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Loi « handicap » : un rapport sénatorial invite le gouvernement à « mener la réforme à son terme pour ne pas décevoir »

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«L'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a soulevé chez ces personnes et leur famille un immense espoir : celui d'une compensation enfin effective des conséquences de leur handicap et de leur intégration pleine et entière à la vie de la cité. » « Deux ans après son adoption, qu'a-t-elle changé concrètement pour les personnes handicapées et ceux qui les accompagnent ? », s'interroge le sénateur UMP Paul Blanc dans son rapport de suivi de l'application du texte, rendu public le 3 juillet (1). Bien que la loi ait enclenché une « dynamique inédite », « les mentalités changent lentement et le législateur doit rester vigilant pour ne pas décevoir les attentes suscitées ». C'est dans cette optique que l'élu des Pyrénées-Orientales formule des pistes d'amélioration, d'ores et déjà transmises au ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, Xavier Bertrand.

Améliorer le fonctionnement des MDPH

Si toutes les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) - « guichets uniques » censés faciliter l'accès à l'ensemble des solutions de compensation disponibles - étaient installées au 1er janvier 2006, le démarrage effectif de leur activité s'est avéré plus laborieux. Diagnostiquant l'origine des maux dont souffrent ces institutions, Paul Blanc prescrit la mise en place d'un droit d'option définitif afin de remédier à l'instabilité des personnels mis à disposition par l'Etat (2) ainsi que la formation des personnels d'accueil pour qu'ils soient en mesure de renseigner les usagers. Pour soulager les équipes pluridisciplinaires, submergées par les demandes de prestation de compensation, il suggère que les conseils généraux mobilisent davantage les autres membres des groupements d'intérêt public et sollicitent plus les associations. S'agissant des commissions des droits et de l'autonomie (CDAPH), pénalisées par les retards accumulés par les anciennes institutions, il recommande notamment leur territorialisation, le maintien en leur sein de sections en fonction de l'âge et une meilleure information des représentants associatifs sur leur rôle.

Mieux informer sur la prestation de compensation

Au 31 décembre 2006 - soit un an après l'entrée en vigueur de la prestation de compensation -, environ 70 000 personnes avaient déposé un dossier, alors que le gouvernement tablait sur 120 000 demandeurs. A la même date, 23 000 demandes seulement avaient été traitées, et la moitié d'entre elles rejetée. Au total, seules 7 700 prestations de compensation ont effectivement été versées en 2006.

La lenteur de ce démarrage résulte notamment de la méfiance qu'inspire la nouvelle prestation. En effet, faute d'informations précises sur le montant qu'elles sont susceptibles d'obtenir, beaucoup de personnes handicapées préfèrent conserver le bénéfice de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), résume Paul Blanc. Il explique que ces craintes sont infondées car le montant moyen des « aides humaines » de la prestation de compensation s'élève à 1 088 € , là où l'ACTP permet d'obtenir seulement 450 € en moyenne. Aussi, quel que soit le sort réservé à la question du droit d'option entre ACTP et prestation de compensation (3), il plaide pour une amélioration de l'information sur les montants qui peuvent être attribués tout en s'opposant à une forfaitisation de la prestation - réclamée par certaines associations - qui serait contraire à une compensation réellement personnalisée. Il appelle de surcroît le gouvernement à mettre fin à « une restriction excessive qui va à l'encontre de l'esprit de la loi » en autorisant la prise en charge des dépenses d'aide ménagère par la prestation de compensation tout comme elles le sont par l'allocation personnalisée d'autonomie ((4).

Par ailleurs, la lourdeur des contrôles opérés par les départements sur la nature des dépenses auxquelles les bénéficiaires affectent leur prestation de compensation est également un obstacle. Le versement de la prestation sous la forme de chèques emploi-service universel préfinancés permettrait de « garantir l'affectation des sommes versées à la rémunération d'un salarié, y compris lorsqu'il est recruté par l'intermédiaire d'un service prestataire ou mandataire, sans obliger les départements à un contrôle de l'effectivité intrusif dans la vie des personnes ».

