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Des parrains pour redonner confiance aux jeunes en difficulté

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La mission locale de Toulouse a développé, depuis 11 ans, un réseau de parrainage pour compléter l'accompagnement des jeunes en difficulté vers l'emploi. Ces bénévoles, des retraités en majorité, les font bénéficier de leur expérience professionnelle et, plus largement, de leur connaissance de la vie.

Pour les distinguer des conseillers techniques de la mission locale, Anne-Laure Mohier les appelle des « conseillers sociaux ». C'est vers l'un de ces bénévoles que cette jeune femme a été orientée lorsqu'elle est arrivée à Toulouse, seule, sans logement, après plusieurs tentatives de formation avortées et engluée dans d'importantes difficultés financières. André Hanus, ancien commercial à la retraite, l'a aidée à trouver un toit et un travail d'appoint pour lui permettre de démarrer par la suite une formation de céramiste. « Aujourd'hui, même si je suis sortie de mes grosses difficultés, on s'appelle régulièrement », raconte la jeune fille.

Le parrainage a pris peu à peu une place croissante au sein des six antennes de la mission locale de Toulouse(1). Un développement qui s'incrit dans la volonté de l'Etat, depuis une quinzaine d'années, de s'appuyer sur des réseaux de bénévoles pour renforcer l'accompagnement des personnes en difficulté d'insertion professionnelle. « On s'était rendu compte que bon nombre d'étudiants trouvaient du travail grâce à leurs relations. Et on s'est demandé si l'on ne pouvait pas offrir aux personnes en difficulté l'aide de bénévoles connaissant les milieux professionnels », se souvient Rachel Rinaldi, animatrice du réseau de parrainage à la mission locale de Toulouse. Considéré aujourd'hui comme « un outil significatif de la mise en oeuvre des politiques pour l'emploi et contre toutes les formes de discriminations sur le marché du travail », le parrainage a été intégré « dans le cadre du pilier emploi du plan de cohésion sociale », par la circulaire du 4 mai 2005(2).

Tout a commencé en 1993, avec le lancement de premières expérimentations au niveau local. Un an plus tard, 15 régions, dont Midi-Pyrénées, testent ce nouvel outil. C'est dans ce contexte qu'en 1996 la mission locale de Toulouse se dote de son propre réseau de parrainage pour renforcer son action auprès des jeunes les plus en difficulté de 16 à 25 ans (3), en s'appuyant en particulier sur les caisses de retraite. Ils sont aujourd'hui une vingtaine de bénévoles. Des hommes en majorité. Des cadres retraités le plus souvent (issus du commerce, du bâtiment, de l'enseignement, du secteur sanitaire et social, etc.), mais aussi quelques personnes en activité. « Il s'agit de profiter de leur expérience professionnelle, de leur réseau, mais également de leur connaissance de la vie, pour aider les jeunes les plus fragiles à accéder à l'emploi, explique Laurent Campourcy, responsable des services spécialisés à la mission locale. Le parrainage offre une plus-value par rapport à notre action pour favoriser l'autonomie de ces publics, dont certains, issus de l'immigration, sont victimes de discriminations. »

Si l'aide à l'insertion professionnelle, la création d'activité ou encore le maintien dans l'emploi constituent encore une part importante du travail mené par l'équipe de bénévoles, au fil des années son champ d'action s'est étendu et intègre désormais largement le soutien dans les démarches administratives pour accéder aux droits sociaux ou au logement. « Quand j'ai commencé à faire du parrainage il y a plus de dix ans, on avait juste à faire une mise au travail. On examinait le profil du jeune, les offres d'emploi et on lui donnait un coup de main, raconte André Hanus. Mais la situation du public de la mission locale s'est dégradée et on a dû prendre davantage en compte des dimensions sociales. »

Des publics très isolés

Les parrains évoquent ainsi ces jeunes obligés de dormir dans un parking ou dans une voiture et les demandes de vêtements ou de colis alimentaires qu'ils doivent faire pour répondre à ces situations d'urgence. Ceux, « primo-arrivants », qui ne peuvent avancer sur le chemin de l'intégration professionnelle et sociale, faute de maîtriser suffisamment le français. Plus globalement, ils parlent de l'isolement d'une grande part de ces publics, qui n'ont souvent personne autour d'eux pour les aider à trouver un logement, les inciter à se faire soigner lorsqu'ils ont des problèmes de santé, les accompagner physiquement dans les démarches administratives ou encore les conseiller pour se sortir d'une situation de surendettement.

Les parrains sont donc sollicités, en complément du travail de suivi mené par les conseillers de la mission locale, pour tenter de lever en amont tous ces freins à l'autonomie et à l'emploi. Pas question toutefois, explique Constance Duphil, conseillère en insertion sociale et professionnelle, qu'ils confondent leur travail avec celui des conseillers techniques : « Avant, certains conseillers passaient plus de deux heures avec un jeune dans leur bureau. Aujourd'hui, ils peuvent se concentrer sur l'essentiel de leur fonction : donner à l'usager des repères à travers un plan d'action précis et organiser l'accompagnement technique. Ensuite, ils peuvent l'orienter vers un parrain, qui pourra prendre plus de temps avec lui et lui permettra d'évoquer certaines questions - le vécu d'une grossesse par exemple - dans le cadre d'une relation individuelle de proximité. » Le parrain (ou la marraine) permet de faire émerger une parole, qui ne peut être formulée dans le cadre plus conventionnel de l'institution. Quand il n'y a plus d'amis ou de proches dans l'entourage, les bénévoles deviennent ainsi des repères. Une fonction d'autant mieux assurée qu'ils sont très disponibles, ne s'occupant en moyenne que de quatre ou cinq jeunes. « A travers le regard et l'attention du parrain, les jeunes peuvent reprendre confiance en eux, et dans la vie tout simplement, insiste Rachel Rinaldi. Dans un monde où les rapports humains se délitent, le parrainage retisse du lien social. »

Une confidentialité nécessaire

Si la maturité et le recul des seniors favorise la relation de confiance avec les jeunes, celle-ci s'appuie aussi sur le respect de la confidentialité (voir encadré ci-dessous). « Les jeunes nous disent beaucoup de choses. Des choses souvent très personnelles, comme cette jeune femme battue par son mari ou cette autre qui n'a pas dit à son copain qu'elle était enceinte et qui nous demande des conseils. Dans ces cas-là, je ne dis au conseiller que ce qui est utile pour aider le jeune », explique Serge Ziapkoff, qui entre dans sa dixième année de parrainage.

