La ministre de la Justice, Rachida Dati, a présenté le 13 juin en conseil des ministres, un projet de loi qui tend à renforcer la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, en instaurant des peines planchers pour les récidivistes et en abaissant, dans certains cas, la majorité pénale des mineurs. Décrié par le Syndicat de la magistrature et l'Union syndicale des magistrats, les deux principaux syndicats du secteur, ce texte, promis par Nicolas Sarkozy lors de sa campagne présidentielle, vise à compléter le dispositif existant issu de la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales du 12 décembre 2005 (1). Il devrait être examiné en première lecture au Sénat début juillet.
Le projet de loi instaure tout d'abord des peines planchers pour les personnes majeures en état de récidive légale, c'est-à-dire lorsqu'elles commettent une nouvelle infraction, identique ou pas (2), après avoir déjà été condamnées définitivement pour une première infraction. Ainsi, les peines planchers applicables aux crimes et aux délits passibles d'au moins trois ans de privation de liberté, devraient, selon le projet, être environ égales au tiers de la peine maximale prévue pour l'infraction commise. Pour les crimes, la cour d'assises ne devrait donc pouvoir prononcer une peine d'emprisonnement inférieure à 5, 7, 10 et 15 ans, si le crime est respectivement puni de 15, 20, 30 ans de réclusion ou de détention ou à perpétuité. Toutefois, les magistrats conserveraient la possibilité de prononcer des peines inférieures à ces seuils « en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion », stipule le projet de loi. Il pourrait en être de même en cas de deuxième récidive, mais à condition que l'accusé présente « des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion ». Quelle que soit l'hypothèse, « le juge ne pourra pas en tout état de cause prononcer une peine de moins d'un ou deux ans, conformément au droit actuel », a expliqué la ministre de la Justice.
S'agissant des délits, la juridiction ne pourrait prononcer une peine inférieure à 1, 2, 3 ou 4 ans, si la peine maximale initialement encourue est respectivement de 3, 5, 7 ou 10 ans d'emprisonnement. Là encore, le tribunal pourrait, par décision motivée, opter pour une peine inférieure à ces seuils ou pour une peine autre que l'emprisonnement (amende, travail d'intérêt général, confiscation, peine alternative comme l'interdiction de certaines activités...) en fonction des « circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou de ses garanties d'insertion ou de réinsertion ». Et ce, à condition qu'il ne s'agisse pas de violences volontaires, de délit commis avec la circonstance aggravante de violences, d'agression ou d'atteinte sexuelles, ou encore d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement. Toutefois, dans ces dernières hypothèses, si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion, le tribunal pourrait quand même décider d'une peine inférieure à ces seuils.
Aujourd'hui, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de 13 ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, ils ne peuvent aller au-delà de 20 ans d'emprisonnement. Le même principe d'atténuation de la peine devrait, selon le projet, être appliqué en cas de récidive légale : le mineur qui commettrait de nouveau un crime ou un délit s'exposerait ainsi à une peine égale à la moitié des peines planchers prévues pour les majeurs récidivistes. Toutefois, pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans, le tribunal - sur décision spécialement motivée, sauf exceptions - ou la cour d'assises des mineurs pourrait, dans les cas suivants, écarter ce régime plus favorable et les exposer aux mêmes peines que les majeurs récidivistes : lorsque les circonstances de l'espèce et la personnalité du mineur le justifient ; lorsqu'un crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, ou encore un délit de violences volontaires, d'agressions ou d'atteintes sexuelles, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale. Il pourrait en être de même si le mineur commettait une deuxième récidive, à moins que la cour d'assises des mineurs ou le tribunal pour enfants n'en décident autrement.
Ces dispositions n'ont pas laissé indifférent le Conseil d'Etat qui, lorsqu'il a examiné le projet de loi, a émis une réserve d'interprétation. Il a ainsi rappelé au garde des Sceaux que l'ordonnance relative à l'enfance délinquante du 2 février 1945 devait être appliquée dans tous les cas en priorité, l'emprisonnement devant demeurer une exception et laisser place aux mesures éducatives.
(2) Les différents cas de récidive sont détaillés de l'article 132-8 à 132-11 du code pénal.