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Un IMPro conjugue avec succès action éducative et stratégie commerciale

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A la sortie de l'IMPro Roger-Lecherbonnier de Palaiseau, six élèves sur dix sont orientés vers l'emploi, dont quatre sur dix en milieu ordinaire. Ce résultat exceptionnel, mesuré sur 30 ans, est le fruit d'une véritable politique de marketing envers les entreprises. Ses résultats pâtissent cependant de la précarisation croissante du marché du travail.

Installé à portée de RER à Palaiseau (Essonne), l'institut médico-professionnel Roger-Lecherbonnier accueille 70 jeunes déficients intellectuels âgés de 14 à 20 ans (1). Pour fêter son 30e anniversaire, en 2005, il a souhaité faire le point sur le devenir de ses anciens élèves. La recherche a été confiée à la délégation de l'Ancreai (Association nationale des centres régionaux pour l'enfance et l'adolescence inadaptées) Ile-de-France (2).

A dire vrai, l'équipe de l'IMPro a mis la main à la pâte en participant à la création d'une base de données sur les 336 anciens qui ont quitté l'établissement en 1975 et 2004. Dans un deuxième temps, leurs trajectoires ont été éclairées par 12 études de cas comportant chacune des entretiens avec l'ancien élève, un professionnel de l'équipe qui l'a bien connu et un tiers, employeur, accompagnant, parent..., choisi avec l'accord de l'intéressé. « Une étude aussi complète sur une aussi longue période est unique, confirme Jean-Yves Barreyre, directeur régional de l'Ancreai, comme sont uniques les nombreux contacts que l'IMPro a su garder avec les anciens élèves. »

Résultat ? 62 % des jeunes sont sortis de l'établissement avec un projet professionnel identifié : 39 % en milieu ordinaire et 23 % en ESAT (établissement ou service d'aide par le travail). 10 % sont restés dans leur famille. 15 % ont été orientés vers un foyer occupationnel. 7 % ont été hospitalisés ou réorientés. Enfin, 4 % ont quitté la région et sont perdus de vue.

« Quatre sorties sur dix vers le milieu ordinaire : la proportion est exceptionnelle, nettement supérieure à la moyenne, même si on manque de chiffres au plan national », commente Yara Makdessi, l'une des auteures de l'étude. D'autant que, parmi les 130 élèves concernés, la moitié relève de déficiences légères (18 %) et moyennes (34 %) et l'autre moitié (48 %) de déficiences profondes. C'est le secteur public, surtout des mairies, qui a fourni 69 % de ces emplois, une part qui décroît dans la dernière décennie. Dans plus d'un cas sur deux, l'embauche a été réalisée sous contrat à durée indéterminée. Mais ce taux qui a culminé à 60 % dans les années 1985-1994 dégringole à 33 % durant la décennie suivante ! Là aussi, la précarisation a frappé. Le relais a été pris par des contrats aidés.

Les 130 jeunes orientés vers le milieu ordinaire y sont-ils restés ? Oui à 58 %, dont 45 % sont toujours dans le même emploi. Non à 24 %, dont la moitié ont été réorientés vers un ESAT. Sans réponse pour les derniers 18 %. Fait important : deux sur dix ont gagné assez d'autonomie pour habiter leur propre logement.

Les sortants orientés vers le milieu protégé ont eu un parcours un peu plus stable. Au moins 67 % y travaillent encore, la plupart dans la même structure. 28 % n'ont plus donné de nouvelles. Enfin, trois élèves orientés vers un établissement médico-social sont repartis ensuite vers un ESAT.

Au total, l'étude souligne « la constance du parcours professionnel » de nombre d'anciens élèves. Sachant qu'ailleurs beaucoup de jeunes passent d'un établissement médico-social à l'autre, elle conclut que l'IMPro a réussi des « déviations de carrière » en « aiguillant différemment une partie des élèves vers le travail et, pour une part non négligeable, vers un travail ordinaire ».

