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Décentralisation du RMI : l'Uniopss plaide pour le développement social territorial

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Que pensent les conseils généraux de la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du RMI (revenu minimum d'insertion) et créant le RMA (revenu minimum d'activité) ? Au vu des inquiétudes soulevées par le collectif Alerte en 2003 face au manque d'ambition de ce texte, l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) a voulu faire un état des lieux (1). Huit Uriopss (Pays-de-la-Loire, Ile-de-France, Lorraine, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais, Centre, Haute-Normandie) ont participé à l'enquête menée auprès de 23 départements (2). Sachant, souligne l'Uniopss, que l'absence d'évaluation antérieure à la décentralisation est un frein pour mesurer les évolutions et qu'il est très difficile de distinguer les effets du transfert des compétences des changements déjà à l'oeuvre avant la loi. Un obstacle qu'avait d'ailleurs déjà souligné l'IGAS (inspection générale des affaires sociales) dans son rapport sur la décentralisation du RMI (3), et qui s'ajoute à la rapidité avec laquelle les départements ont dû mettre en place la réforme.

Premier constat : la décentralisation du financement et de la gestion de l'allocation du RMI a été concomitante à une augmentation notable du nombre des allocataires et des bénéficiaires (4). Une hausse particulièrement forte au tout début de la mise en oeuvre de la loi (14,51 % entre décembre 2003 et juin 2006, dont 7,05 % entre décembre 2004 et juin 2006). Ce qui s'explique par le durcissement des règles d'indemnisation du chômage en juin et décembre 2002 et par la dégradation économique générale. Cette augmentation « subie » des bénéficiaires a été d'autant moins bien acceptée par les conseils généraux que la compensation financière versée par l'Etat - basée sur le nombre de bénéficiaires en 2003 - n'a pas couvert l'intégralité des dépenses. Dans les questionnaires, les départements insistent donc sur leur difficulté à gérer l'ensemble du dispositif sans moyens transférés supplémentaires, financiers ou humains. Par ailleurs, certains d'entre eux déplorent le désengagement de l'Etat de nombreuses mesures d'aide aux personnes en difficulté (stage d'insertion et de formation à l'emploi et stage d'accès à l'entreprise, notamment).

Néanmoins, la plupart des départements disent consacrer des crédits d'insertion à hauteur de 17 % de l'allocation, voire plus. Des chiffres à prendre toutefois avec précaution, souligne l'Uniopss, les bases de calcul n'étant pas les mêmes. Il peut ainsi exister une différence de plus de 100 € par allocataire dans deux départements disant consacrer 17 % de l'allocation en crédits d'insertion ! Par ailleurs, une étude comparant l'évolution des dépenses d'insertion et du nombre des titulaires entre 2004 et 2006 montre que presque la moitié des départements semble avoir fait baisser les crédits d'insertion par bénéficiaire de façon non proportionnelle à l'augmentation ou à la diminution des allocataires.

Diminuer les dépenses

Faute de pouvoir se soustraire à la dépense obligatoire de l'allocation, les départements cherchent donc à faire baisser les dépenses liées au RMI dans leur budget global de fonctionnement. Par exemple, en renforçant la lutte contre la fraude et les contrôles des caisses d'allocations familiales. Ce qui, souligne l'Uniopss, accroît encore l'image de bénéficiaires qui « abusent du système » alors même que les cas de fraude avérés restent marginaux. Autre levier, l'amélioration des conditions de récupération des indus et l'introduction de critères de réussite et d'efficacité dans les parcours d'insertion des bénéficiaires, afin de les faire sortir du dispositif.

L'Uniopss regrette d'ailleurs la difficulté à obtenir des chiffres sur les suspensions et les radiations, estimant que ces « comportements et «secrets» montrent le chemin encore grand qu'il reste à faire en matière de transparence et de publicité de l'action publique ». L'enquête relève que le Rhône et les Bouches-du-Rhône, par exemple, ont mené des opérations dites « des perdus de vue » en convoquant les bénéficiaires du RMI qui ne disposent pas de contrat ou de suivi régulier afin de réexaminer leur situation. Opé-rations qui ont souvent entraîné une augmentation des cas de suspension.

Au chapitre des évolutions positives, l'Uniopss range l'individualisation accrue des accompagnements mis en oeuvre - à condition toutefois qu'elle ne s'apparente pas à un contrôle. Elle se réjouit également que la moitié des départements interrogés indique avoir mis en place des groupes de réflexion sur le contenu des contrats d'insertion, pour certains avant même la loi du 18 décembre 2003. Elle se félicite aussi que les nouveaux contrats comportent des éléments de diagnostic social et professionnel afin d'apprécier la situation du bénéficiaire, mais aussi de permettre une connaissance complète de celle-ci par les autres référents durant son parcours.

