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« Est-il possible de mesurer la cohésion sociale ? »

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« Capital social ? Lien social ? Lien civique ? Au-delà de la question des inégalités, comment mesurer la cohésion de la société française ? » Le Centre d'analyse stratégique (ex-Plan) (1) organisait, le 21 juin, une journée d'étude sur ce thème. Son initiateur, Julien Damon, chef du département des questions sociales, explique pourquoi.
Quel est le point de départ de votre réflexion ?

On a vu, ces dernières années, dans le débat public, nombre d'observateurs, de politiques, d'associations s'alarmer de l'affaiblissement de la cohésion sociale. Mais cette notion n'a jamais été définie, et je défie quiconque de savoir si elle décline ou se renforce.

La question du lien social ne se réduit pas, en effet, à la mesure de la pauvreté, sur laquelle on a des masses de données dans les ordinateurs et qui suscite des débats depuis longtemps pour savoir s'il faut la mesurer à partir de 50 % ou de 60 % du revenu médian... La question est importante, bien sûr, mais au-delà de la pauvreté et des inégalités, d'autres dimensions tout aussi cruciales doivent être appréhendées pour mesurer la qualité du lien social, comme la ségrégation résidentielle et scolaire, le réseau relationnel, la confiance dans les institutions, la participation électorale et associative, la mise en pratique des règles de civilité...

Le Centre d'analyse stratégique a décidé de s'autosaisir de cette question. D'où cette rencontre organisée avec de nombreux partenaires - responsables des organismes produisant des statistiques dans le domaine social, universitaires et chercheurs, membres de la société civile - pour examiner de quelles données nous disposons et s'il est possible d'élaborer un tableau de bord en la matière.

La question se pose-t-elle aussi dans les pays comparables ?

Les pays anglo-saxons parlent plutôt de « capital social ». La Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Amérique du Nord... sont en avance sur nous dans ce domaine. Des travaux sont aussi réalisés au plan européen ou à l'OCDE. Nous avons tout intérêt à regarder comment la notion est définie et mesurée ailleurs, car l'affaire n'est pas simple...

La France dispose déjà de certaines données...

Bien sûr. Par exemple, nous avons des chiffres précis sur la participation électorale. Moins, déjà, sur la participation associative, car une chose est d'adhérer, une autre de participer à l'animation et à la décision. Certaines enquêtes permettent aussi d'approcher la sociabilité ou l'isolement des personnes avec des questions qui portent, par exemple, sur le nombre de proches ou d'amis rencontrés dans la journée, dans la semaine, dans l'année... Le ministère de la Justice mesure aussi l'évolution de la confiance des citoyens dans la justice ou la police. Mais ce type de données reste dispersé entre les ministères, l'INSEE, l'INED, le Credoc, l'eurobaromètre... L'idée est de mettre tout cela à plat.

Certaines statistiques sont aussi difficiles à interpréter...

Effectivement. Par exemple la baisse du taux de conflictualité dans les entreprises est-elle toujours un bon signe ? Autre question délicate : le taux de divorces et de séparations. Pour certains, c'est le résultat évident du délitement de la cellule familiale et de ses solidarités. Pour d'autres, c'est le signe de la capacité des individus à assumer des libertés nouvelles. Quelle instance peut en juger ? Il semble du moins que ces questions doivent être abordées frontalement et que chacune mérite un débat approfondi.

Tout cela peut-il être agrégé dans un indicateur de cohésion sociale ?

Un seul indicateur, non, plutôt un tableau de bord. L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale a proposé onze critères pour rendre compte de ce phénomène (2). C'est très bien. Pour la cohésion sociale, nous pourrions aussi, modestement, tenter de retenir une dizaine de critères, regroupés en quatre ou cinq rubriques. Il faut voir si l'on peut s'accorder là-dessus, même si, bien sûr, on pourra toujours estimer que c'est insuffisant et réducteur. En tout cas, c'est techniquement réalisable. Et il est peut être intéressant de construire ce nouvel outil plutôt que d'être jaugés uniquement sur des critères internationaux dans lesquels nous ne nous reconnaissons pas forcément. Une évaluation raisonnée de la cohésion sociale et de son évolution permettrait aussi d'asseoir le débat public sur des bases plus solides.

Notes

(1) Centre d'analyse stratégique : 18, rue de Martignac - 75007 Paris - Tél. 01 42 75 61 11.

(2) Voir ASH n° 2445 du 3-03-06, p. 19.

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