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Lutte contre la récidive : associations et syndicats défendent la spécificité de la justice des mineurs

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« Ce texte constitue une régression en faisant de l'emprisonnement la pierre angulaire de la réponse pénale. » L'Uniopss estime, dans un document d'analyse qu'elle vient d'adresser à la commission des lois du Sénat, que l'instauration de peines minimales en cas de récidive légale, dans le cadre du projet de loi sur le renforcement de la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (1), constitue une entorse aux principes fondamentaux du droit pénal.

L'organisation s'interroge sur la pertinence d'une nouvelle réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 en l'absence d'évaluation des mesures existantes (2). Rappelant le principe du primat de l'éducatif sur la sanction pénale, elle craint que « les peines planchers ne soient, au final, un facteur de récidive ». Approuvant les arguments de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille contre l'abaissement de la majorité pénale (3), elle souligne que « la sanction peut permettre la réhabilitation et la réinsertion du mineur délinquant, même récidiviste, dans la société, à condition d'être corrélée avec un accompagnement éducatif structurant ».

Des associations aux syndicats en passant par la défenseure des enfants (voir ce numéro, page 19), la tonalité est la même. Au-delà des clivages idéologiques, la volonté de protéger une justice des mineurs spécifique, dans le respect des engagements internationaux de la France, et d'améliorer son fonctionnement sans le transformer, fait consensus. « L'échec de l'éducatif, c'est l'échec de moyens », martèle le Réseau droit des jeunes. L'Unasea (Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes) réclame ainsi des ressources pour que la justice soit « plus réactive ». Ce qui pourrait, selon elle, passer par le développement des réponses existantes « à dominante éducative », telles que les centres éducatifs renforcés et les centres éducatifs fermés, « qui ont démontré leur pertinence pour les mineurs récidivistes », et par la garantie d'un accompagnement éducatif soutenu dans les établissements pénitentiaires pour mineurs. Le SPJJ (Syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse)-UNSA appelle quant à lui, pour construire une réponse adéquate à la montée des atteintes aux personnes dans la délinquance juvénile, à la « mobilisation générale et décloisonnée de l'ensemble des acteurs sociaux, médicaux, judiciaires et policiers ». De la même manière, DEI (Défense des enfants International)-France, qui juge le projet de loi « inutile » et « dangereux », souhaite un recensement des moyens juridiques, socio-éducatifs et humains nécessaires et une planification rigoureuse de leur mise en oeuvre. Comme toutes les organisations spécialisées dans la protection de l'enfance, et notamment Unicef-France, elle dénonce la sous-dotation de la justice des mineurs : « Ainsi, dans la Seine-Saint-Denis, au 1er septembre 2007, 38 postes d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse sur 138 seront vacants ! 500 mesures nouvelles ne pourront être exécutées. »

Le chercheur Pierre-Victor Tournier soulignait encore, le 2 juillet, le « risque inflationniste » que fait peser le projet de loi sur la population carcérale, alors que 12 000 détenus sont déjà en surnombre dans les prisons (4). Certes, des « dérogations » aux peines minimales sont prévues, mais pourront-elles être appliquées en l'état actuel des moyens de la justice ?, relève Ange Legeard, président de la Farapej (Fédération des associations réflexion action prison et justice). Une préoccupation partagée par l'Association nationale des juges de l'application des peines. Si les juges pourront, selon le texte, s'affranchir des « peines planchers » en cas de « garantie exceptionnelle d'insertion ou de réinsertion », les audiences étant surchargées et les juges correctionnels ne disposant pas d'éléments de personnalité, dans la pratique, « cela ne se fera pas », prévient Eric Martin, son secrétaire général.

Les mineurs devraient échapper tout aussi difficilement aux principes directeurs donnés par la loi. D'autant, a ajouté le 28 juin Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny et président de DEI-France, devant la Conférence des bâtonniers, que les juges tendront à privilégier la contention pour éviter de porter la responsabilité de risques éventuels. « Mais au fond, observons bien le glissement majeur qui s'opère et nous ramène au XIXe siècle, ajoute-t-il : on n'a plus le souci de transformer l'individu - ce qui nécessite de s'inscrire dans la durée -, on veut réagir à l'acte. » Le juge des enfants qualifie cette approche de « justice distributive » alors que, pour « assécher » les sources d'actes délictueux, la transformation des conditions de vie du jeune sont nécessaires.

Autre inquiétude : le projet de dédier, à titre expérimental, un juge des enfants aux procédures pénales et un autre aux procédures d'assistance éducative, tel que l'a annoncé la garde des Sceaux le 23 juin dernier (5). Chaque mineur délinquant étant un mineur en danger, « on en oublierait la nécessaire cohérence de la personne », critique Jean-Pierre Rosenczveig, et du coup la double compétence du juge des enfants qui fait la force du système actuel depuis 1958. « Cette approche par le symptôme serait une régression majeure », estime-t-il, soulignant par ailleurs que l'expérimentation de la décentralisation de l'assistance éducative menée dans quelques départements - qui confie les mesures d'assistance éducative aux conseils généraux et les mesures ordonnées au titre de l'ordonnance de 1945 à l'Etat (6) -, constitue une première atteinte au « pluralisme des réponses possibles et des intervenants mobilisables ». Le 5 juillet, premier jour de l'examen au Sénat du texte, le Syndicat de la magistrature devait rendre public un appel « à s'unir contre ce projet de loi », signé par 32 organisations.

Notes

(1) Voir ASH n° 2512 du 15-06-07, p. 5.

(2) Sur le volet « justice des mineurs » de ses « préoccupations prioritaires » adressées au gouvernement, voir ASH n° 2514-2515 du 29-06-07, p. 49.

(3) Voir ASH n° 2513 du 22-06-07, p. 31.

(4) Sur son étude montrant le bien-fondé de l'individualisation des peines, voir ASH n° 2510 du 10-06-07, p. 41.

(5) Voir ASH n° 2514-2515 du 29-06-07, p. 5.

(6) Voir ASH n° 2459 du 9-06-06, p. 29.

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