Le rapport est plus nuancé sur le contenu des contrats. Si presque tous les départements partagent des thématiques communes concernant les actions d'insertion - regroupées autour de l'emploi, de l'autonomie sociale, du logement et de la santé -, la décentralisation et le développement des politiques dites d'« activation des dépenses passives » de l'Etat tendent à unifier les orientations des politiques d'insertion départementales vers l'emploi. La prégnance de l'orientation professionnelle au sein des actions d'insertion n'étant pas sans poser problème à l'égard des plus éloignés de l'emploi.

Unifier les contrats aidés

A la segmentation interne au dispositif entre insertion sociale et professionnelle relevée ainsi par l'Uniopss, s'ajoute celle des dispositifs de retour à l'emploi selon le statut de la personne. Ainsi le CI-RMA (contrat insertion-revenu minimum d'activité) et le contrat d'avenir sont réservés aux bénéficiaires de minima sociaux, avec un risque de stigmatisation de ces publics. Face à cette concurrence entre les publics liée à la segmentation excessive des emplois aidés, l'Uniopss revient sur la nécessité de leur unification, dont une première étape est expérimentée avec l'Agence nouvelle des solidarités actives (voir ce numéro, page 31), tout en défendant le principe de leur alignement sur le droit commun avec un soutien financier de l'Etat. « La France semble être un des seuls pays dans l'Union européenne à avoir extrait ses contrats à destination des personnes en difficulté du droit commun », souligne-t-elle, ce qui fait de celles-ci des citoyens de seconde zone, privés de l'ensemble des droits sociaux des salariés ordinaires.

Quoi qu'il en soit, les conseils généraux rencontrent plusieurs obstacles pour mettre en oeuvre les contrats aidés à destination des bénéficiaires du RMI. D'une part, ils doivent faire face à la réticence des employeurs potentiels, publics et privés, déstabilisés par l'instabilité des dispositifs et enclins à privilégier d'autres publics et d'autres contrats. Ainsi, le volume des contrats destinés aux bénéficiaires du RMI a diminué de près de 19 % entre 2004 et 2005 (- 26 000 entrées). Par ailleurs, ces contrats aidés entraînent un surcoût pour les départements lié à l'activation de l'allocation. L'ADF (Assemblée des départements de France) a estimé celui-ci à hauteur de 797 € par personne et par an pour le contrat d'avenir et à 521 € pour le CI-RMA. C'est ainsi que certains départements limitent leurs recours aux contrats aidés pour ne pas avoir à faire face à des dépenses supplémentaires. Les conseils généraux se trouvent donc dans une situation paradoxale, même si le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion tente de limiter le surcoût puisqu'une partie (20 %) est destinée à « encourager les efforts accomplis par les départements ».

Ce qui apparaît, au final, c'est la difficulté du département à s'inscrire au coeur de la politique de l'emploi, estime le rapport. Bon nombre de conseils généraux mettent ainsi en avant les obstacles liés à l'éclatement des compétences et des responsabilités issues de la décentralisation. Si la plupart d'entre eux ont repris les partenariats antérieurs mis en place par l'Etat et conclu une convention avec l'ANPE, pour la mise à disposition d'agents spécialisés dans l'accompagnement des bénéficiaires, de services spécifiques d'accompagnement renforcé ou de diagnostic emploi, ils sont confrontés à une carence en matière de formation continue. L'offre des conseils régionaux à l'égard des bénéficiaires du RMI est jugée insuffisante, souligne le rapport, qui plaide pour l'instauration de négociations entre ces collectivités et les départements.

Placer le social au coeur des politiques locales

Alors, si le conseil général ne veut pas devenir « un géant au pied d'argile », selon l'expression utilisée par Robert Lafore, il importe, souligne le rapport, qu'il « affirme sa place au sein du service public de l'insertion et de l'emploi et promeuve des partenariats novateurs sur le territoire afin d'instituer un maillage de proximité qui lie en même temps et de manière constitutive insertion sociale et professionnelle ». Ce qui implique de clarifier les compétences, de coordonner les actions et de développer le partage d'information pour sortir de la complexité de l'organisation actuelle. Soit, selon l'Uniopss, de promouvoir « un véritable développement social territorial », qui permette de placer le social au coeur des politiques locales. Un véritable défi face à la parcellisation et à la segmentation des politiques, des acteurs, des financeurs...

Notes

(1) Quelles politiques départementales d'insertion - Enquête sur le RMI décentralisé - Disponible sur www.uniopss.asso.fr. En complément de cette étude, un questionnaire va être adressé aux bénéficiaires du RMI.

(2) Tous ceux sollicités n'ont pas voulu s'y investir.

(3) Voir ASH n° 2493 du 9-02-07, p. 5.

(4) L'Uniopss souligne à cet égard la diversité de définitions des notions d'« allocataire » et de « bénéficiaire ». L'Uniopss entendait par « bénéficiaire » « une personne ayant un droit ouvert au titre du RMI », « allocataire » désignant « une personne qui a été effectivement payée ». La DREES comprend elle dans les bénéficiaires les allocataires et leurs ayants droit. Tandis que les départements sont en difficulté dans l'utilisation de ces deux termes, qui mériteraient, estime l'Union, d'être clarifiés.

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