La loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a modifié les conditions de versement de l'allocation de reconnaissance, versée auparavant tous les trimestres à tous les harkis et veuves originaires d'Afrique du Nord âgés de 60 ans et plus et ayant gardé la nationalité française (1). Elle leur a offert en effet la possibilité d'opter soit pour une augmentation de l'allocation, soit pour un maintien de l'allocation au taux en vigueur au 1er janvier 2004 avec versement d'un capital de 20 000 € , soit pour une sortie en capital de 30 000 € (2). Quelques mois plus tard, un décret est venu préciser les nouvelles modalités d'octroi de l'allocation (3). A la demande de l'association « Comité harkis et vérité », quatre articles de ce texte viennent d'être annulés par le Conseil d'Etat.
En cause : les articles 1er, 2, 3 et 4 du décret, eux-mêmes pris en application des articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005. L'article 6, qui porte sur le versement de l'allocation de reconnaissance (4), limite le dispositif aux harkis qui ont conservé la nationalité française dans le cadre de l'ordonnance du 21 juillet 1962 prise à l'issue de la guerre d'Algérie. Et comme beaucoup de harkis n'ont pas intégré la nationalité française dans le cadre de cette ordonnance, l'article 9 donne au gouvernement le pouvoir d'accorder, par dérogation, le bénéfice de l'allocation à ceux qui - entre autres conditions - ont acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995. Les quatre articles du décret incriminé reprennent cette condition relative à la nationalité des bénéficiaires, en précisant les formations supplétives ayant servi en Algérie et les modalités d'attribution de l'allocation de reconnaissance aux intéressés. Pour l'association requérante, il s'agit d'une discrimination entre harkis qui ne se justifie pas au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Le Conseil d'Etat lui a donné raison, rappelant qu'en vertu de la convention, « une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire [...] si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ». Or, pour les sages du Palais Royal, une différence de traitement dans l'octroi de l'allocation de reconnaissance selon leur mode d'intégration dans la nationalité française ne se justifie pas, eu égard à l'objet de cette allocation.
Par conséquent, les articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005, « en tant qu'ils établissent une différence de traitement en fonction de la date d'acquisition de la nationalité française par le demandeur », sont incompatibles avec les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Et les articles 1er, 2, 3 et 4 du décret attaqué sont donc annulés « en tant qu'ils mettent en oeuvre l'exclusion [prévue par les articles 6 et 9 de la loi du 23 février 2005] du bénéfice de l'allocation en cause des anciens membres des formations supplétives et assimilés soumis au statut civil de droit local n'ayant pas opté pour la nationalité française ».
(2) Les montants de l'allocation de reconnaissance ont été réévalués en dernier lieu le 1er octobre 2006 - Voir ASH n° 2475-2476 du 27-10-06, p. 15.
(4) Rappelons que l'article 6 de la loi prévoit également un dispositif particulier - en l'occurrence, une allocation forfaitaire de 20 000 € - pour les enfants de harkis orphelins de père et de mère et les pupilles de la Nation enfants d'anciens supplétifs. L'article 4 du décret attaqué prévoit les conditions de sa mise en oeuvre.