Huit personnes séropositives sur dix ont subi au moins une forme de discrimination ou d'exclusion. C'est ce qui ressort de la troisième enquête menée en 2005 par l'observatoire créé par Sida Info Service auprès des utilisateurs de son dispositif d'aide téléphonique ou de son site Internet (1).
Quand on les interroge de manière générale sur le sentiment qu'elles ont, ou non, de subir une discrimination du fait de leur séropositivité, 57 % des personnes interrogées répondent « oui » (64 % en 2003). Mais quand on leur pose ensuite des questions concrètes, 81 % reconnaissent avoir subi une ou des discriminations. 72 % en ont été victimes dans leur vie sociale et 63 % dans leur vie privée, 79 % cumulant plusieurs motifs de discrimination.
Phénomène bien connu dans ce type de situation : 78 % des interrogés se sont en outre auto-exclus de certaines activités.
Plus surprenant est le domaine de discrimination le plus cité : le milieu médical. 44 % des personnes disent avoir été confrontées à un refus de soins, à des propos ou à des attitudes désobligeantes, ou encore au non-respect du secret médical, avec des conséquences parfois dramatiques. Manifestement, les peurs irrationnelles et les préjugés ont cours aussi chez certains professionnels, qui en oublient d'être des soignants... Du coup, près d'un quart des personnes interrogées ont renoncé à une consultation, un examen ou un soin, et plus d'un tiers ont tu leur statut sérologique à l'une de ces occasions.
Un tiers des personnes interrogées ont aussi été victimes de discrimination dans la sphère professionnelle et 29 % se sont auto-exclues. Les deux tiers ne parlent pas de leur séropositivité dans leur milieu de travail.
Les discriminations sont aussi nombreuses dans le domaine des banques et des assurances (34 %), et sont doublées d'un taux de renoncement supérieur (40 %) pour certaines opérations d'emprunts ou d'acquisitions. 57 % des personnes ont parfois caché leur état, en particulier pour souscrire à un régime de prévoyance ou à une mutuelle.
Enfin, 32 % des personnes ont été discriminées par un voisin ou par une connaissance, 36 % ont renoncé à approfondir une relation et 72 % ont préféré, autant que faire se peut, rester silencieux sur le sujet.
Les avanies ne manquent pas non plus dans l'entourage immédiat. 37 % des personnes interrogées ont été rejetées par un partenaire sexuel, 30 % par un conjoint, 30 % par un ou des membres de leur famille et 31 % par des amis. L'auto-exclusion est plus puissante encore : 50 % ont renoncé à une relation sexuelle, 42 % se sont séparés de leur conjoint, 26 % se sont éloignés d'un membre de leur famille et 32 % d'amis. Enfin, par crainte d'être rejetés, 48 % n'ont pas révélé leur état lors d'un rapport sexuel, 30 % l'ont dissimulé à leur conjoint ou ex-conjoint, 52 % à certains membres de la famille et 50 % à des amis.
L'enquête souligne aussi la difficulté particulière liée à la résidence en zone rurale ou semi-rurale, là où « tout finit par se savoir ». Elle montre également que les maltraitances peuvent s'élargir à l'entourage d'une personne séropositive (parents, enfants, fratrie, amis). Elle révèle enfin des cas de multi-discriminations (homophobie, préjugés raciaux...).
Face à cette situation, Sida Info Service constate que la loi du 12 juillet 1990 relative à la protection des personnes contre les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap « est insuffisante », seuls trois cas ayant depuis donné lieu à une condamnation en justice. Face à la persistance d'une « situation intolérable », l'association compte sur la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité pour accompagner individuellement les victimes, mais aussi pour proposer une politique globale de lutte contre les discriminations.
(1) L'enquête est disponible sur