Paul Blanc revient également sur le « phénomène inquiétant » qui a découlé de la mise en place de la prestation de compensation en établissement. « Les financeurs - au premier rang desquels l'assurance maladie - sont tentés de réduire les budgets transports des structures, ce qui menace à terme les services de transports organisés par les établissements pour leurs propres usagers », explique-t-il (5). Selon lui, l'élément « surcoûts liés au transport » de la prestation n'est attribué « que pour autant que la personne handicapée est obligée d'avoir recours à un transport effectué par un tiers - par opposition aux transports organisés par l'établissement d'accueil lui-même ». Il appelle donc le gouvernement à donner les instructions nécessaires en soulignant que « la prestation de compensation ne doit pas venir remplacer un financement existant, mais le compléter ». Rappelons qu'une réflexion administrative est actuellement engagée pour déterminer dans quelles conditions les frais de transport seront pris en charge par la prestation de compensation en établissement.

Des pistes de réflexion pour la reconnaissance d'un « risque dépendance »

« La prévalence de plus en plus grande de la dépendance liée à l'âge remet en cause les frontières actuelles des politiques en faveur des personnes âgées et handicapées. » C'est pourquoi la loi impose une convergence de leur prise en charge d'ici à 2011. S'il importe de réfléchir à la reconnaissance d'un cinquième « risque », Paul Blanc indique qu'il ne faut pas forcément entendre une nouvelle branche de sécurité sociale (6) et que la convergence ne peut pas être totale. En effet, « si la dépendance liée à l'âge est une perspective pour tous, ce qui fait d'elle un risque assurable, le handicap reste un malheur rare et imprévisible, qui justifie une compensation par la solidarité nationale », argumente-t-il. Dans ce cadre, la convergence pourrait s'opérer sur les méthodes d'évaluation des besoins et sur la nature des aides prises en charge mais ne pas s'étendre aux tarifs de prise en charge. La perte d'autonomie liée à l'âge pourrait être financée par la mise en place d'une prévoyance individuelle ou collective. Quant à la gouvernance de ce cinquième risque, la préservation de l'architecture actuelle qui s'appuie sur la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et les MDPH doit être préservée, plaide le sénateur.

Poursuivre les efforts pour l'intégration dans tous les aspects de la vie sociale

Saluant les progrès dans le domaine de la scolarisation des enfants handicapés, Paul Blanc souligne néanmoins la nécessité de mettre à leur disposition des auxiliaires de vie scolaire en nombre suffisant et formés aux spécificités de l'accompagnement en milieu scolaire (7), de former les enseignants aux problématiques du handicap et de développer le réseau des enseignants référents. S'agissant du droit opposable à la scolarisation prôné par le chef de l'Etat, il recommande d'utiliser cette notion avec précaution. Selon lui, il ne s'agit pas d'en faire un droit absolu à la scolarisation en milieu ordinaire au détriment du milieu adapté. Il faut l'entendre comme la possibilité pour les parents de faire respecter une décision de scolarisation prise par la CDAPH.

Le sénateur aborde également les questions de l'emploi et de l'accessibilité. Sur ce dernier point, il appelle à anticiper les dates butoirs de mise aux normes - jugées trop lointaines - et à planifier le calendrier des travaux, tout en soulignant que le changement des mentalités au regard du handicap sera finalement le meilleur gage d'application de la loi.

Notes

(1) Rapport d'information Loi « Handicap » : pour suivre la réforme... - Disp. sur www.senat.fr.

(2) Ces derniers ont en effet la possibilité de demander leur retour dans leur administration d'origine à tout moment.

(3) Pour le sénateur, « la suppression souhaitable du droit d'option ne peut être envisagée que dans le cadre d'une réflexion plus globale sur le revenu d'existence des personnes handicapées » car les personnes qui refusent aujourd'hui de basculer dans le dispositif de la prestation de compensation sont en grande partie celles qui utilisent l'ACTP pour des dépenses courantes d'entretien.

(4) A ce titre, il est rappelé qu'il est d'autant plus souhaitable de procéder à cette harmonisation que les règles applicables aux deux prestations devront, dans un délai maximum de cinq ans, faire l'objet d'un rapprochement, dans la perspective de la suppression des barrières d'âge.

(5) Voir ASH n° 2505 du 27-04-07, p. 6.

(6) Après l'annonce en mars dernier par Philippe Bas, alors ministre délégué aux personnes handicapées, de la création prochaine d'une cinquième branche de protection sociale, l'actuel ministre de la Solidarité, Xavier Bertrand, a indiqué le 14 juin qu'il réunirait à l'automne l'ensemble des acteurs concernés.

(7) La création d'une véritable filière professionnelle ainsi que l'accès à la validation des acquis de l'expérience pour les auxiliaires de vie scolaire sont à l'étude.

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