Comme annoncé de longue date par Nicolas Sarkozy, c'est un gouvernement resserré, qui a été nommé le 18 mai. Outre François Fillon à Matignon, il comprend 15 ministres - soit le même nombre de ministères de plein exercice que le gouvernement Villepin, mais aucun ministre délégué, contre 15 auparavant. Quatre secrétaires d'Etat complètent l'équipe, que d'autres viendront rejoindre après les élections législatives des 10 et 17 juin. Avec sept femmes dans sa composition - dont deux occupant des ministères régaliens : Intérieur et Justice -, c'est aussi le gouvernement le plus paritaire jamais formé. Autre caractéristique, il comprend plusieurs personnalités venues de la gauche, dont Bernard Kouchner aux Affaires étrangères et européennes, d'ailleurs exclu du PS dès le 18 mai, Eric Besson, l'ancien expert économique du PS passé avec fracas dans l'autre camp au cours de la campagne électorale, au poste de secrétaire d'Etat à la prospective et à l'évaluation des politiques publiques, ou encore Martin Hirsch. L'ancien président d'Emmaüs-France, qui a démissionné de ses fonctions dès sa désignation, est chargé de la réforme de minima sociaux, avec le titre de Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, placé auprès du Premier ministre. Cette nomination est un signe d'une volonté de faire de la lutte contre l'exclusion une priorité et d'obtenir des « résultats » en la matière, a expliqué le Premier ministre lors de son premier déplacement officiel, symboliquement effectué dès le 18 mai dans un foyer d'accueil parisien pour mères isolées en grande difficulté géré par le Centre d'action sociale protestant.
Ce gouvernement se caractérise par un découpage inédit des champs d'action des différents ministères. Ainsi, en vue d'une « meilleure efficacité » en matière de lutte contre le chômage, l'Emploi quitte la sphère sociale et fait désormais attelage avec l'Economie et les Finances, ce qui met dans la main du titulaire du portefeuille, Jean-Louis Borloo, toutes les commandes, pour atteindre l'objectif d'un taux de chômage à 5 % à l'horizon 2012. Le Budget, en revanche, devient autonome sous la houlette d'Eric Woerth, et lui sont désormais rattachés la Fonction publique, de même que les Comptes publics. Lesquels comprennent les comptes sociaux, la sécurité sociale se voyant donc, c'est une innovation, séparée de la Santé, qui se retrouve, de façon inédite, associée à la Jeunesse et aux Sports. Troisième homme du pack « économique et social », Xavier Bertrand, chargé du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité. Il devrait, à ce poste, hériter de dossiers très sensibles : contrat de travail unique, heures supplémentaires, flexibilité et sécurisation des parcours professionnels, réformes des régimes spéciaux de retraite, service minimum dans les services publics... Les frontières entre les ministères de Jean-Louis Borloo, Xavier Bertrand et Eric Woerth sont toutefois encore imprécises et il faudra attendre les décrets d'attribution pour une clarification.
Ces textes seront également précieux pour déterminer clairement les contours du nouveau ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement, une création - très controversée - qu'avait annoncée le candidat Sarkozy lors de la campagne. Ce nouveau maroquin, à la tête duquel est placé Brice Hortefeux, devra regrouper des attributions jusque-là éclatées entre cinq ministères : Intérieur, Affaires étrangères, Cohésion sociale, Justice et même Economie et Finances.
Le texte relatif aux attributions de Christine Boutin a, quant à lui, déjà été présenté au conseil des ministres du 23 mai. Et l'on sait que la ministre du Logement et de la Ville hérite aussi de la lutte contre la précarité et l'exclusion.
Le premier conseil des ministres s'est tenu dès le 18 mai. L'occasion pour le nouveau président de la République d'afficher son intention d'aller très vite. « Nous ferons toutes les réformes en même temps, et non pas l'une derrière l'autre », a-t-il indiqué. Les ministres, qui devront rendre compte chaque année de leur action, devraient tous recevoir cette semaine leur lettre de mission, assortie d'objectifs « précis et quantifiés ». D'ores et déjà, plusieurs textes sont annoncés pour la session parlementaire extraordinaire de juillet. D'une part, deux projets de loi, déjà prêts, instaurant l'un les peines planchers pour les multirécidivistes et l'autre abaissant la majorité pénale à 16 ans pour les mineurs multirécidivistes. D'autre part, plusieurs textes relatifs au pouvoir d'achat, portant notamment sur la détaxation et la défiscalisation des heures supplémentaires, la suppression des droits de succession pour 95 % des Français, la déduction de l'impôt sur le revenu des intérêts d'emprunts pour financer l'achat de la résidence principale.
La physionomie du pôle économique et social du gouvernement n'est pas encore extrêmement précise, les trois ministres Jean-Louis Borloo, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique et Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, convoitant parfois les mêmes compétences.
Jean-Louis Borloo, 56 ans, l'avait en vain réclamé à Jacques Chirac. C'est Nicolas Sarkozy qui lui offre Bercy avec un périmètre redécoupé - amputé du budget de l'Etat mais élargi à l'emploi. Avec ce dernier, et l'industrie, les entreprises, l'artisanat, les professions libérales, le commerce extérieur - et peut-être le tourisme si Alain Juppé le lui cède -, l'ancien ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement estime désormais avoir tous les atouts en main pour mener à bien sa politique de lutte contre le chômage - dont il annoncera chaque mois les chiffres -, avec l'objectif du plein emploi à l'horizon 2012. La gestion des emplois aidés lui revient, de même que les allégements de charges. Pour ces derniers, Nicolas Sarkozy a fixé une ligne : ils iront en priorité aux entreprises qui augmentent les salaires, alors que les allégements dits « Fillon », dégressifs entre 1 et 1,6 SMIC, sont actuellement accordés uniformément à toutes les entreprises, avec un effet pervers de trappe à bas salaires. En matière salariale, le président de la République n'entend pas donner un coup de pouce au SMIC en juillet mais s'en tenir à l'augmentation automatique.
