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Un rapport sénatorial préconise une nouvelle réforme des pensions de réversion

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Un « caractère extraordinairement touffu et complexe du cadre juridique de la réversion », le rendant non seulement souvent « incompréhensible pour les assurés sociaux eux-mêmes mais en outre illisible pour les décideurs publics » et une indemnisation des conjoints survivants « profondément incohérent[e] et inéquitable ». Tels sont les principaux défauts du système actuel des pensions de réversion relevés par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat dans un rapport rendu public le 29 mai (1). Un dispositif récemment modifié par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites (2) et qui, selon elle, sera encore amené « à changer profondément, d'ici une vingtaine d'années, en raison de l'augmentation du travail féminin, de la diminution du taux de nuptialité, de l'augmentation du nombre des divorces et du développement des nouvelles formes de vie en couple comme le PACS [pacte civil de solidarité] ». Après avoir dressé le bilan de la mise en oeuvre de la réforme de 2003, la MECSS avance quelques pistes pour simplifier la gestion des demandes de pension de réversion ainsi que l'exercice des droits des assurés, dégager des marges de manoeuvre financières et mettre en oeuvre des mesures nouvelles plus efficaces en faveur des conjoints survivants.

Simplifier le parcours du conjoint survivant

La MECSS propose d'alléger la gestion administrative du contrôle de la condition de ressources des conjoints survivants, en simplifiant les procédures de demande de pension de réversion « grâce à la transmission aux régimes prestataires des données en possession des services fiscaux ».

En outre, elle suggère d'« améliorer les modalités de cristallisation des pensions de réversion ». En effet, la fixation définitive de leur montant (dit « cristallisation ») intervient, pour mémoire, soit trois mois après la date d'effet de l'ensemble des droits personnels du conjoint survivant, soit à la date de son 60e anniversaire lorsqu'il ne peut prétendre à de tels avantages. En pratique, cette mesure pénalise dans certains cas les conjoints survivants, notamment lorsqu'ils sont titulaires de droits personnels à l'assurance vieillesse et poursuivent en même temps une activité professionnelle à temps partiel, a noté la MECSS. Elle estime alors pertinent de « prévoir une possibilité exceptionnelle de révision de la cristallisation, à l'initiative de l'assuré social, lorsque [ses] revenus varient ultérieurement et brutalement à la baisse, par exemple, dans une proportion d'au moins 10 % ».

Rétablir les conditions d'âge et de durée de mariage

Parallèlement, la mission souhaite que le gouvernement réexamine l'ensemble des mécanismes d'attribution des pensions de réversion, prioritairement dans le régime général de la sécurité sociale et les régimes alignés. Objectif : dégager des marges de manoeuvre financières (3) pour, dans un second temps, mettre en oeuvre des règles d'ouverture des droits plus efficaces et plus justes. Car, selon les projections de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), le nombre de veuves et de veufs du régime général pourrait plus que doubler entre 2004 (2,44 millions de personnes) et 2050 (5,24 millions de personnes), tandis que le montant de l'indemnisation correspondante triplerait sur la même période, passant de 7,16 milliards d'euros à 19,45 milliards d'euros. Ainsi, le rapport prône le rétablissement de la condition d'âge pour l'ouverture du droit à pension de réversion. Rappelons que, pour pouvoir demander une pension de réversion, l'assuré doit justifier d'un certain âge, qui est abaissé progressivement de 52 ans depuis le 1er juillet 2005 à 50 ans au 1er juillet 2009, condition supprimée à compter du 1er janvier 2011 (4). En outre, la mission recommande le retour de la condition de durée de mariage (5) afin d'introduire « un minimum d'harmonisation entre les régimes [de retraite] ». Elle préconise aussi de « définir une fourchette pour le taux de la réversion, allant par exemple de 40 % à 60 %, en fonction du revenu [du conjoint survivant] ». Le but étant, ici, de traiter les cas des personnes qui voient leur situation s'améliorer, en termes d'unités de consommation, à la suite du décès de leur conjoint du fait d'un taux de réversion supérieur à celui requis pour le strict maintien du niveau de vie.

