« Une grande victoire, vu le contexte répressif actuel contre les chômeurs et les précaires, qui prouve que l'Etat ne peut pas tout contre les chômeurs sans respecter les lois et les droits. » C'est avec ces mots que Serge Havet de l'association Agir ensemble contre le chômage (AC !) a accueilli, le 2 juillet, la décision du Conseil d'Etat d'annuler le décret du 22 décembre 2005 qui prévoyait notamment que les inspecteurs et contrôleurs du travail pouvaient, « en cas de présomption de fraude », se faire communiquer par les administrations fiscales tous les documents et données nécessaires à l'accomplissement de leur mission (1).
Estimant qu'il s'agissait d'une « très grave atteinte à la vie privée et donc à la liberté individuelle et à la dignité de chacun », AC ! avait formé en février 2006, avec l'Association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires et le Mouvement national des chômeurs et précaires, un recours auprès du Conseil d'Etat contre ce décret pour en obtenir l'annulation (2).
La Haute Juridiction a annulé ce texte pour une question de pure forme, pas de fond. Elle a en effet retenue que la consultation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), obligatoire en l'espèce, avait été « entachée d'une irrégularité qui entraîne l'illégalité des dispositions attaquées ». Cette irrégularité vient de ce que le président de la CNIL, postérieurement à sa saisine par le ministre de l'Emploi de l'époque, a émis un avis « au nom de la commission » sans que celle-ci ait délibéré en formation plénière sur le texte qui lui était soumis. Or, « si la commission peut déléguer à son président ou à son vice-président certaines de ses attributions, seule la commission réunie en formation plénière peut régulièrement émettre un avis sur les projets de textes qui lui sont soumis par le gouvernement », rappelle le Conseil d'Etat.
(2) Voir ASH n° 2446 du 10-03-06, p. 9. A noter qu'AC ! a également saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés afin d'empêcher tout croisement de fichiers ou « contrôle souterrain » susceptible de bafouer les libertés individuelles des chômeurs.