En matière d'emploi, ajoutons que François Fillon a indiqué le 23 mai que des mesures - gouvernementales et non législatives - seront prises dès cet été pour relancer l'emploi des jeunes dans les banlieues.
Jean-Louis Borloo, aux Finances, sera-t-il en charge de la législation fiscale ou celle-ci reviendra-t-elle à Eric Woerth ? La question n'est pas encore tranchée, et des ambiguïtés persistent sur leurs périmètres respectifs. Tous deux travailleront certainement ensemble à l'élaboration du « paquet fiscal » prévu pour cet été. Outre la déductibilité des intérêts d'emprunt pour l'achat de la résidence principale, l'instauration d'un « bouclier fiscal » à hauteur de 50 % des revenus (1), ou encore l'exonération des droits de succession pour 95 % des français (2), sont annoncées, entre autres, la défiscalisation et la détaxation des heures supplémentaires.
« Travailler plus pour gagner plus » était l'un des leitmotive de la campagne de Nicolas Sarkozy, qui, sans revenir sur les 35 heures comme durée légale du temps de travail, souhaite conjuguer, pour les ménages comme pour les entreprises, incitation au travail et allégement de la fiscalité. Il souhaite que les salariés puissent effectuer, sur la base du volontariat, des heures supplémentaires payées 25 % de plus que les heures normales et exonérées de charges sociales, salariales et patronales, et d'impôt sur le revenu. Le contour précis de ce dispositif n'est pas encore arrêté. L'exonération des cotisations sociales salariales pose question, notamment, car le manque à gagner pour la sécurité sociale devrait être compensé. Autre problème, la défiscalisation ne touchant ni les cadres au forfait, ni les salariés à temps partiel, qui ne font pas, au sens strict, d'heures supplémentaires mais complémentaires, la défiscalisation pourrait rompre le principe de l'égalité devant l'impôt. Sans compter que sa portée en matière d'augmentation du pouvoir d'achat et donc de relance de la croissance, est difficilement mesurable : les salariés voudront-ils travailler plus ? Les entreprises seront-elles disposées à leur donner cette possibilité ? Quoi qu'il en soit, Xavier Bertrand, qui gère les relations avec les partenaires sociaux, sera également associé au dossier.
Secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat dans le dernier gouvernement Raffarin, Eric Woerth, 51 ans, hérite lui aussi d'un large portefeuille, également redessiné. Il pilotera le Budget, devenu autonome, et arbitrera les grands équilibres des comptes sociaux, en association, évidemment, avec Xavier Bertrand, chargé des dossiers de l'assurance vieillesse, de la famille, des accidents du travail et de la prise en charge de la dépendance, et Roselyne Bachelot, qui veillera sur la santé publique et la gestion de l'assurance maladie et des hôpitaux. Le pilotage unifié des comptes publics et sociaux est jugé pertinent par les économistes qui y voient un gage d'efficacité de l'action publique. Bruxelles, en outre, pour apprécier le déficit et la dette publique prend en considération à la fois les comptes des administrations de l'Etat, des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale (3).
Le député de l'Oise et maire de Chantilly aura dans les semaines qui viennent un agenda chargé. Outre la préparation des mesures fiscales de l'été (voir page 26), lui incombe, avant le 1er juin, comme l'impose la LOLF, la présentation du projet de règlement sur l'exécution du budget 2006. Il va devoir aussi préparer le projet de loi de finances pour 2008 - les lettres plafonds devront être envoyées aux différents ministres avant la mi-juillet - et, en lien avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mais avant l'élaboration de ce texte, il devra certainement se pencher en urgence, avec la ministre de la Santé, sur la situation préoccupante des comptes de l'assurance maladie. Certes, depuis la réforme de 2004, le déficit de la branche maladie a été divisé par deux, passant de 12 à 6 milliards d'euros, mais les résultats ne sont pas suffisants et l'évolution des dépenses dépasse trop largement les 2,5 % d'augmentation fixés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Sans compter qu'en 2006, 1,2 milliard d'euros de plus que prévu avait été dépensé. Le comité d'alerte - qui devrait rendre son avis après les législatives - contraindra probablement les gestionnaires de l'assurance maladie et le gouvernement à présenter un plan de redressement dans un délai de un mois. Ce sera une première. Parmi les mesures envisagées, une baisse des remboursements des consultations hors parcours de soins ou de certains médicaments, un prélèvement anticipé de CSG et de CRDS sur les contrats d'assurance vie... ou l'instauration plus rapide que prévue d'une mesure phare et controversée de Nicolas Sarkozy : la création de quatre franchises annuelles sur les dépenses de médicaments, de consultations, d'analyses biologiques et de frais hospitaliers. Concrètement, les assurés ne seraient pas remboursés sur les « premiers euros » dépensés dans ces secteurs. Roselyne Bachelot a précisé le 21 mai, en réponse aux critiques de Martin Hirsch (voir encadré, page 30), que ce système tiendrait « pleinement compte des situations sociales dégradées ». Il n'empêche que nombre de professionnels de la santé voient dans ces franchises une remise en cause pas forcément à la hauteur des enjeux financiers du système solidaire de la sécurité sociale.
Autre casquette d'Eric Woerth, la tutelle de la fonction publique. Son association avec celle des comptes publics ne manque pas d'inquiéter la plupart des organisations syndicales (4), Lors de sa première prise de contact avec ces dernières, cette semaine, le ministre s'est cependant voulu rassurant, expliquant qu'il défendrait « une vision humaine et non comptable ». Rappelons que Nicolas Sarkozy s'est engagé à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (5), en redistribuant parallèlement aux agents la moitié des économies réalisées sur la baisse des effectifs.
