Quelles sont les raisons du taux important (72 %) de féminisation dans le travail social ? Comment la question du genre peut-elle avoir des incidences sur les pratiques professionnelles ? La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), qui avait en 2002 voté un texte d'orientation sur la parité dans la vie associative, a lancé en 2006 une étude sur ces questions rarement abordées de façon globale (1).
L'héritage des courants philanthropiques du début du XXe siècle a encore du poids : si le niveau de salaire explique que le secteur soit boudé par la gent masculine pour seulement 25 % des répondants (2), 69 % confirment que les femmes sont encore davantage orientées que les hommes vers les professions sociales. Le métier d'éducateur échappait à l'origine à cette logique, mais il a été progressivement féminisé (71 % des effectifs en 2003) après la mise en place de la formation d'éducateur spécialisé (3).
Les résultats de l'étude vont plutôt à l'encontre des idées reçues sur la nature supposée des qualités féminines ou masculines recherchées dans le travail social. Rares sont ceux qui attestent par exemple qu'« un homme a davantage d'autorité qu'une femme ». Les professionnels témoignent au contraire que c'est l'équilibre entre le nombre d'hommes et de femmes dans les équipes qui permet de réguler les situations de violence. En revanche, près de 50 % affirment que « certaines personnes refusent d'être accompagnées par un travailleur social du sexe opposé, pour des raisons religieuses ». Un sujet qui, indirectement, a permis de mettre en lumière la question, taboue mais réelle, des rapports de séduction et de la difficile neutralité dans la relation d'aide.
Au-delà des représentations, 54 % des personnes interrogées pensent que « les femmes et les hommes ne travaillent pas de la même manière », ne serait-ce que par les fonctions symboliques que chacun occupe aux yeux du public pris en charge. Parmi les répondants, 46 % estiment que, pour intervenir auprès des familles, « il faut un tandem femme-homme, un couple éducatif ».
Si la mixité semble fondamentale pour la grande majorité des répondants, l'idéal de parité, lui, n'est plébiscité que par 57 % d'entre eux. Les autres ne le jugent pas nécessaire, la compétence n'étant pas une question de genre. Mais le premier obstacle pour l'atteindre reste le faible nombre d'hommes en exercice et en formation : « Il y a 20 à 30 fois plus de réponses féminines pour chaque offre d'emploi », relève l'étude. A cette difficulté se greffe enfin un autre problème : « Selon certaines réponses, la qualification, l'expérience et les compétences des candidats hommes sont inférieures à celles des candidates femmes. Les exceptions deviennent très vite cadres ».
La FNARS entend poursuivre la réflexion en vue de la préparation de ses journées nationales sur le travail social, prévues pour l'automne 2008.
(1) Etude disponible sur
(2) 117 questionnaires ont été remplis par des administrateurs, directeurs, chefs de service, travailleurs sociaux et usagers, dont les réponses ont été ventilées par thématiques. L'enquête a été complétée par des entretiens avec 11 personnes du réseau identifiées comme ayant « une analyse construite sur ces questions ».