Le travail comme vecteur d'insertion sociale

Quelle est la recette ? La première idée qui vient à l'esprit est que l'IMPro sélectionne à l'entrée les jeunes les moins handicapés. « Non, réfute vigoureusement, carte des communes d'origine des élèves à l'appui, Jean-François Gey, directeur de la maison jusqu'en 2006 et actuel directeur général de l'association gestionnaire, l'ADPEP 91. D'abord parce que nous sommes un établissement de proximité : 78 % des élèves résident dans le périmètre du syndicat intercommunal qui a fondé l'établissement. Les autres viennent des environs, en fonction notamment de l'accessibilité par les transports en commun, que chaque jeune apprendra à utiliser dès que possible (mais ce n'est pas un prérequis). »

« Si sélection à l'entrée il y a, indique Denis Dupoy, l'actuel directeur, c'est d'abord en fonction des places qui se libèrent - de 6 à 16 par an - puis de l'âge : nous préférons voir arriver les jeunes vers 14-15 ans plutôt qu'après. Mais c'est surtout la capacité de l'élève à vivre en groupe qui fait la différence. Avec notre équipe de 37,5 équivalents temps plein, nous ne pouvons pas accueillir des adolescents qui ont besoin d'un accompagnement de «un pour un», même si nous recevons néanmoins quelques jeunes aux traits autistiques. Bref, nous ne prenons pas les «meilleurs élèves» mais ceux qui pourront tirer profit d'un séjour à l'IMPro. La vérification s'opère au cours d'une semaine d'observation dans l'établissement préalable à l'admission. » De fait, dans les dix dernières années, les tests réalisés à l'entrée ont relevé parmi les élèves nettement plus de déficiences profondes (56 %) ou sévères (7 %) que de déficiences moyennes (24 %), légères (10 %) ou subnormales (3 %). Même en fin de cycle, les deux tiers des élèves ne savent pas vraiment lire et beaucoup ont des difficultés avec les chiffres dès qu'ils abordent les dizaines et les centaines.

Alors quelle est la méthode ? « Le point de départ, c'est une ambition partagée. Toute l'équipe ici pense que ces futurs adultes doivent avoir leur place dans la société, parmi les autres, et que le travail est un moyen très important pour y arriver. Cette conviction est quasiment un critère d'embauche !, sourit Jean-François Gey. C'est aussi un sillon tracé depuis 30 ans. »

« L'entreprise n'attend pas après nous »

Dès sa création, en effet, l'IMPro a recruté un éducateur de placement, ce qui ne se faisait guère à l'époque. D'un chargé d'insertion, on est passé à deux. Puis, en 1993-1994, un service d'insertion sociale et professionnelle (SISP) a été individualisé. Il comprend aujourd'hui 4,5 postes, avec des profils diversifiés. « Pour travailler au SISP, il faut une double sensibilité, éducative et commerciale, n'hésite pas à dire Mireille Noble, la psychologue qui le chapeaute. Rechercher des terrains de stage ou des emplois, c'est un vrai boulot de commercial. Il faut travailler avec ses relations, par Internet, construire un réseau, créer du lien, de la confiance entre deux univers très différents. L'entreprise n'attend pas après nous. Il faut aller la chercher. » Le travail n'est pas de tout repos, signale-t-elle : le SISP est le service où « l'usure professionnelle est la plus rapide ». Le résultat est là cependant : sur le millier de journées de stages assuré en 2006, plus de 400 l'ont été en milieu ordinaire.

« Envers les employeurs, nous devons utiliser un langage marketing, pas médico-social, appuie Jean-François Gey. La question que nous devons nous poser est : de quoi ont besoin les entreprises ? de quelles compétences ? A nous de voir ensuite comment les donner aux élèves. Et puis, il faut rassurer : «En cas de problème, passez un coup de fil, on est là dans les dix minutes.» »

Il faut savoir jouer aussi avec la diversité des entreprises, du restaurant du coin qui a deux salariés aux filiales des groupes multinationaux. « Certaines structures offrent seulement des stages de sensibilisation de deux ou trois jours, d'autres acceptent des stages plus longs, d'autres encore souhaitent recruter directement : dans tous les cas, nous sommes preneurs », affirme Mireille Noble. Le travail du SISP, c'est aussi de préparer le terrain et de vérifier les conditions d'accueil : tolérance, respect... « Pour nos élèves, il y a rarement besoin d'adaptation technique des postes, mais d'adaptation humaine. » L'évolution des conditions de travail ne facilite pas la tâche : « Les emplois non qualifiés sont de plus en plus sous-traités. Et puis, partout, le stress s'aggrave. Depuis les 35 heures, il faut travailler plus vite, alors que nos élèves sont souvent lents, ont besoin d'être entourés. » A cet égard, Denis Dupoy pose la question du tutorat, « fonction indispensable mais ni reconnue ni rémunérée dans l'entreprise. Cette aide humaine ne devrait-elle pas être prise en charge par la prestation de compensation ? Cela me semble inévitable. »

Attitude volontariste, donc, envers le monde extérieur, mais aussi en interne, envers les élèves. « Nous n'attendons pas, comme dans certains hôpitaux de jour, l'émergence du désir de travailler... », précise Jean-François Gey. En amont du SISP, c'est donc toute l'organisation de l'IMPro qui est tournée - sans négliger l'intervention thérapeutique - vers la formation préprofessionnelle.