Xavier Bertrand, 42 ans, l'un des porte-parole du candidat UMP pendant la campagne, retrouve une partie des attributions qui étaient les siennes dans le gouvernement Villepin jusqu'en mars. Au titre de la « solidarité », il aura la responsabilité des politiques menées en direction des familles, des personnes âgées, des personnes handicapées et plus généralement en matière de dépendance. Mais dans l'immédiat, ce sont les relations sociales et le droit du travail qui vont l'accaparer. Ce fin négociateur, cheville ouvrière de la loi sur l'assurance maladie de 2004, hérite en effet des dossiers « chauds » : service minimum dans les transports publics, réforme des régimes spéciaux de retraite, contrat de travail unique, flexibilité et sécurisation des parcours professionnels, refonte du service public de l'emploi, représentativité syndicale...
Le 25 mai, Nicolas Sarkozy devait recevoir officiellement les organisations syndicales et patronales pour mettre en place la méthodologie et le calendrier des conférences sociales tripartites prévues à la rentrée sous l'égide de Xavier Bertrand.
Elles porteront sur :
la démocratie sociale. Le président de la République souhaite que soient discutées dans ce domaine les questions du financement des syndicats, de leur représentativité, de la liberté de présentation au premier tour des élections professionnelles, du vote à bulletin secret pour la poursuite d'une grève après 8 jours... ;
les conditions de travail ;
l'égalité salariale entre hommes et femmes, que le ministre souhaite effective dans 2 ans ;
la « flexisécurité ». Ce chantier, dans l'esprit de Nicolas Sarkozy, comprend plusieurs réformes. La création d'un « contrat de travail unique plus souple pour les entreprises », remplaçant à la fois les CDI et les CDD, en est une. Assorti, pour les salariés, de droits sociaux proportionnels à l'ancienneté, il sécuriserait juridiquement et financièrement le licenciement pour l'employeur. Le chef de l'Etat souhaite également l'instauration d'une « sécurisation des parcours professionnels » (6). Concrètement, dans son projet, il s'est engagé à ce que tous les demandeurs d'emploi soient indemnisés (contre la moitié aujourd'hui) et à ce que les allocations soient revalorisées au minimum au niveau du SMIC et, pour les licenciés économiques, dont le contrat de travail serait transféré au service public de l'emploi, à hauteur de 90 % du revenu antérieur, le temps de trouver un nouvel emploi ou de suivre une formation qualifiante (7). En contrepartie, les devoirs des chômeurs seraient renforcés : ils ne devraient pas refuser plus de deux emplois « sans justification », sous peine de voir leur indemnisation réduite ou supprimée. Corollaire de ce schéma, l'ANPE et l'Unedic devraient être fusionnées pour un service public de l'emploi « beaucoup plus réactif, plus efficace, plus exigeant », fusion à laquelle les organisations patronales et syndicales sont opposées.
Sur l'ensemble de ces sujets, les partenaires sociaux devront faire connaître leur intention d'engager une négociation et le délai qu'elles estiment nécessaire pour la conduire. Sur le contrat de travail unique, François Fillon a cependant fixé la fin de l'année comme date butoir. Si les négociations n'aboutissent pas, le législateur pourra intervenir, en vertu de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007. Lors de ses premières rencontres avec les organisations syndicales et patronales, Nicolas Sarkozy a toutefois joué l'apaisement, affirmant sa volonté de ne pas passer en force.
Xavier Bertrand devra également mettre à profit sa bonne connaissance de la question des retraites - il a été rapporteur de la loi Fillon à l'Assemblée nationale - car il a dans sa feuille de route la mission de réformer les régimes spéciaux (SNCF, EDF-GDF, RATP...), laissés de côté en 2003, et de les aligner sur le régime général. Une réforme à haut risque social, mais qui permettrait, dans l'esprit du chef de l'Etat, de revaloriser de 25 % le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) (8), qui s'est substituée au minimum vieillesse, et de 5 % le montant des « petites » retraites.
Dans le régime général, 2008 sera une année cruciale, puisqu'aura lieu le premier rendez-vous de révision des paramètres de la réforme de 2003. Les partenaires sociaux devront notamment se prononcer sur l'allongement ou non de la durée d'assurance cotisée requise pour obtenir une pension de retraite à taux plein.
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy entend assouplir encore, dès cet été, le dispositif du cumul emploi-retraite, pourtant récemment modifié (9), et autoriser « le plein cumul entre une retraite et un emploi », afin d'« inciter les seniors à conserver une activité le plus longtemps possible ».
Pour des dossiers aussi lourds, et pour seconder Xavier Bertrand qui les connaît bien mais qui devra mener en parallèle de multiples chantiers, il faut étoffer l'équipe. C'est ce que réclament en substance depuis le 18 mai la plupart des acteurs associatifs de ces secteurs, qui estiment qu'un ou plusieurs secrétaires d'Etat dédiés seront indispensables.