Prévoir de nouvelles mesures en faveur des conjoints survivants

Autre axe de travail, la mise en oeuvre de mesures plus efficaces en faveur des conjoints survivants, notamment les femmes âgées dépourvues de droit direct à pension de retraite (6), les jeunes veufs ou veuves avec enfants à charge et les conjoints survivants qui perçoivent une retraite personnelle de faible montant mais dont la pension de réversion est écrêtée en raison de l'application d'un plafond de ressources très sévère. Pour ces personnes, la MECSS suggère une revalorisation des pensions de réversion, en portant leur taux à 60 % - contre 54 % actuellement - ce, comme l'a annoncé le président de la République au début de son mandat (7). Cette mesure permettrait de « se rapprocher du taux de maintien du niveau de vie pour les veuves dénuées de ressources propres ou disposant de faibles ressources les plaçant sous le plafond d'éligibilité ». Son coût a été évalué par la CNAV à « à peine 200 millions d'euros par an à l'horizon 2010 », soit une augmentation - « somme toute limitée », estime la mission - de 2,1 % de l'enveloppe financière consacrée aux pensions de droits dérivés. Considérant les femmes ayant plusieurs enfants à charge comme l'une des catégories « les moins bien protégées contre les risques de précarisation liées au veuvage », les rapporteurs se prononcent en faveur de la création d'une allocation de base accordée, sous condition de ressources, aux femmes ayant au moins deux enfants à charge. Cumulable avec les prestations familiales, son montant serait « sensiblement » augmenté à partir du troisième enfant. A défaut d'une telle mesure, elle suggère le versement d'une pension de réversion d'orphelin dans le régime général, comme cela est déjà prévu dans la fonction publique.

Par ailleurs, estimant l'effondrement du taux de nuptialité prévisible (8), la MECSS estime que les autres formes de conjugalité devraient être prises en compte. Et propose d'étendre aux personnes ayant conclu un PACS depuis au moins cinq ans au jour du décès de l'assuré le bénéfice des pensions de réversion et de l'envisager pour les concubins avec enfants à charge.

Enfin, afin de favoriser l'activité professionnelle des seniors, les sénateurs proposent d'autoriser le cumul intégral (et non plus limité à 30 % du revenu d'activité) entre un revenu d'activité et une pension de réversion.

Notes

(1) Disponible sur www.senat.fr.

(2) Voir ASH n° 2323 du 5-09-03, p. 15 et n° 2428-2429 du 11-11-05, p. 27.

(3) L'ensemble des régimes de retraite a consacré près de 18 milliards d'euros au financement des pensions de réversion en 2005, dont près de 8 milliards pour le régime général. Sommes auxquelles il faut ajouter les droits de réversion des régimes de retraite complémentaire, de l'ordre de 5 milliards d'euros pour l'ARRCO et de 3 milliards d'euros pour l'AGIRC.

(4) Par souci de cohérence, le rapport souhaite que le gouvernement revienne sur sa décision de supprimer l'assurance veuvage, programmée au 1er janvier 2011. Il pourrait alors instaurer une allocation temporaire qui serait réservée aux jeunes veuves sans enfant ou ayant au plus un enfant à charge et autoriser son cumul avec les prestations familiales et les minima sociaux.

(5) Avant la réforme, le conjoint survivant devait justifier d'une durée de mariage de deux ans avec l'assuré décédé.

(6) Selon les estimations de la MECSS, environ un quart des allocataires de droits dérivés (soit près de un million de personnes), et pour l'essentiel des femmes, ne perçoivent que leur pension de réversion.

(7) En 1994, Simone Veil, alors ministre chargée des affaires sociales, avait déjà acté la revalorisation progressive du taux des pensions de réversion, de 52 % à 60 %. Aucune revalorisation n'est intervenue depuis 1995, date à laquelle le taux a été porté à 54 %.

(8) Le nombre de mariages est passé de 450 000 par an au début des années 70 à un ordre de grandeur allant de 250 000 à 300 000 aujourd'hui. Quant au taux de divorce, il est passé de 12 % à 45 % sur la même période.

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