Les chiffres rendus publics le 20 juin par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) (1) devraient bouleverser bien des idées reçues. Une enquête de grande ampleur portant sur la population de métropole âgée de 18 à 65 ans (2) permet, pour la première fois, de mieux connaître les personnes qui ont été scolarisées en France mais qui se trouvent en difficulté quand il faut lire un panneau indicateur, faire un chèque ou dresser une liste de courses.
Au total, 3,1 millions d'individus sont dans cette situation, soit 9 % de la population étudiée, 11 % des hommes et 8 % des femmes, ces dernières ne représentant que 41 % des personnes illettrées. Contrairement à ce que l'on pense souvent, les difficultés avec l'écrit ne frappent pas surtout les jeunes générations, au contraire, elles croissent régulièrement avec l'âge. Elles touchent 4,5 % des 18-25 ans et 14 % des 56-65 ans. La moitié des personnes concernées ont plus de 45 ans. On trouve des situations d'illettrisme dans tous les types d'habitat, mais plus souvent dans les communes moyennes (11 %) qu'en zone rurale (10 %) et que dans les villes de plus de 100 000 habitants (8 %). 10 % des adultes concernés vivent dans les zones urbaines sensibles où le taux d'illettrisme grimpe à 18 %, soit le double de la moyenne nationale.
Que font les personnes en situation d'illettrisme ? 57 % sont dans l'emploi, 11 % au chômage, 14 % à la retraite, 10 % en formation ou en inactivité et 8 % au foyer. Si l'on retire du calcul les jeunes encore en formation et les retraités, le taux des personnes en emploi grimpe à 67 %. Tous les illettrés ne sont donc pas des exclus. Néanmoins si 8 % des adultes en emploi sont illettrés, c'est le cas de 15 % des chômeurs. De même, si 5 % seulement des personnes illettrées sont allocataires du RMI (revenu minimum d'insertion), 26 % des titulaires de la prestation sont en situation d'illettrisme.
Quelle langue les personnes illettrées parlaient-elles dans leur enfance ? 74 % utilisaient uniquement le français à la maison à l'âge de 5 ans, 6 % le français et une langue régionale, 3 % le français et une langue étrangère, 10 % une langue régionale uniquement et 7 % une langue étrangère uniquement. La fréquence de l'illettrisme est de 8 % chez ceux qui n'ont parlé que le français dans l'enfance, elle grimpe à 18 % chez ceux qui n'ont parlé qu'une langue étrangère et à 29 % chez ceux qui n'ont utilisé qu'une langue régionale. Mais l'on voit bien qu'illettrisme et immigration ne doivent pas être superposés et que la lutte contre l'illettrisme ne peut se réduire à une politique linguistique envers les migrants.
Pour la jeune génération, les données recueillies à l'issue de la journée d'appel de préparation à la défense confirment les ordres de grandeur de l'enquête. En 2005, si plus de 10 % des jeunes sortant du système scolaire éprouvent des difficultés avec l'écrit, 4,3 % sont en grande difficulté (et 4,8 % en 2006). Toujours selon ce test grandeur nature, les résultats des départements varient de un à quatre, le Doubs étant le mieux placé avec 2,2 %, tandis que la Seine-Saint-Denis et les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie tournent autour de 8 %.
(1) Illettrisme : les chiffres - Disponible sur
(2) Un module sur l'illettrisme a été introduit dans la grande enquête régulière « Vie quotidienne » de l'INSEE en 2004-2005. Celle-ci porte sur un panel de 10 000 personnes de 18 à 25 ans disposant d'une adresse personnelle, ce qui exclut malheureusement les personnes sans domicile, incarcérées, vivant en établissement ou en collectivité. Les départements d'outre-mer y sont progressivement intégrés entre 2006 et 2008.