Pour affronter l'augmentation attendue du nombre de personnes âgées dépendantes - la population des plus de 75 ans sera multipliée par 2,5 d'ici à 2040 et une personne de 80 ans sur 10 en moyenne est dépendante -, le candidat UMP a maintes fois affirmé sa volonté de créer une cinquième branche de protection sociale. Elle aurait pour objectifs de garantir à chacun le libre choix entre le maintien à domicile et l'hébergement en maison de retraite et de résorber les inégalités entre les départements. Cogérée par les partenaires sociaux, l'Etat et les conseils généraux, elle serait chargée de la mise en oeuvre d'une politique globale, mettant notamment l'accent sur le maintien à domicile, la remise à niveau des établissements médico-sociaux, le développement des alternatives entre le maintien à domicile et la maison de retraite, et l'appui aux familles. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'élargir le champ de compétences et les pouvoirs de la caisse nationale de solidarité pour autonomie (CNSA). Laquelle, a expliqué le candidat Sarkozy à l'APAJH au cours de la campagne, « bénéficiera des ressources propres nécessaires à sa mission, soit par affectation d'une partie de la CSG, soit par affectation d'une partie des cotisations sociales, soit même par la création d'un autre impôt, mais en aucun cas en augmentant le niveau général des prélèvements obligatoires » (10). L'effort individuel - par exemple par la transformation d'un capital en rente ou par l'instauration d'une couverture complémentaire dépendance - devrait en outre être encouragé, de même que les solidarités familiales. Nicolas Sarkozy veut par exemple créer un « congé de solidarité familiale » rémunéré pour s'occuper d'un proche en fin de vie, le congé de soutien familial instauré par la dernière loi de financement de la sécurité sociale n'étant assorti d'aucune compensation financière (11).
En matière de handicap, Nicolas Sarkozy a fait plusieurs annonces pendant la campagne. Il souhaite ainsi réévaluer le montant de l'allocation aux adultes handicapés de 25 %. Ou encore rendre opposables devant les tribunaux les droits à l'accès aux transports et aux bâtiments publics, au logement adapté... Il entend créer rapidement les places d'accueil nécessaires pour pouvoir accueillir les personnes lourdement handicapées et allouer des droits sociaux aux personnes qui arrêtent de travailler pour s'occuper d'un proche handicapé. Au-delà de ces nouveaux chantiers, Xavier Bertrand devra veiller à la poursuite de la parution des décrets d'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. On attend par exemple ceux relatifs à la formation des aidants familiaux, aux conditions à remplir pour l'emploi de membres de la famille par le biais de l'élément « aides humaines » de la prestation de compensation du handicap, l'accessibilité des locaux de travail et des sites Internet... Il incombera par ailleurs au nouveau gouvernement de tenir les engagements pris dans le cadre du plan pour l'emploi des personnes handicapées lancé en novembre 2006 (12).
Les pistes tracées par le chef de l'Etat sont nombreuses. Nicolas Sarkozy souhaite ainsi étendre, sous conditions de ressources, le bénéfice des allocations familiales aux familles avec un enfant, garantir, étendre et revaloriser les droits à la protection sociale et à la retraite des parents qui se consacrent exclusivement à l'éducation de leurs enfants, donner un droit spécifique à une formation professionnelle qualifiante de un an à ceux qui veulent reprendre une activité après avoir élevé leur progéniture.
Autre cheval de bataille, faciliter la vie quotidienne des actifs, en particulier des femmes, pour leur permettre de concilier plus facilement vie familiale et vie professionnelle. Le président de la République entend demander aux entreprises et administrations d'organiser chaque année des négociations avec les institutions représentatives du personnel sur la conciliation des temps. Opposé à la constitution d'un service public de la petite enfance, il entend cependant que le droit de trouver un mode de garde, quel qu'il soit, pour tout enfant de moins de 3 ans puisse devenir opposable devant les tribunaux. Une allocation unique pour la garde des jeunes enfants, dont les familles pourraient définir librement l'usage (payer une place en crèche, recruter une assistante maternelle, rémunérer celui des deux parents qui arrête de travailler), pourrait être instaurée.
Sur le plan du droit, enfin, Nicolas Sarkozy envisage la création d'une union civile pour les couples homosexuels, qui ouvrirait les mêmes droits et les mêmes devoirs que le mariage, à l'exception de la filiation et de l'adoption. Un statut du beau-parent, applicable dans les familles homoparentales et recomposées, est également à l'étude (13).
Ajoutons que l'on ne sait pas si la conférence de la famille, qui a lieu traditionnellement au début de l'été, et qui devait être consacrée cette année aux temps périscolaires et extrascolaires, se tiendra effectivement.
C'est une association inédite que celle de ces deux domaines de compétences. Mais cette nouvelle union consomme la rupture de la Santé et de la Sécurité sociale, qui avaient été réunies sous la houlette de Jean-François Mattéi en 2002. La députée européenne Roselyne Bachelot, 60 ans, docteur en pharmacie, devra donc partager la tutelle de l'assurance maladie avec le ministère des Comptes publics, qui détiendra les cordons de la bourse (voir page 27). De quoi faire craindre à certains syndicats de médecins que les problèmes budgétaires ne l'emportent sur les préoccupations sanitaires.
Cette proche de François Fillon se voit assigner comme tâche prioritaire de mener « une grande concertation sur les missions de l'hôpital », comme l'a indiqué le 22 mai, lors d'un déplacement au centre hospitalier de Dunkerque, Nicolas Sarkozy, qui a promis pendant la campagne une réforme des hôpitaux publics. Malgré le plan hôpital 2012, feuille de route pour les 5 ans à venir présentée en février, les deux tiers d'entre eux - les trois quarts des CHU - seront déficitaires cette année. Au cours du même déplacement, le Président de la République a en outre annoncé qu'il souhaitait doubler le nombre des unités de soins palliatifs
Chargée de la politique de santé publique, Roselyne Bachelot devra notamment donner « à la prévention de vraies ambitions » - le triplement des moyens qui lui sont consacrés est envisagé au cours de la prochaine mandature - et développer l'information sur les bonnes pratiques préventives, mettre en oeuvre le « plan Alzheimer » annoncé par le chef de l'Etat et construit sur le modèle du « plan cancer », poursuivre le déploiement de dernier, de même que celui de consacrer à la psychiatrie et à la santé mentale pour la période 2006-2010, qui se caractérise par un programme massif d'investissements.
Quant aux soins psychiatriques sans consentement, retirés de la loi sur la prévention de la délinquance, puis réintroduits dans le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé, lui-même finalement censuré par le Conseil constitutionnel, Nicolas Sarkozy s'est engagé à proposer au Parlement dès l'ouverture de la session d'automne un projet de loi les réformant.
