La cour d'appel de Paris a jugé le 6 juillet que le contrat « nouvelles embauches » (CNE), institué par une ordonnance du 2 août 2005 (1), était contraire à la convention 158 de l'OIT (Organisation internationale du travail), estimant déraisonnable le délai de deux ans durant lequel un salarié embauché en CNE peut être licencié sans que son employeur ait à invoquer un motif pour justifier la légitimité de la rupture de son contrat de travail. D'autant plus attendue qu'elle constitue la première en appel sur la validité de ce dispositif très contesté, cette décision confirme celle rendue le 28 avril 2006 par le conseil de prud'hommes de Longjumeau (Essonne) (2), qui avait requalifié le CNE d'une salariée licenciée en contrat à durée indéterminée classique, jugeant également le dispositif contraire au droit international.
Les juges d'appel ont retenu que, « durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation comparable à celle qui existait antérieurement à la loi du 13 juillet 1973 et dans laquelle la charge de la preuve de l'abus de la rupture incombait au salarié ; que cette régression qui va à l'encontre des principes fondamentaux du travail [...] prive les salariés des garanties d'exercice de leur droit au travail ; que dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier et qu'il est pour le moins paradoxal d'encourager les embauches en facilitant les licenciements »... Ils ont également fondé leur décision sur la circonstance qu'« aucune législation de pays européens comparables à la France n'a retenu un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture de leur contrat de travail ».
Cet arrêt fragilise un peu plus le CNE, dont l'abrogation est devenue l'un des chevaux de bataille des syndicats de salariés. Interrogé le 8 juillet sur Europe 1 sur son avenir, le ministre du Travail a refusé de commenter « une décision de justice ». « Je sais qu'il y a un pourvoi en cassation suite à la décision de la cour d'appel », a-t-il simplement indiqué.
Reste à savoir qu'elle sera la position de l'OIT qui, saisie par Force ouvrière, doit se prononcer en novembre sur le CNE. Sans attendre, Xavier Bertrand a pris ses distances par rapport au dispositif. Il « existe, mais l'avenir, c'est la question du contrat de travail unique », a-t-il déclaré, rappelant que les partenaires sociaux ont jusqu'à la fin de l'année pour négocier sur ce sujet. A défaut d'accord, le gouvernement « prendra ses responsabilités », a-t-il prévenu, laissant toutefois la porte ouverte à « quelques semaines supplémentaires » de négociations. Et le ministre d'ajouter, d'ores et déjà, que ce contrat de travail unique « ne sera pas un prolongement du CNE » et comportera « une obligation de motiver le licenciement ».