Après 36 heures de négociations, les 27 chefs d'Etat et de gouvernement européens sont tombés d'accord, dans la nuit du 22 au 23 juin, sur le contenu du futur Traité européen destiné à remplacer le projet de Constitution européenne (1), projet rejeté notamment par la France. Cet accord doit maintenant être formalisé par les juristes-linguistes avant d'être ratifié par tous les Etats membres avant les élections européennes
Tous les attributs de l'ex-Constitution - texte unique (2), symboles, proclamation des droits... - ont été supprimés. Mais l'essentiel de ses dispositions ont été conservées, notamment pour les institutions européennes : nomination d'un président pour le Conseil européen (sur deux ans et demi) et d'un « haut représentant » pour les affaires étrangères, réduction de la taille de la Commission européenne (qui ne comptera plus un représentant par Etat membre), renforcement du rôle du Parlement européen, réforme des modes de vote au Conseil de l'Union européenne, droit de regard des Parlements nationaux, droit de pétition populaire. Au niveau des politiques européennes, les changements sont plus limités. Mais, incontestablement, c'est au plan social et des services publics que deux avancées notables ont été réalisées.
Ainsi, à la surprise générale, grâce à l'entêtement du gouvernement néerlandais, a été ajouté un protocole sur les services d'intérêt général précisant les principes généraux : autonomie des Etats et collectivités locales pour définir les services d'intérêt économique général (SIEG), égalité de traitement, accès aux services, etc. Il est également mentionné que les dispositions des traités européens ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des Etats membres relative à « la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général ».
Par ailleurs, les objectifs de l'Union européenne (UE) comprennent désormais, aux côtés des objectifs économiques, une série d'objectifs sociaux : lutte contre les discriminations et l'exclusion sociale, solidarité entre les générations, protection des droits de l'enfant. En revanche, la notion de « concurrence libre et non faussée », qui avait fait polémique en France lors de la campagne référendaire sur la Constitution, n'apparaît plus dans les objectifs de l'UE, et a été déplacée dans un autre article.
La Charte des droits fondamentaux n'est plus intégrée en tant que telle dans le texte mais un article du traité devrait y faire référence en mentionnant explicitement sa valeur contraignante (sauf pour le Royaume-Uni et éventuellement la Pologne). Ajouté à la clause sociale horizontale, qui oblige à prendre en compte dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions européennes les exigences sociales (niveau élevé d'emploi, d'éducation et de formation professionnelle, garantie de protection sociale, lutte contre l'exclusion sociale, protection de la santé humaine), cette précision devrait permettre un net rééquilibre entre l'économie et le social au niveau européen.
Le droit de veto a été supprimé dans certaines matières qui feront l'objet d'une codécision du Conseil de l'Union européenne - réunissant les représentants des Etats membres - et du Parlement européen. Sont notamment concernées l'immigration légale - le droit de veto sur les questions d'asile et d'immigration illégale a été supprimé début 2005 (3) - et la sécurité sociale, pour les travailleurs circulant dans l'UE.
A noter, enfin, la possibilité offerte aux parlements nationaux de demander, sous certaines conditions, à la Commission européenne de réexaminer une proposition s'ils jugent qu'elle empiète sur les compétences nationales.
(1) Document téléchargeable sur europesociale.over-blog.com.
(2) Alors que le projet de Constitution européenne devait remplacer tous les traités européens par un texte unique, le nouveau traité se contente en effet d'amender les deux traités constitutifs de l'Union européenne : le traité de Rome sur la Communauté européenne de 1957 et le traité de Maastricht de 1992.