Autre engagement du Président de la République, aller plus loin que la convention AERAS du juillet 2006, qui, par un mécanisme de mutualisation permettant de limiter le poids des surprimes d'assurance, améliore l'accès au crédit et à l'emprunt des personnes présentant un risque de santé aggravé. La loi du 31 janvier 2007 est venue pérenniser ce dispositif en le sécurisant (14). Mais le nouveau chef de l'Etat propose la mise en place d'un cautionnement public permettant « aux personnes qui sont ou ont été malades d'emprunter au même coût que les autres ».
Dans un tout autre domaine, Roselyne Bachelot devrait être à la manoeuvre pour faire avancer le dossier du service civique obligatoire pour les jeunes annoncé par Nicolas Sarkozy.
Christine Boutin, 63 ans, s'est fait connaître avec ses prises de position contre le PACS ou l'avortement, mais aussi en faveur de la création d'un « dividende universel » - un revenu d'environ 300 € par mois, versé sans condition de la naissance à la mort (15) - ou encore de la réhabilitation des prisons. Elle hérite aujourd'hui, au-delà du Logement et de la Ville, des politiques de lutte contre la précarité et l'exclusion.
Sa priorité au ministère, comme elle l'a expliqué dès le premier jour, « sera que la loi du droit au logement opposable devienne effective dans le pays », ajoutant qu'elle essaierait de donner au texte adopté le 22 février dernier (16) « une dimension plus sociale avec le souci du plus fragile ». Une seconde loi devrait être mise en chantier, précisant notamment la répartition des responsabilités entre l'Etat et les collectivités locales, assez confuse dans le premier texte.
Outre le suivi des projet de rénovation urbaine des banlieues en difficulté, la pénurie de logements sera bien sûr au coeur des préoccupations de la ministre. Le chef de l'Etat a, à cet égard, promis la construction de 700 000 logements en 5 ans. L'urgence est notamment à la construction de logements sociaux. Les programmes immobiliers nouveaux lancés dans des territoires comptant un faible nombre de HLM devraient se voir imposer un quota en la matière. Un prêt foncier à taux zéro dans les zones où les terrains sont les plus chers devrait en outre être instauré.
Christine Boutin aura également sur sa feuille de route le développement de l'accession à la propriété - y compris pour les locataires de logements sociaux (17) -, cheval de bataille de Nicolas Sarkozy, qui a évoqué dans sa campagne, outre l'instauration de la déduction fiscale des intérêts d'emprunt pour l'achat de la résidence principale, l'idée d'un cautionnement public pour l'achat d'un logement. Par ailleurs, il souhaite faciliter la location en supprimant l'obligation de caution et de dépôt de garantie, à remplacer par une garantie publique plus complète que les actuels dispositifs.
Elle est fréquemment présentée comme la « révélation » de la campagne. Rachida Dati, 41 ans, était l'une des deux porte-parole, avec Xavier Bertrand, du candidat UMP, après avoir été à plusieurs reprises, entre 2002 et 2006, sa conseillère technique chargée de la préparation du projet de loi sur la prévention de la délinquance lors des passages de Nicolas Sarkozy place Bauveau. L'histoire retiendra qu'elle est la première personnalité issue de l'immigration maghrébine à accéder à un ministère régalien.
Elle arrive à la tête du ministère de la Justice dans un climat tendu. Les magistrats, corps auquel elle appartient, n'ont en effet pas apprécié les attaques fréquentes de l'ancien ministre de l'Intérieur contre leur prétendu « laxisme » et ses incursions répétées dans un domaine qui n'était pas de sa responsabilité, la politique pénale. Autre grief de leur part, la tournure prise par la réforme de la justice consécutive à l'affaire d'Outreau. Promise par le gouvernement Raffarin dès 2004, elle a finalement abouti début 2007 à un texte peu ambitieux, très critiqué et d'ailleurs censuré par le Conseil constitutionnel.
Il reviendra à cette proche de Nicolas Sarkozy de faire voter dès cet été deux mesures répressives dont le président a fait une priorité - les projets de loi sont déjà prêts - mais dont l'accueil s'annonce réservé dans le monde judiciaire. Première d'entre elles, la suppression de l'excuse de minorité pour les mineurs récidivistes de plus de 16 ans ayant commis des actes violents. Concrètement, ils comparaîtraient devant les tribunaux correctionnels ordinaires - réputés être plus sévères que les juges des enfants - et s'exposeraient à des peines plus lourdes. Plusieurs embûches menacent ce texte, s'il est adopté : une décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002 protège cette « excuse de minorité », sans compter que sa suppression pourrait contrevenir à la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée en 1989 et signée par la France. Deuxième réforme attendue en juillet, l'instauration de peines planchers pour les récidivistes en cas de crimes et délits passibles d'au moins 10 ans de prison. Ces planchers pourraient être fixés à 50 % de la peine maximale à la deuxième infraction, 75 % à la troisième et 100 % à la quatrième. Nicolas Sarkozy avait déjà plaidé, depuis la place Bauveau, pour cette mesure mais les deux précédents gardes des Sceaux s'y étaient opposés. Là encore, le risque d'inconstitutionnalité est sérieux, car cette réforme contreviendrait au principe de la personnalisation de la peine.
Ces deux mesures constituent une première étape. Ont également été évoquées par le candidat UMP la refonte de la carte judiciaire, la suppression des juges des libertés et leur remplacement par des juridictions collégiales statuant sur la mise ou le maintien en détention provisoire, ou encore la séparation de la justice des mineurs victimes de celle des mineurs délinquants. La création d'hôpitaux-prisons pour les délinquants souffrant de troubles mentaux est aussi à l'ordre du jour, peut-être dès juillet. Lors du débat qui l'a opposé à Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy s'est en outre engagé à ce qu'aucun délinquant sexuel ne sorte de prison « sans la garantie qu'il se soumette à un traitement médical et qu'il pointe au commissariat ».
