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Dotations en capital pour les jeunes : le CAS explore trois scénarios...

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En juillet 2006, le Centre d'analyse stratégique (CAS) a été mandaté par Dominique de Villepin, alors Premier ministre, pour expertiser les systèmes de dotations aux jeunes mis en place par plusieurs pays confrontés à des difficultés comparables d'insertion de ces publics et pour examiner leurs éventuelles déclinaisons en France. Près d'un an plus tard, l'ex-Commissariat général du Plan rend sa copie sur ces différents dispositifs, qui tous s'inspirent du même principe : mettre à la disposition des jeunes adultes une somme relativement importante pour financer leur première période d'investissement universitaire ou professionnel, l'objectif étant de promouvoir une plus grande égalité des chances entre les générations et entre les catégories sociales. Se fondant sur ces expériences étrangères (1), il esquisse dans son rapport (2), « de façon exploratoire », trois scénarios permettant de « mieux appréhender à quelles conditions de tels dispositifs pourraient voir le jour [...] et quels seraient alors les bénéfices et les limites à attendre d'une telle initiative ». Les coûts de chacun d'eux sont évalués et des pistes de financement, qui privilégient le redéploiement des moyens importants que le pays consacre aux jeunes adultes, sont également proposées. Le centre formule aussi un certain nombre de recommandations et énonce des questions à traiter en prélude à une mise en oeuvre éventuelle de dotations en capital en France.

Selon le CAS, deux écueils doivent être évités pour l'éventuelle introduction de telles dotations. Il s'agit, d'une part, de « ne pas financer la mesure en aggravant le déficit » et, d'autre part, de « ne pas faire une mesure symbolique ». Il explique, s'agissant de ce dernier point, que, « si mise en place il doit y avoir [...], il faut que la dotation [...] soit d'un niveau conséquent, permettant d'envisager de manière réellement différente les choix d'orientation professionnelle ou éducative à 18 ans ». Par ailleurs, deux questions doivent être tranchées : l'affectation des sommes doit-elle être libre ou fléchée, d'une part ? L'éligibilité au dispositif doit-elle être universelle ou ciblée, d'autre part ? Pour chacune d'elles, le choix opéré présente des avantages mais aussi des inconvénients pointés par le CAS. Ainsi, « en cas d'universalité, la mesure est simple et de coût de gestion réduit mais pose des problèmes potentiels d'effet anti-redistributif. En cas de dotation ciblée, le même budget permet d'allouer des montants plus conséquents aux jeunes qui en ont le plus besoin mais ce ciblage risque de créer des effets de seuil et d'être défavorable aux classes moyennes ». Pour le centre, en outre, l'instauration d'un système de dotation en capital « ne doit pas être pensée comme une mesure substituable à un investissement plus conséquent dans l'éducation des enfants des milieux défavorisés » mais, au contraire, comme un « instrument d'intervention complémentaire et d'une autre nature, visant moins l'augmentation du niveau moyen d'éducation que la revitalisation de la promesse d'égalité des chances au moment de l'entrée à l'âge adulte ».

Ces mises au point faites, le Centre d'analyse stratégique présente trois scénarios pour illustrer les différentes formes que pourrait revêtir la mise en place d'un système de dotation à l'entrée dans la vie adulte. En tout état de cause, une telle mise en oeuvre suppose la définition de contreparties de nature à responsabiliser leurs bénéficiaires, prévient-il.

Une dotation en capital importante réservée aux « enfants pauvres »

Le premier scénario est celui d'une dotation « égalité des chances » à destination des jeunes élevés dans des familles pauvres (3). Concrètement, chaque enfant « pauvre » pourrait se voir verser annuellement sur un compte, entre sa naissance et l'âge de 18 ans, une dotation annuelle qui serait attribuée en fonction de sa situation « objective » - par exemple, 500 pour les enfants vivant dans un ménage pauvre ou en zone urbaine sensible ; 1 000 pour ceux placés à l'aide sociale à l'enfance. La constitution progressive d'un tel capital, plaide le rapport, « ne devrait pas reposer sur des versements monétaires annuels mais plutôt sur un système de points », lesquels ne seraient convertis sous une forme monétaire qu'à la majorité. Ce dispositif pourrait comporter en sus un volet universel permettant à tous les jeunes de disposer à sa majorité d'un pécule de 1 150 € par exemple. Il présente pour le CAS, dans les deux cas, d'indéniables avantages : « il permet l'accumulation d'un capital d'entrée dans la vie adulte conséquent », « il est centré sur les jeunes et enfants pauvres » et « peut se mettre en place sans bouleverser la politique sociale ». Mais il comprend également des inconvénients certains (difficulté du ciblage, lente montée en charge du dispositif, risque de forts effets de seuil).

