossible lorsqu'on vient d'être régularisé !

Qu'apporterait la ratification par la France de la convention de l'ONU sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille ?

Cet outil élaboré en 1990 a été ratifié par seulement 37 Etats, dont aucun pays européen. Alors que le président de la République dit qu'il faut un nouveau traité international sur les flux migratoires, cette convention prévoit un cadre de discussion pour les droits des Etats et les droits des migrants. Car l'un ne peut exister sans l'autre. Elle prévoit la possibilité de réadmission négociée de migrants dans leur pays d'origine, mais aussi le droit des travailleurs migrants dans leur pays d'accueil (qui ne peut être inférieur à celui des nationaux), la lutte contre le travail illégal. Elle recommande de limiter le maintien sur le territoire de personnes en situation irrégulière, en incitant les Etats à prendre des mesures de régularisation. A cet égard, opposer aujourd'hui régularisation massive et régularisation « au cas par cas » n'a aucun sens. Tout dépend du critère qui, à mon avis, devrait être lié à l'exercice d'un travail. C'est ce qui a toujours prévalu jusqu'en 1997, avant qu'on ne privilégie les liens familiaux.

Le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile va être discuté au Parlement...

C'est un texte bavard et inutile qui vise l'immigration familiale de droit (regroupement familia, conjoints de Français), qui a représenté environ 70 000 personnes en 2006. Il n'apportera rien au problème complexe de la régulation partagée des flux migratoires, qu'il faut aborder avec humilité et qui ne peut passer que par des accords reposant sur l'intérêt mutuel des pays. On nous parle beaucoup de co-développement, mais quand on voit que le montant du transfert des ressources des migrants vers leur pays d'origine est cinq fois supérieur à l'aide des pays de l'OCDE, il y a du chemin à faire ! En attendant, la multiplication des interpellations, qui montre une volonté de déstabilisation, risque de grossir encore les rangs des « ni régularisables, ni expulsables », interdits sur le territoire mais qu'on ne pourra pas renvoyer chez eux.

Notes

(1) France terre d'asile : 24, rue Marc-Seguin - 75018 Paris - Tél. 01 53 04 39 99.

(2) Les Editions de l'Aube publieront le 13 septembre Cachan, la vérité, les défis migratoires , de Pierre Henry et Pascale Egré.

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