Parmi les autres chantiers importants, la préparation du budget pour 2008, un enjeu stratégique étant donné son manque de moyens criant. A plus long terme, le nouveau gouvernement doit s'atteler à la préparation et à la publication des textes d'application de la loi réformant la protection juridique des majeurs, qui doit entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2009 (18). Quant à l'aide juridictionnelle, la « conférence de consensus » annoncée par le précédent garde des Sceaux, Pascal Clément, pour la mi-mars, n'a pas eu lieu. Le dispositif, rappelons-le, a été aménagé dans le cadre de la loi du 19 février dernier portant réforme de l'assurance de protection juridique (19), qui étend le champ de l'aide juridictionnelle à de nouvelles missions d'assistance, modifie ses conditions d'accès et envisage des moyens de financements complémentaires. Mais au-delà, c'est une réforme en profondeur du dispositif qu'attendent de longue date les avocats et les associations oeuvrant dans le domaine de l'accès au droit.
« Ami de 30 ans » de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux, 48 ans, se voit attribuer un ministère créé de toutes pièces, qui devrait regrouper l'ensemble des services qui s'occupent des étrangers, tout en mettant en avant la nécessité du codéveloppement pour maîtriser les flux migratoires. L'idée d'un ministère qui regrouperait « toutes les administrations responsables de ce dossier » avait été évoquée pour la première fois par Nicolas Sarkozy en décembre 2006. La création par Dominique de Villepin, il y a 2 ans, du comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) en était déjà une préfiguration. Jusqu'à présent, les compétences sont réparties entre quatre ministères : pour l'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dépend du ministère des Affaires étrangères, qui gère également la délivrance des visas ; l'accueil et la nationalité relèvent de la Cohésion sociale ; les titres de séjour dépendent de la direction des libertés publiques du ministère de l'Intérieur, lui-même tutelle de la police aux frontières ; et les mariages avec des ressortissants étrangers sont sous l'égide de la chancellerie. S'y ajoute, à Bercy, l'agence qui gère les budgets du développement. Dans un premier temps, seul le CICI devrait se voir transféré à ce ministère. Les différents services devraient rester rattachés à leur administration d'origine, et il ne sera sans doute pas aisé d'harmoniser leur action et d'impulser une culture commune.
Outre la structure du ministère, son intitulé pose question. L'introduction du terme « identité nationale », notamment, fait polémique. Le collectif « Uni(e)s contre une immigration jetable », qui rassemble la plupart des associations oeuvrant en faveur des étrangers (Cimade, GISTI, Anafé...), estime ainsi qu'« en investissant l'Etat du pouvoir de définir l'identité nationale et de veiller à son intégrité, [Nicolas Sarkozy] le détourne de sa mission républicaine qui lui impose de garantir les droits de tous les résidents, quelle que soit leur nationalité ». Huit historiens ont par ailleurs démissionné des instances officielles de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, qui doit ouvrir ses portes à Paris cette année, pour protester contre l'instauration « inacceptable » d'un tel ministère. France terre d'asile, de son côté, met en garde : le codéveloppement « ne peut s'inscrire dans une logique sécuritaire de fermeture des frontières, il n'a pas pour vocation la maîtrise des flux migratoires ».
L'ancien ministre délégué aux collectivités territoriales s'inscrira dans la lignée des positions défendues de longue date par le président de la République. Il mettra en premier lieu en musique l'antienne « l'immigration choisie plutôt que subie » et agira en faveur d'un rééquilibrage de l'immigration régulière au profit de l'immigration de travail. Il entend d'ailleurs rencontrer très vite les responsables des secteurs confrontés aux difficultés de recrutement, tels que le bâtiment ou les services à la personne. Nicolas Sarkozy lui demandera en outre de développer une politique destinée à attirer les étrangers les plus qualifiés et de multiplier avec les pays d'origine les traités de codéveloppement et d'immigration concertée. Le président de la République entend en outre mettre en place des « objectifs chiffrés » par catégories d'arrivants : immigration économique, regroupement familial... Dès la session parlementaire de juillet, les conditions de ce dernier devraient d'ailleurs encore être durcies, après l'avoir déjà été par la loi de juillet 2006 relative à l'immigration (20). Un premier apprentissage de la langue française devrait notamment être exigé des rejoignants préalablement à leur arrivée.
En matière d'immigration irrégulière, il n'y aura pas, a confirmé Brice Hortefeux, de vague de régularisations, mais les examens au cas par cas seront poursuivis. Il devra, en la matière, compter avec la mobilisation croissante en faveur des familles sans papiers d'enfants scolarisés, emmenée par le Réseau éducation sans frontières. Le ministre entend cependant, d'une façon générale, se montrer « très ferme » sur les reconduites à la frontière, visant l'objectif de 25 000 cette année.
A l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, 60 ans, récupère un ministère amputé de l'ensemble des questions relatives à l'immigration (voir ci-contre) mais élargi à l'Outre-mer, qui perd son ministère dédié.
A ce poste, outre la lutte contre le terrorisme et le rapprochement des services de renseignements ou encore la préparation d'une loi d'orientation et de programmation pour la police, axée sur les moyens matériels, l'ancienne ministre de la Défense aura parmi ses priorités la lutte contre les violences aux personnes, dont la hausse a été très sensible ces dernières années, de même que la lutte contre la délinquance des mineurs. Elle devra notamment veiller à l'application de la loi sur la prévention de la délinquance adoptée en février (21).