Une dotation universelle octroyée à tout jeune majeur

Deuxième voie retenue : plutôt que de cibler les bénéficiaires, il pourrait être envisagé de verser le même montant à chaque enfant (dotation en patrimoine universelle). Deux options sont, là encore, envisageables. Dans la première, il s'agit d'une dotation universelle alimentée sur fonds publics. En pratique, la remise en cause d'un certain nombre de dispositifs existants (4) dégagerait, selon le CAS, sept milliards d'euros par an, qui permettraient de « doter tous les jeunes de 18 ans d'un patrimoine de départ de 8 750 (sur la base de cohortes de 800 000 individus) ». Le reste du coût des études pourrait être financé par un recours facilité au prêt, dont le remboursement serait conditionné par l'atteinte d'un certain niveau de revenu. Ce système présenterait essentiellement deux avantages : « uniforme et universel », il est par ailleurs « simple et n'implique que des frais de gestion réduits », juge le CAS.

La seconde option consisterait à faire reposer la constitution du capital disponible à la majorité à la fois sur une dotation publique proportionnée aux revenus familiaux et sur un effort des familles. L'idée serait de les aider à constituer pour leurs enfants un patrimoine de départ, utilisable à partir de l'âge de 18 ans. Les versements seraient facultatifs et mensuels, et les sommes versées - famille + Etat - plafonnées à une hauteur à déterminer. « Pour le quart des familles les moins aisées, l'abondement de l'Etat serait de 100 %. Pour les familles du deuxième quartile, [il] serait de 50 %. Pour les familles du troisième, [...] de 25 %. Pour le quart des familles les plus aisées, [il] serait nul », ajoute le centre, qui trouve deux avantages à ce système. Il aurait, d'une part, « un effet redistributif » et, d'autre part, « contribuerait à responsabiliser les familles et inciterait les jeunes à se projeter dans l'avenir ». Reste toutefois un inconvénient majeur, « son iniquité potentielle ». « Il est en effet difficile de prévoir qu'elle sera la capacité réelle d'épargne des familles les plus pauvres », explique-t-il. Et d'ajouter que, « même avec un système d'abondement, il se peut que les enfants des familles les plus pauvres se trouvent in fine fortement désavantagés ».

Un viatique sous forme de « droits de tirage » destinés à la formation

Une dernière piste, moins en décalage avec les orientations des politiques existant en France, mériterait d'être explorée pour le CAS. Il s'agit de l'instauration de « droits de tirage » au profit des jeunes destinés à financer la transition vers la vie professionnelle. Cette solution pourrait, selon l'instance, contribuer à combler trois lacunes grave du système de formation français. Première d'entre elles : chaque année, environ 60 000 jeunes quittent le système de formation sans aucune qualification. « L'instauration d'un droit de tirage formation universel, finançant l'ensemble des projets de formation de type universitaire, aurait l'avantage de ne pas multiplier à l'infini les canaux de financement et donc d'en simplifier la gestion », considère le CAS. Deuxième lacune, l'absence de sélection à l'entrée dans la plupart des filières universitaires qui a engendré une forte sélection par l'échec dans les premiers cycles universitaires (chaque année, 80 000 étudiants quittent l'enseignement supérieur sans en être diplômés). Cette non-sélection, couplée à une quasi-gratuité d'accès à l'enseignement supérieur, doit être mise en miroir avec les aides relativement peu importantes délivrées aux étudiants. « L'instauration d'un système de droit de tirage formation pourrait être l'occasion de revaloriser [ces] aides en contrepartie d'une orientation aux modalités plus «directives» », estime l'instance. Troisième lacune : les allers-retours entre période d'emploi et de formation ne sont pas encouragés. L'instauration d'un droit de tirage formation, utilisable à n'importe quel moment de son cycle de vie, pourrait les faciliter.

Notes

(1) Britannique, américaine, canadienne, hongroise ou coréenne (du Sud).

(2) Les dotations en capital pour les jeunes - Rapport disponible sur www.strategie.gouv.fr.

(3) C'est-à-dire celles qui ont un « revenu par unité de consommation inférieur à 60 % de la médiane des revenus », précise le Centre d'analyse stratégique.

(4) Suppression de la possibilité de rattacher un enfant de plus de 18 ans au foyer fiscal du parent, du bénéfice des allocations familiales et du complément familial pour les enfants majeurs, des bourses et des aides au logement pour les étudiants.

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