Strate supplémentaire à l'édifice statistique sur les chiffres du chômage, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) livre son analyse et s'efforce de dissiper la confusion ambiante (1).
Pour l'OFCE, plusieurs éléments amènent à penser que la baisse du chômage de 1,4 point entre la mi-2005 et la fin 2006 « a été amplifiée par des problèmes affectant ces statistiques administratives ». Issue des estimations mensuelles, cette surévaluation s'expliquerait par « les changements des règles d'indemnisation », qui « ont modifié les comportements d'inscription des chômeurs ». « Les radiations et reclassements effectués par l'ANPE dans le cadre de la politique d'accompagnement des chômeurs impulsée depuis la mi-2005 » auraient également contribué à amplifier la baisse officielle du nombre de demandeurs d'emploi. « Suite à la mise en place en janvier des entretiens mensuels, les radiations administratives se sont multipliées pour les chômeurs n'ayant pas répondu aux convocations (radiation généralement de deux mois) », explique en effet l'auteur de l'étude, Matthieu Lemoine. Par ailleurs, « des demandeurs d'emploi classés en catégorie 1 - à la recherche effective d'un contrat à durée indéterminée à temps plein - sont plus rapidement reclassés en catégorie 5 - ayant déjà un emploi, mais à la recherche d'un autre emploi - lorsqu'ils sont recrutés en contrat aidé ». En outre, « un changement de la procédure de relance en juin 2005 a engendré des délais plus courts pour que les chômeurs actualisent leur situation et donc des radiations supplémentaires ». Enfin, « les effectifs placés, suite à un licenciement économique, en conventions de reclassement personnalisé sont classés pendant huit mois comme stagiaires de la formation professionnelle et non comme chômeurs ». Selon les agents de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'Emploi, ces divers effets « pourraient avoir amplifié artificiellement la baisse du chômage d'environ 0,3 point, auquel il faudrait ajouter l'effet de la réduction des durées d'indemnisation »...
L'OFCE critique d'autre part l'INSEE qui, en faisant « le choix de ne pas utiliser les résultats de [son] enquête [emploi] 2006, a contrevenu aux principes du BIT qui exigent que la mesure du chômage ne dépende pas des sources administratives ». Et d'expliquer que, finalement, même s'il est toujours possible de discuter de la définition du taux de chômage « BIT », « les résultats annuels de l'« Enquête emploi » ne [lui semble] pas en fournir une mesure moins satisfaisante en 2006 qu'au cours des années précédentes ». « L'erreur se situerait surtout du côté des estimations provisoires publiées actuellement, et l'estimation définitive du chômage de 2006 sera probablement très proche du résultat non certifié de l'enquête diffusé en mars 2007 », soit 9,8 %. « Le taux de chômage en avril 2007 devrait alors être révisé à l'automne prochain de 8,3 % à environ 8,9 %. » En définitive, « l'amélioration du marché du travail aurait bien eu lieu (- 1,1 point de taux de chômage), mais aurait été de moindre ampleur que ne le laissent penser les statistiques provisoires (- 1,8 point) ».
Matthieu Lemoine conclut son étude en avançant une piste pour « restaurer la confiance » dans les mesures du taux de chômage. Selon lui, « il faudrait que l'INSEE abandonne les estimations mensuelles fondées sur les statistiques de l'ANPE et publie à une fréquence trimestrielle un taux de chômage mesuré avec l'«Enquête emploi» » (2).
(1) « Chômage : débattre de la mesure » - Matthieu Lemoine - Lettre de l'OFCE n° 286 - 11 juin 2007.
(2) C'est aussi l'une des préconisations formulées lors des « états généraux des chiffres du chômage » qui se sont tenus le 29 mai dernier - Voir ASH n° 2510 du 1-06-07, p. 40.