Traditionnellement réunis, l'Education nationale et l'Enseignement supérieur sont désormais séparés, ce qui a amené des commentaires balancés de la part des organisations syndicales, qui se posent la question de la coordination et de la cohérence des politiques qui seront menées et expriment dans le même temps leur satisfaction de voir créés deux ministères de plein exercice.
Xavier Darcos, 59 ans, est un fin connaisseur des arcanes de l'Education nationale, pour en avoir gravi tous les échelons, de simple professeur à inspecteur général, avant de devenir ministre délégué à l'enseignement scolaire de 2002 à 2004, sous la tutelle de Luc Ferry, avec lequel la cohabitation fut plus que tendue.
Chargé début 2007 par Nicolas Sarkozy de formuler des propositions sur la revalorisation des conditions de travail, du statut et du revenu des enseignants, le maire de Périgueux et sénateur de la Dordogne aura la mission d'apaiser ces derniers, qui ont eu, sous l'ère Robien, plusieurs motifs de courroux. Le dernier en date, peut-être le plus vif, concerne un récent décret portant sur les réductions de décharges horaire des enseignants et la suppression de plus de 3 000 postes à la rentrée scolaire, dont les syndicats demandent l'abrogation immédiate.
Au nombre des priorités de Xavier Darcos, figure également l'une des mesures phares du projet présidentiel de Nicolas Sarkozy : la suppression par étapes de la carte scolaire, à remplacer par une « obligation de mixité sociale, géographique et scolaire des effectifs » pour les établissements. Le ministre a d'ailleurs l'intention d'aller vite, proposant d'« assouplir » dès septembre « de l'ordre de 10 à 20 % des affectations qui sont concernées par cette carte », avant la mise en place d'un « nouveau système » en 2008. Autres chantiers, l'instauration d'études dirigées dans tous les établissements, une promesse présidentielle, mais aussi la relance des ZEP. L'une de ses premières sorties a d'ailleurs été réservée à l'un des collèges « ambition réussite » lancés par son prédécesseur.
En matière d'intégration scolaire des enfants handicapés, qui, on s'en souvient, avait fait l'objet d'une spectaculaire passe d'armes entre les deux candidats du second tour de l'élection présidentielle lors de leur débat télévisé, le ministre devra avant tout, en collaboration avec le ministère de Xavier Bertrand, se consacrer au développement des moyens. Le gouvernement précédent s'était engagé à recruter 2 000 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires pour la rentrée 2007 et à former les 5 000 auxiliaires déjà embauchés. Il faut ajouter à ces chiffres environ 4 200 emplois de vie scolaire chargés de l'aide à la scolarisation des enfants handicapés. Pour mémoire, 160 000 enfants étaient scolarisés, selon le ministère, dans un établissement « ordinaire » à la rentrée 2006, contre 90 000 en 2002.
Valérie Pecresse, députée des Yvelines et conseillère régionale d'Ile-de-France, s'était fait reconnaître comme une spécialiste de l'enfance et de la famille. Elle avait notamment été en 2005, rapporteure de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant de l'Assemblée nationale (22), dont plusieurs propositions ont été reprises dans la loi sur la protection de l'enfance de février dernier. Mais c'est finalement à elle que revient de mettre en oeuvre le projet de Nicolas Sarkozy pour les universités : l'autonomie sur la base du volontariat, c'est-à-dire une liberté accrue de gestion des budgets et des personnels, de définition des programmes, de gestion du patrimoine immobilier, de gouvernance... Une loi est annoncée dès cet été.
La benjamine du gouvernement, 39 ans, devra aussi s'atteler à la refonte du système d'orientation, et trancher sur de délicates questions comme la sélection des étudiants à l'entrée de l'Université et l'augmentation modulée des frais d'inscription. Le président de la République s'est en effet prononcé pour une hausse de ces droits pour les non-boursiers, tout en souhaitant parallèlement une augmentation des bourses d'études. Plus généralement, au-delà de la défiscalisation du travail étudiant qui fera partie du « pack fiscal » de juillet, il entend veiller à l'amélioration de la « condition étudiante », dont plusieurs rapports ont souligné la précarité. Les carences en matière de logements dédiés, notamment, sont criants. Et l'accès des étudiants à la santé, souvent limité pour des raisons financières. Un chèque santé pour faciliter leur adhésion à une mutuelle a d'ailleurs été promis par Nicolas Sarkozy.
François FIllon, Premier ministre
Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables
Jean-Louis Borloo, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales
Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes
Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement
Rachida Dati, garde des Sceaux, ministre de la Justice
Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité
Xavier Darcos, ministre de l'Education nationale
Valérie Pecresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
Hervé Morin, ministre de la Défense
Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports
Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville
Christine Lagarde, ministre de l'Agriculture et de la Pêche
Christine Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, porte-parole du gouvernement
Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique
Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, auprès du Premier ministre
Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, auprès du Premier ministre
Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, auprès du ministre d'Etat, ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, auprès du ministre des Affaires étrangères et européennes
Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, auprès du Premier ministre
« J'ai trop bataillé pour convaincre qu'il fallait une réforme des minima sociaux n'opposant plus solidarité et travail pour me défiler quand il s'agit de la mettre en oeuvre. » C'est ainsi que Martin Hirsch, 43 ans, homme de gauche à sensibilité deloriste et jusqu'au 18 mai président d'Emmaüs France, a justifié, dans une interview parue dans Le Monde daté du 20 mai sa participation au gouvernement Fillon. De fait, à la tête de la commission « familles, vulnérabilité, pauvreté », ce conseiller d'Etat avait remis en avril 2005 à Philippe Douste-Blazy, alors ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, un rapport remarqué, La nouvelle équation sociale, au possible nous sommes tenus (23), préconisant l'instauration d'un « revenu de solidarité active » (RSA). Cette nouvelle prestation devait intégrer, plaidait-il, tous les minima sociaux et les aides fiscales pour faire en sorte que chaque heure travaillée se traduise par une diminution des prestations inférieure au gain entraîné par le retour à l'emploi. Il a d'ailleurs créé en janvier 2006, notamment avec le rapporteur de cette commission, Etienne Grass, inspecteur général des affaires sociales, l'Agence nouvelle des solidarités actives, pour concevoir et mettre en oeuvre des programmes d'expérimentation, en s'inspirant prioritairement des résolutions du rapport et bien sûr, sa mesure phare, la mise en place du RSA. Il y a un an, lors du comité interministériel de lutte contre l'exclusion, Dominique de Villepin a confié à l'agence le soin de piloter des expérimentations locales de nouveaux modes d'intéressement pour les bénéficiaires du RMI. La loi de finances pour 2007 leur a donné une assise légale, et une quinzaine de départements se sont lancés dans le programme ou sont sur le point de le faire.