Cette confidentialité nécessaire ne fait pas pour autant des bénévoles des électrons libres au sein de la mission locale. Lorsqu'ils poussent pour la première fois la porte de la structure toulousaine, ils doivent observer le travail d'un conseiller pendant une demi-journée pour comprendre le fonctionnement de la structure. Puis, ils sont confiés à un parrain tuteur. Ensuite, chaque mission qui leur est confiée se fait sous la responsabilité d'un conseiller technique. Et les attentes de ce dernier sont formulées dans une fiche de positionnement et un suivi informatique des rendez-vous est systématiquement prévu.

En outre, un répertoire permet aux conseillers de bien connaître le profil de chaque parrain, selon son parcours professionnel ou encore le champ d'intervention dans lequel il souhaite s'investir. « En fonction des besoins de tel ou tel jeune, les conseillers vont choisir une personne qui travaille par exemple uniquement sur la préparation d'entretiens d'embauche avec des outils vidéo ou au contraire une autre qui souhaite développer un accompagnement plus large », précise Laurent Campourcy.

Au-delà du suivi régulier mis en place entre le parrain et le conseiller référent, les bénévoles et les professionnels se retrouvent lors de réunions bimestrielles pour aborder les problèmes liés à la vie du réseau. L'occasion d'associer les parrains à la vie de la structure et de leur permettre de parler de ce qu'ils vivent au quotidien avec les jeunes. Les bénévoles peuvent profiter des formations mises en place par la mission locale, mais aussi de celles initiées par la direction régionale du travail et de la formation professionnelle sur différents thèmes, par exemple sur l'accompagnement ou la lutte contre les discriminations. Des sessions qui sont alors autant de moyens de rencontrer des collègues d'autres réseaux de parrainage et d'échanger sur les pratiques.

L'encadrement rigoureux de l'action des bénévoles n'empêche pas pourtant des interrogations, voire des réticences chez certains partenaires sociaux ou médico-sociaux. « On constate parfois un manque de confiance de la part d'assistantes sociales ou de puéricultrices de la protection maternelle et infantile, qui doutent de l'efficacité de leur intervention », regrette ainsi Rachel Rinaldi. Un manque de connaissance de leur savoir-faire, qui a pu même aller jusqu'au refus de traiter avec les bénévoles. D'où la nécessité pour les responsables de la mission locale de renforcer les actions de communication envers les partenaires.

Par ailleurs, l'équipe toulousaine cherche à faire évoluer le fonctionnement du réseau. Parmi ses projets notamment, le développement du coparrainage : il s'agirait de faire bénéficier un jeune en très grande difficulté de deux accompagnements complémentaires, l'un assuré par un parrain spécialisé sur un domaine professionnel précis et l'autre portant davantage sur les difficultés sociales.

Reste toutefois à faire vivre financièrement le réseau de parrainage. A cette fin, la mission locale dispose d'un budget annuel de 46 000 € provenant des crédits de la politique de la ville (municipalité, Etat) et, au titre de la lutte contre les discriminations, de ceux de l'Agence de la cohésion sociale et de l'égalité des chances. Une somme toutefois insuffisante pour payer les salaires de l'animatrice du réseau, de la secrétaire pour la saisie informatique, ainsi que tous les frais afférents. Les fonds propres de la mission locale sont donc mis à contribution, ce qui fragilise le dispositif.

Toutefois, la principale difficulté, selon Laurent Campourcy, tient au fait que les financeurs évaluent l'action de parrainage uniquement à travers le nombre de CDD ou de CDI signés. « Des résultats chiffrés qui passent sous silence une partie de notre activité, s'insurge ce responsable. Toute la logique de construction de parcours, qui peut prendre du temps et passe aussi par la résolution des problèmes de santé et de logement, est gommée au profit du seul impératif d'accès à l'emploi. » Ce qui en dit long sur la contradiction entre la volonté des pouvoirs publics de promouvoir le parrainage... et les normes gestionnaires et comptables imposées par leurs services.

Une charte régionale du parrainage

En Midi-Pyrénées, les réseaux de parrainage initiés par les missions locales ou des associations s'appuient sur la charte régionale du parrainage vers l'emploi. Signée le 15 juillet 2001, notamment par l'Etat, le conseil régional et l'Association régionale des missions locales, elle définit les obligations des parrains dans leurs relations avec les usagers : règles de confidentialité, respect de la vie privée...

Notes

(1) Mission locale de Toulouse : 55, boulevard de l'Embouchure - 31200 Toulouse - Tél. 05 62 73 38 80.

(2) Selon ce texte, le parrainage « a pour objet de faire accompagner des personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi, dépourvues de réseau de relations avec les milieux professionnels, par des actifs, des retraités, des élus locaux et des responsables intervenant de façon bénévole » - Voir ASH n° 2408 du 20-05-05, p. 9.

(3) 351 jeunes (soit un peu plus de 4 % du public reçu) ont été accompagnés en 2006 par les parrains.

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