Le projet de loi pénitentiaire annoncé pour l'automne ne sera-t-il qu'un texte « de bonne conscience », comme le craint Pierre-Victor Tournier ? Le risque est grand qu'il n'ait aucun effet, explique le chercheur, arguant que le projet de loi sur la lutte contre la récidive (1) adopté au Sénat le 5 juillet pourrait augmenter la population carcérale de 8 000 à 10 000 détenus. A moins, souligne-t-il, que lors de l'examen du texte, les députés ne diminuent les seuils des peines minimales, « très supérieurs aux peines moyennes actuellement prononcées en cas de récidive légale », n'élargissent les possibilités des juges de déroger aux « peines plancher », comme le proposait d'ailleurs un amendement UDF rejeté au Sénat, et ne rétablissent l'excuse de minorité pour les 16-18 ans.
Ce projet de loi s'est attiré les foudres de l'ensemble des professionnels de la justice, mais aussi du travail social, comme en témoigne la mobilisation de la CPO (Conférence permanente des organisations professionnelles du social). A son tour, elle appelle les professionnels de l'action éducative et sociale à soutenir le mouvement de refus du texte, et dénonce « le renoncement au travail éducatif, qualifié d'inefficace ». Or, regrette-t-elle, « les moyens suffisants n'ont jamais été développés pour faire la preuve de son intérêt pour les jeunes concernés, mais aussi pour l'ensemble de la société ».
La volonté du président de la République de mettre fin aux grâces collectives du 14 juillet n'a fait que renforcer l'ire générale. Cette pratique a permis de libérer environ 3 000 détenus en 2006. Une véritable soupape qui évitait à court terme que les prisons n'explosent, font remarquer l'Observatoire international des prisons et le Syndicat de la magistrature. Certes, les professionnels étaient d'accord pour critiquer l'utilisation de cette pratique régalienne et contraire à l'individualisation de l'application des peines comme un outil de régulation de la population carcérale. Reste que, malgré la circulaire ministérielle du 27 juin sur les aménagements de peine et les alternatives à l'incarcération (voir ce numéro, page 6), la disparition de cette « clémence » considérée comme un acquis n'a guère été anticipée, déplorent les organisations. Rien n'a été prévu par ailleurs pour offrir « des perspectives aux personnes placées sous main de justice », fustige l'UGSP (Union générale des syndicats pénitentiaires)-CGT. Le Snepap (Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire)-FSU, qui estimait que les grâces présidentielles « étaient plutôt un facteur de récidive, car elles ne préparaient pas la sortie des détenus dans des conditions favorables », n'en déplore pas moins que cette décision soit prise dans un contexte de fortes inquiétudes sur les conditions de détention.