Avec ses nouvelles fonctions, Martin Hirsch va pouvoir passer à la vitesse supérieure. Un projet de loi permettant d'élargir les possibilités d'expérimentation est annoncé pour cette année (24). « La réforme à laquelle je m'attelle touchera à la fois les allocataires des minima sociaux et les travailleurs pauvres. Elle vise à donner à ces publics un véritable emploi et un salaire, afin qu'ils sortent de la pauvreté. Il n'est pas question de leur proposer des activités d'intérêt général, mal rétribuées et peu gratifiantes », commente-t-il dans Le Monde, ajoutant que « le président et le gouvernement ont [...] conscience que la réforme dont j'ai la charge nécessite un effort budgétaire substantiel ».
Directement rattaché au Premier ministre, Martin Hirsch, malgré son titre inhabituel, est un membre
du gouvernement - où il retrouvera d'ailleurs l'homme qui avait été à l'origine de son entrée en politique, Bernard Kouchner, dont il était devenu en 1997 le directeur de cabinet au secrétariat d'Etat à la Santé. Il siégera au conseil des ministres quand des sujets de sa compétence seront abordés. Il a cependant déjà failli à la solidarité gouvernementale en se déclarant dans un premier temps hostile aux franchises sur les soins prévues par Nicolas Sarkozy, avant de se dire « rassuré » par les explications de Roselyne Bachelot sur la prise en compte de la situation des personnes les plus précaires. Un premier « couac » qui illustre la position - intenable ? - qu'il a choisie. Il revendique en effet un engagement non partisan, expliquant au Monde que son titre le place davantage « dans la position d'un haut fonctionnaire ou d'une autorité administrative que d'un responsable politique », ce qui lui « permet d'être moins impliqué que les autres membres du gouvernement dans les choix politiques qui seront effectués en dehors de [son] champ d'attributions ».
(1) Il s'agit de plafonner l'imposition directe des personnes (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, taxe foncière, taxe d'habitation, mais aussi contribution sociale généralisée [CSG] et contribution au remboursement de la dette sociale [CRDS]) à 50 % de leurs revenus. Ce plafond est actuellement de 60 % mais la CSG et la CRDS ne sont pas incluses dans les impositions prises en compte.
(2) D'après l'Observa-toire français des conjonctures économiques, seules 34 % des successions sont actuellement taxées. Nicolas Sarkozy envisage aussi de pérenniser une mesure qu'il avait prise en août 2004 visant à exonérer de droits de mutation pour les dons (jusqu'à 30 000 € ) des parents et des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants.
(3) Dans ce domaine, le gouvernement prévoit une pause dans la baisse du déficit et une progression des dépenses publiques de 1,8 % par an, et non plus 0,8 % comme inscrit dans le programme de stabilité transmis à Bruxelles. La réduction de la dette publique sous la barre des 60 % de PIB ne devrait ainsi intervenir qu'en 2012, alors que la France l'avait promise en 2010.
(4) La CGC a toutefois relevé que « toutes les négociations de ces dernières années ont souvent échoué du fait des résistances, pour ne pas dire des refus, du Budget de financer les mesures contenues dans les projets d'accord ».
(5) 85 000 départs en retraite sont attendus en 2007.
(6) Sur ce sujet, un rapport du Conseil d'orientation de l'emploi est en voie d'achèvement et un avis du Conseil économique et social sera présenté le 29 mai. C'est aussi, aux côtés du service public de l'emploi et de la réforme du contrat de travail, l'un des thèmes de la délibération sociale lancée fin 2006 à l'initiative du Medef.
(7) Ce qui correspondrait pour eux à une généralisation du contrat de transition professionnelle, actuellement expérimenté dans 7 bassins d'emploi.
(10) Sur ce sujet, voir la position de la Fédération hospitalière de France, ce numéro, p. 39.
(11) Voir ASH n° 2495 du 23-02-07, p. 29.
(13) Evoqué par le dernier rapport de la défenseure des enfants, Dominique Versini - Voir ASH n° 2480 du 24-11-06, p. 9.
(15) Une proposition qui figure dans son rapport sur le thème « Pour sortir de l'isolement, un nouveau projet de société », rédigé en 2003 - Voir ASH n° 2327 du 3-10-03, p. 7.
(17) Nicolas Sarkozy souhaite que 40 000 logements sociaux soient vendus chaque année à leurs occupants.
(21) Voir ASH n ° 2506 du 4-05-07, p. 15.
(24) Rappelons qu'une proposition de loi, initiée par la sénatrice (UDF) du Nord Valérie Létard, sur la réforme des minima sociaux a été adoptée le 23 janvier dernier en première lecture au Sénat. Elle vise à pallier la désincitation au retour à l'emploi pour les bénéficiaires de ces allocations en attribuant les droits connexes en fonction non pas du statut mais des ressources propres des intéressés - Voir ASH n° 2491 du 26-01-07, p. 6.