Au coeur de l'été, les expulsions - ou tentatives d'expulsion - de Roms installés dans des bidonvilles en France se sont succédé, mais avec des issues diverses.
Originaires de Roumanie ou de Bulgarie où ils sont sédentarisés de longue date, les Roms sont citoyens européens depuis le 1er janvier 2007. Contrairement à ce que l'on croit souvent, ils n'appartiennent pas aux gens du voyage et n'ont pas accès à leurs aires d'accueil. Ils ont tendance à s'installer sur des terrains urbains délaissés, souvent en bordure d'autoroute ou de voie ferrée.
Le 1er août, plusieurs centaines de Roms roumains ont été évacués de l'emprise du projet urbain du « Carré de soie » à Villeurbanne (Rhône). Ils sont expulsables au bout de trois mois, a rappelé la préfecture, s'ils troublent l'ordre public, s'ils ne disposent pas de revenus stables ou s'ils constituent une charge trop grande pour le système social (1), l'administration estimant en l'occurrence que les deux dernières conditions étaient réunies. Ballottées d'un terrain vague à l'autre au gré des expulsions, « ces familles vont inévitablement grossir les autres bidonvilles de l'agglomération », déplore l'ALPIL (Action lyonnaise pour l'insertion sociale par le logement). « Depuis six mois, des associations sont mobilisées à côté des familles pour faciliter leur insertion. Près de 70 personnes ont trouvé un emploi ou une formation et ont pu être relogées, tandis que les problèmes de santé étaient pris en charge. L'expulsion soudaine porte un coup d'arrêt fatal à ce processus vertueux », proteste aussi la Fondation Abbé-Pierre. Celle-ci demande l'organisation rapide de la conférence d'agglomération proposée par le préfet et appelle plus largement à une « rencontre nationale sur les nouvelles migrations européennes ».
Le problème se pose en effet dans de nombreuses autres villes. Le 8 août, c'est à Saint-Etienne (Loire) que 120 Roms ont été expulsés d'une friche industrielle, mais cette fois avec un relogement, « à titre humanitaire », dans une école désaffectée, près d'un premier groupe de 80 de leurs concitoyens. « C'est un progrès par rapport à une expulsion réalisée pendant l'été 2006, où les voitures et caravanes avaient été écrasées au bulldozer, commente le Comité [local] de soutien aux Roms. Mais il ne s'agit que d'une solution provisoire, les bâtiments étant promis à la démolition en 2008. De plus, la concentration de 200 personnes en difficulté, dont 50 enfants, risque d'être une source de tension avec le voisinage et va à l'encontre de leur prise d'autonomie. »
A Strasbourg, le 10 août, le tribunal de grande instance a débouté la préfecture de sa demande d'expulsion d'un campement existant depuis près de deux ans pour divers vices de procédure. L'Etat a même été condamné à verser 800 € aux familles pour frais de procédure. « Ce n'est toutefois que partie remise », craint leur avocate, Me Sophie Kling, qui déplore l'absence d'offre de solution alternative au titre du droit constitutionnel au logement. La préfecture assure qu'elle ne se désintéresse pas du sort des personnes concernées, deux familles ayant déjà été relogées, les autres faisant l'objet d'un diagnostic par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales.
A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le sous-préfet, Olivier Dubaut, a décidé d'inverser les facteurs. Il a réuni les associations de terrain le 7 août pour les informer de son projet de maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale pour le grand bidonville de la rue Campra, où vivent environ 600 Roms. Alors que leur expulsion est « devenue inéluctable » à la veille de la Coupe du monde de rugby (elle aura lieu en tout état de cause avant le 7 septembre), il a confié au Pact-Arim une enquête auprès des familles concernées, dont le résultat devait leur être livré le 24 août. Le représentant de l'Etat a promis que l'expulsion sera accompagnée d'un projet d'intégration pour tous ceux qui souhaitent rester en France et remplissent les conditions nécessaires à cette intégration.
Malgré le délai très court laissé pour l'enquête, ATD quart monde, l'ASAV (Association pour l'accueil des voyageurs), le Comité d'aide médicale, la Fondation Abbé-Pierre, Médecins du monde, Parada et le collectif Romeurope ont salué ensemble cette « initiative depuis longtemps attendue ». « Jusqu'alors, la seule solution proposée par l'Etat était l'expulsion », ce qui ne faisait que reporter le problème un peu plus loin. Pourtant, soulignent ces associations, certaines initiatives communales (à Aubervilliers dans la Seine-Saint-Denis et à Lieussaint en Seine-et-Marne) ou départementales (dans le Val-de-Marne), soutenues par le conseil régional d'Ile-de-France, montrent que des solutions d'insertion par le travail et le logement sont possibles pour les familles qui y aspirent.
A cet égard, l'association La Voix des Roms insiste sur la promesse du sous-préfet de Saint-Denis d'accélérer la délivrance des autorisations de travail pour les personnes qui s'engagent dans l'un des 62 métiers en manque de main-d'oeuvre ouverts aux citoyens roumains et bulgares, notamment dans le bâtiment (2).
Décidées à apporter leur concours à la mise en oeuvre du projet, les associations groupées autour de Médecins du monde et de la Fondation Abbé-Pierre se montreront vigilantes sur le respect des engagements pris par l'administration. Elles appellent aussi à ce qu'une semblable initiative soit prise pour tous les bidonvilles « jusqu'à leur éradication complète ».