Trois mois après avoir adressé cinq plateformes politiques aux candidats à l'élection présidentielle (1), l'Uniopss (Union interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) (2) interpelle le nouveau chef de l'Etat et son gouvernement sur ses « préoccupations prioritaires pour le prochain quinquennat ». Un copieux document rassemblant pas moins de 58 fiches sur ce qui lui semble « fondamental pour une action gouvernementale dans le secteur de la solidarité », réparties en 11 chapitres (3), a été envoyé aux ministres et secrétaires d'Etat concernés. Treize demandes de rendez-vous ont été formulées.
Un des thèmes centraux, déjà abordé par le collectif Alerte qui avait également interpellé les candidats à la présidentielle en mars dernier (4) : « garantir l'accès de tous à des revenus décents ». L'Uniopss souhaite la création d'un revenu minimum d'insertion pour les jeunes de moins de 25 ans, le maintien du RMI comme un « droit inconditionnel », non subordonné à une activité, et la revalorisation de tous les minima sociaux en proportion de l'augmentation du SMIC horaire. « En évitant d'opérer entre eux un distinguo basé sur la méritocratie », souligne Bruno Grouès, responsable du pôle « lutte contre l'exclusion et la pauvreté » de l'Uniopss.
Faire en sorte que chaque heure travaillée apporte un supplément de ressources aux bénéficiaires de minima sociaux est bien sûr un principe largement soutenu par l'organisation. Néanmoins, le périmètre donné à l'expérimentation du revenu de solidarité active (RSA) dans le cadre du projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (5) lui inspire plusieurs réserves (sur l'avis du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, voir ce numéro, page 9). « Le RSA proposé par la commission «Familles, vulnérabilités, pauvreté» s'appuyait sur la fusion des minima sociaux et concernait aussi les travailleurs pauvres, rappelle Bruno Grouès. Le RSA qui va être expérimenté est partiel, moins ambitieux, ce n'est plus du tout le même projet. » Par ailleurs, « seuls ceux des bénéficiaires des minima sociaux qui seront en mesure de travailler pourront gagner plus », déplore-t-il, s'étonnant par ailleurs que le projet de loi ne donne aucun montant du RSA, pas même une fourchette. Les travailleurs pauvres qui ne touchent pas de minima sociaux ne faisant pas partie du dispositif expérimenté, une grave inégalité est à craindre, ajoute Bruno Grouès, entre les bénéficiaires du RMI et de l'allocation de parent isolé et ce public qui, pour le même nombre d'heures travaillées, restera en dessous du seuil de pauvreté. S'interrogeant enfin sur l'extension du dispositif, l'Uniopss espère que les leçons de l'expérimentation seront prises en compte. Elle demandera à ce que les associations fassent partie de la commission d'évaluation annoncée par Martin Hirsch.
Parmi les autres sujets d'actualité, l'Uniopss réitère sa volonté de voir créer une nouvelle prestation unique et universelle de compensation de la perte d'autonomie, financée par la solidarité nationale et gérée par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle appelle à des états généraux sur la prestation de compensation, une fois que cette institution aura remis ses travaux faisant suite au rapport Gisserot (6), probablement à l'automne.
Constatant, dans le domaine de la justice des mineurs, « le caractère compulsif des réformes », sans même que les nouvelles mesures mises en place par les lois Perben aient été évaluées, elle réclame « une véritable association du monde associatif à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques »(7). Autre urgence : apurer complètement la dette de l'Etat (55 millions d'euros) envers les associations habilitées Justice pour permettre « le bon fonctionnement de la justice des mineurs, et notamment l'exécution des décisions de justice des juges et des tribunaux pour enfants ».
(2) Uniopss : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.
(3) Europe, vie associative, emploi et ressources humaines, régulation des institutions sociales et médico-sociales, décentralisation et réforme de l'Etat, gestion financière et tarification, lutte contre la pauvreté et l'exclusion, enfance, jeunesse et familles, santé, personnes handicapées, personnes âgées.
(7) Dans un appel intitulé « Les adolescents ne sont pas des adultes », qui devait être publié dans le Nouvel Observateur le 28 juin, plus de 100 professionnels et spécialistes de l'enfance demandent l'ouverture d'un « Grenelle de l'adolescence » pour mener un débat serein sur la délinquance des mineurs, évaluer les politiques publiques et dégager un consensus sur l'insertion de tous les jeunes.