La première année (à 14-15 ans) est un cycle d'accueil, organisé autour d'un atelier de menuiserie, qui permet de formaliser un projet individualisé. Vient ensuite le cycle de formation, dans l'une des quatre classes-ateliers - restauration, horticulture, entretien, bâtiment - qui fonctionnent avec un binôme enseignant-formateur technique, et où la pédagogie s'appuie sur les situations concrètes : la confection d'un gâteau ou d'un ciment peut être l'occasion de réviser les poids et mesures... Les chantiers extérieurs (par exemple pour la tonte de pelouses) commencent en troisième année. Les premiers stages en entreprise, individuels ou accompagnés par un éducateur, sont effectués en quatrième année - pour beaucoup d'élèves, c'est un saut difficile dans l'inconnu. C'est aussi la période où le métier choisi peut être modifié et où se dessine l'orientation future (toujours révisable). Vient enfin le cycle d'insertion, où les stages en entreprise ou en ESAT deviennent plus longs et plus fréquents. A ce stade, certains élèves (trois pour l'instant) accèdent même à un temps de vraie formation professionnelle dans une autre structure, mais le financement du surcoût pédagogique n'est pas facile à trouver...

Au travail purement scolaire et professionnel s'ajoutent de nombreuses activités qui ont aussi une grande importance dans les apprentissages. Les élèves sont impliqués dans la vie du foyer coopératif et dans de nombreux clubs (photo, pétanque, karaoké, cinéma...). Jacques Parmantier, enseignant, insiste sur la rédaction et la fabrication quinzomadaire de La Gazette de l'IMPro et sur sa lecture collective. Ou encore sur l'intérêt des « transferts », l'échappée annuelle de sept à douze jours qui mène les uns en baie de Somme, les autres au château de Villandry ou encore en Toscane. « Une bonne occasion de sortir du cocon de la famille et de l'IMPro, de goûter à la nouveauté, à l'imprévu, aux différences culturelles. »

« Les entretiens avec les anciens élèves comme avec les familles soulignent à quel point l'acquisition de compétences sociales - apprendre à utiliser les transports, à se comporter en groupe, à gérer les activités courantes, à mobiliser les ressources de son entourage - est l'un des apports essentiels de l'IMPro, y compris pour l'insertion professionnelle, indique Yara Makdessi. Mais cela nécessite beaucoup de temps. »

« En tout cas, le suivi assuré par l'IMPro en milieu ordinaire est très important, insiste Jean-Yves Barreyre. L'étude montre que le prix à acquitter pour y accéder ou s'y maintenir est parfois lourd. Les écarts à la norme et les déficits en termes de capacités ou de rapidité peuvent se payer de beaucoup de solitude. » L'éducateur de suite va voir les adultes insérés sur leur lieu de travail et les aide aussi à débrouiller leurs problèmes de papiers, d'impôts, de tutelle, de logement... Mais la psychologue, l'équipe éducative, le directeur aussi restent disponibles, bien au-delà des trois ans de suivi obligatoire. Même les élèves qui ont voulu prendre leurs distances avec un lieu connoté « handicap », vécu comme stigmatisant, reviennent parfois, 10 ans, 20 ans plus tard, chercher un coup de pouce pour rebondir à l'occasion d'une période de chômage par exemple. « L'IMPro a su rester un lieu-ressources pour les anciens, sans entretenir pour autant un lien de dépendance », salue Jean-Yves Barreyre. Le psychosociologue souligne enfin à quel point la majorité des personnes rencontrées « souhaite désormais aller au bout du processus d'autonomie en aspirant, au-delà du travail, à un logement personnel, à une vie de couple, voire à une parentalité, ce qui était inimaginable avant. En ce sens, l'IMPro a été pionnier en faisant avancer la question citoyenne, celle qui est au coeur de la loi «handicap» du 11 février 2005. »

Notes

(1) IMPro Roger-Lecherbonnier : 37, rue Jacques-Duclos - 91120 Palaiseau - Tél. 01 60 14 37 47.

(2) « Vivre parmi les autres : rencontres plurielles avec des milieux de vie et de travail différents - Parcours des anciens élèves de l'IMPro Roger-Lecherbonnier sortis au cours des trente dernières années » - Une synthèse est disponible sur www.creai-idf.org, rubrique « Les études en ligne ».

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