Aux termes de six mois d'une vaste série d'auditions et de déplacements, la mission commune d'information du Sénat sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle dresse dans son rapport (1), rendu public le 11 juillet, un tableau « relativement pessimiste » du système français de formation professionnelle. Présidée par Jean-Claude Carle, sénateur (UMP) de Haute-Savoie, elle est allée bien au-delà du constat de la « façade rationnelle » de ce système et pointe une série de « dysfonctionnements inacceptables au regard des enjeux », pouvant être résumés en « trois maux/mots » : « complexité, cloisonnement et corporatisme ». Pour sortir de cette situation, la mission juge nécessaire de donner un nouvel élan au système de formation, et apporte à cet effet, à partir d'une vision politique claire des objectifs à atteindre et du chemin à suivre, une réponse autour de « trois mots repères » : « la personne, les partenariats, la proximité ».
La voie à emprunter pour rénover et optimiser le système de formation est, elle aussi, triple. Il s'agit de : « rompre avec la logique actuelle de dépenses pour organiser le système autour d'une logique d'investissement et de résultat » ; « mieux répondre aux besoins de la personne - physique, comme morale -, de l'économie et de l'aménagement du territoire » ; « sortir la formation continue des salariés d'une logique « former ou payer », qui s'accompagne de situations inadmissibles : une redistribution des financements théoriquement mutualisés qui favorise les grandes entreprises au détriment des petites, un accès aux formations privilégiant les salariés les mieux formés au détriment des plus fragiles ». A ce triptyque s'ajoute la nécessité de mettre en place une nouvelle gouvernance. Et le rapport de préciser qu'« au niveau national doit être assurée l'équité, au niveau régional appartient la mise en oeuvre de la cohérence, au niveau local l'action doit être concertée et engagée, sous la conduite, à chaque niveau, d'un chef de file clairement identifié ». Les pistes tracées dans ces perspectives devront « être dûment expertisées, affinées, négociées, lancées et parcourues sous l'oeil du législateur », prévient la mission, qui identifie cinq « axes de progression ».
Il s'agit d'abord de « sécuriser l'accès à l'emploi par la qualification ». Ce qui passe notamment par une simplification des outils. Est notamment proposé, dans cette optique, le regroupement du contrat d'apprentissage et du contrat de professionnalisation au sein d'un cadre unifié de « contrat d'insertion en alternance », chacun des dispositifs conservant toutefois ses spécificités. Le rapport recommande aussi d'encourager les parcours plus itératifs entre les études et l'activité, les allers et retours entre l'école et l'entreprise étant facilités par la mise en place du « compte d'épargne formation » (voir ci-dessous), et d'intensifier le dispositif de la validation des acquis de l'expérience pour offrir une « deuxième chance » d'accès à la qualification ou à de meilleures perspectives de carrière...
« Elargir l'accès à la formation par l'individualisation et la responsabilisation » est une autre priorité identifiée par la mission. La concrétiser implique d'« améliorer l'accès à la formation en parachevant le droit individuel à la formation (DIF) ». Cela pourrait se faire en autorisant, au moment de la cessation du contrat de travail, son transfert sur le compte d'épargne formation ; en accompagnant la mise en place du DIF transférable ; en prenant acte de l'évolution du DIF vers une authentique modalité de formation négociée survivant au contrat de travail, et en le renommant « droit indispensable à la formation ». Un autre axe de progrès consisterait à instituer le compte d'épargne formation, permettant de rationaliser l'accès de l'ensemble des actifs à la formation professionnelle. Construit à partir du DIF transférable, ce compte couvrirait, outre le régime du DIF lui-même, les primo-entrants, les personnes en reconversion, le régime du congé individuel de formation et les retraités. La mission sénatoriale estime enfin nécessaire de mieux coordonner l'information, l'accueil et la prescription des formations. Ce qui suppose, selon elle, de poursuivre de façon volontariste la mise en place de guichets uniques dédiés d'une part à l'information et à l'accueil, d'autre part à la prescription, afin d'améliorer le service rendu aux personnes, et donc leurs conditions d'accès à la formation. Dans cet esprit, poursuit-elle, il faudrait mettre en oeuvre le projet de fusion de l'ANPE et de l'Unedic - souhaité par Nicolas Sarkozy -, « porteur d'économies d'échelle et correspondant à une logique authentique de guichet unique étendue à la prescription des formations ».
Le rapporteur, le sénateur (RDSE) de l'Aveyron Bernard Seillier, insiste également sur la nécessité d'optimiser l'appareil de formation par l'innovation et l'évaluation, notamment en levant les freins matériels à l'accès à la formation, en dynamisant l'appareil de formation initiale et continue du secteur public, ou encore, de manière plus inattendue, en contrecarrant l'influence sectaire. Sur ce dernier point, le sénateur préconise en particulier d'apporter une réponse au fréquent désarroi des personnes fragiles ou en difficulté devant le système éducatif traditionnel et propose, à cet effet, de « systématiser le suivi personnalisé des stagiaires et des jeunes en formation, surtout s'ils sont à la dérive, par un référent unique ».
Il s'agit, au-delà, de « rationaliser et optimiser les circuits de financement en s'appuyant sur la négociation ». Là encore, plusieurs pistes sont avancées. Parmi elles, celle de responsabiliser davantage les entreprises et les salariés dans leur commande et leur consommation de formation. Le rapport préconise, dans cette optique, de supprimer l'obligation légale de cotisation pour le plan de formation car, précise-t-il, « ce mécanisme déresponsabilise l'entreprise quant au choix de former, et quand au choix de la formation ». Mais aussi de réfléchir à l'instauration d'un « ticket modérateur » pour l'accès à la formation des salariés, voire des entreprises et des demandeurs d'emploi.
Dernier axe de progrès identifié : « construire la gouvernance par la territorialisation et la contractualisation », ce qui signifie revoir le rôle joué en matière de formation professionnelle notamment par l'Etat et les régions.
(1) Formation professionnelle : le droit de savoir - Rapport d'information n° 365 - Disponible sur