« Atteindre le plein emploi » et « augmenter le pouvoir d'achat par une politique de revalorisation du travail » sont, sans grande surprise, les priorités que l'Elysée et Matignon ont fixées à la ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, dans une lettre de mission datée du 11 juillet.
Pour ce faire, Christine Lagarde est invitée, en lien avec les autres ministres concernés, à compléter « aussi rapidement que possible, y compris dès cet été », par toutes les dispositions nécessaires pour « libérer le travail dans notre pays et supprimer les mécanismes qui le découragent », le « paquet fiscal » actuellement en discussion au Parlement (1). Sont notamment évoqués l'augmentation des bourses pour les étudiants qui travaillent, l'élargissement du dispositif de cumul emploi-retraite, la possibilité de négociations sur le temps de travail au sein même des entreprises, ou la suppression progressive de la dispense de recherche d'emploi pour les chômeurs seniors.
La ministre doit également créer « sans tarder » un grand service public de l'emploi capable d'aider les chômeurs à retrouver un travail beaucoup plus rapidement qu'aujourd'hui, en procédant à la fusion de l'ANPE et de l'Unedic. Le chef de l'Etat lui demande aussi d'engager rapidement, en associant, le cas échéant, des partenaires privés rémunérés sur la base d'une obligation de résultats, les programmes spécifiques nécessaires pour « aider ceux qui veulent travailler, mais rencontrent les obstacles objectifs les plus grands, à retrouver un travail ». Sont notamment visés : les parents isolés, les jeunes sans qualification, les seniors et, plus généralement, tous ceux qui sont en risque de chômage de longue durée. Par ailleurs, « dès cet été », Christine Lagarde est chargée, avec la ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin, de mettre en oeuvre un vaste plan d'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans qualification des quartiers en difficulté (voir ce numéro, page 13), « en concentrant dans ces zones des moyens particuliers du service public de l'emploi, de la formation professionnelle et de l'apprentissage, et en ayant pour objectif de proposer à chacun une formation ou un emploi qualifiant ».
« Pour que le travail paie plus », la ministre doit en outre engager, en liaison notamment avec le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, les réformes nécessaires « pour que les allégements de charges consentis aux entreprises et la prime pour l'emploi encouragent le travail et non pas dissuadent les entreprises d'augmenter les salaires ». Ce qui fera en particulier l'objet d'une conférence tripartite avec les partenaires sociaux à la rentrée.
Un autre objectif du gouvernement est d'augmenter toutes les rémunérations et, corrélativement, de diminuer significativement le pourcentage de salariés rémunérés au SMIC, lequel, insiste le président de la République, « devra évoluer dans des conditions plus transparentes, plus objectives et plus en phase avec une véritable stratégie d'augmentation des salaires et de l'emploi ». En tant que ministre de l'Economie et de l'Emploi, Christine Lagarde est naturellement mise à contribution pour donner corps à cet engagement. Parallèlement, elle est ainsi chargée d'engager une réflexion sur l'appareil statistique français, notamment sur les chiffres du chômage (2) et l'indice des prix. L'objectif recherché est que « les statistiques utilisées par le gouvernement [...] présentent toutes les garanties et reflètent réellement la réalité vécue par les Français ».
Autre « chantier prioritaire » de la ministre : « l'amélioration de la qualité du travail », thématique du ressort également du ministre du Travail, Xavier Bertrand. Elle englobe d'abord la pénibilité du travail. Les négociations en cours sur ce sujet avec les partenaires sociaux « doivent aboutir », indiquent Nicolas Sarkozy et François Fillon à Christine Lagarde. La qualification des emplois est également concernée, et son niveau doit s'accroître dans tous les domaines. Pour ce faire, le chef de l'Etat et le Premier ministre confirment leur volonté de mettre en oeuvre une réforme de la formation professionnelle, pilotée par la ministre de l'Emploi, en complément de celle de l'enseignement supérieur portée par Valérie Pécresse. Et de préciser la volonté du gouvernement : « nous voulons que chaque Français ait la possibilité, à tout moment de sa vie professionnelle et en fonction des droits qu'il aura accumulés grâce à son travail, de suivre une formation suffisamment longue pour lui permettre de changer de métier, de filière ou de qualification ». Cela concerne enfin la sécurité des parcours professionnels, car « se sentir protégé contre le chômage fait partie de la qualité du travail ». A cet effet, « en laissant pleinement sa chance au dialogue social de concrétiser un accord sur ce point », l'objectif assigné à Christine Lagarde est la mise en place « d'ici à 2008 » de la sécurité sociale professionnelle, qui « garantira à chacun le maintien de l'essentiel de sa rémunération en cas de chômage et la perspective de retrouver rapidement un emploi ». Parallèlement, la ministre de l'Emploi doit lutter contre la précarité du travail.
Sur le terrain économique, cette fois, Christine Lagarde est missionnée pour étudier, en lien avec le secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, l'ensemble des solutions possibles pour « réduire le poids du financement de la protection sociale sur le coût du travail, sans pénaliser le pouvoir d'achat des Français ».
Sur l'ensemble de ses missions, il est demandé à la ministre de proposer des « indicateurs de résultats dont le suivi sera conjoint », Nicolas Sarkozy et François Fillon souhaitant notamment, parmi ceux-ci, « la baisse du chômage et, plus encore, l'augmentation du taux d'emploi dans toutes les catégories de la population en âge de travailler et la baisse de la précarité du travail ».
(2) Sur la mission sur les chiffres du chômage confiée aux inspections générales des finances et des affaires sociales, voir ASH n° 2513 du 22-06-07, p. 9.