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Une aide psychologique pour les personnes âgées en souffrance

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Dans le Val-de-Marne, un dispositif d'aide psychologique, destiné à venir en soutien à des personnes âgées fragilisées, s'insère depuis 2005 dans le plan d'aide proposé au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie. Couplé à une allocation départementale d'aide psychologique, il s'impose comme un chaînon manquant du maintien à domicile.

Un des effets majeurs de la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en 2002, a été de permettre la rencontre entre une population âgée dépendante et des travailleurs sociaux. « Rien que dans notre département, 17 000 personnes âgées ont été visitées, souligne Claire Peyru, responsable de l'équipe médico-sociale du conseil général du Val-de-Marne (1). Ce mouvement a permis de découvrir des personnes jusque-là peu connues des services sociaux, qui vivaient souvent dans un grand isolement et une grande souffrance psychologique, et restaient confinées au domicile sans réponse possible. » Mais il a aussi mis dans l'embarras les travailleurs sociaux totalement démunis face à cette détresse. « Beaucoup de ces personnes étaient sous antidépresseurs, certaines sous le coup du décès de leur conjoint, d'autres ne parvenaient pas à accepter leur perte d'autonomie. Nous avions à leur fournir des réponses matérielles, financières, médicales, mais rien qui se rapportait à du soutien psychologique », témoigne Valérie Zelioli, monitrice-éducatrice qui a rejoint les travailleurs sociaux de l'équipe APA.

D'où la réflexion lancée dès 2003 afin de répondre à cette souffrance par un groupe de travailleurs sociaux et un médecin du service APA, en association avec des psychologues libéraux. Elle aboutit en juin 2005 à la création du dispositif départemental d'aide psychologique pour les bénéficiaires de l'APA à domicile. « C'est en fait la création d'une aide extra-légale. Nous avons fait valider par les élus la possibilité d'inscrire à l'intérieur du plan d'aide APA un soutien psychologique accordé au domicile des usagers. Ce service est financé soit par le plan d'aide de l'APA, si l'enveloppe n'est pas déjà saturée par d'autres prestations, soit par l'allocation départementale d'aide psychologique, l'Adapsy, qui peut prendre le relais pour les personnes aux revenus les plus modestes », explique Claire Peyru (voir encadré ci-dessous).

L'aide permet aux demandeurs d'APA nécessitant un soutien passager ou durable de bénéficier de la visite d'un psychologue selon un plan pouvant aller jusqu'à quatre entretiens par mois sur une durée de six mois renouvelable. La personne âgée qui accepte le principe de cette aide prend rendez-vous elle-même avec un des professionnels libéraux qui lui sont alors indiqués. Ensuite, comme dans une relation psychothérapeutique ordinaire, elle s'acquitte du montant de l'entretien, le psychologue lui remettant en échange un reçu autorisant le remboursement au titre de l'APA ou de l'Adapsy.

L'information sur l'existence du dispositif est assurée par la trentaine de travailleurs sociaux du service APA lors des évaluations qu'ils sont amenés à pratiquer au domicile des personnes âgées. « A cette occasion, nous abordons des questions très intimes qui réveillent de nombreuses souffrances. Quand l'angoisse exprimée est forte, nous parlons de l'existence du dispositif, de son financement, et nous suggérons à la personne de tenter quelques consultations. A charge pour elle de donner suite ou pas à cette recommandation », commente Valérie Zelioli. Une plaquette de présentation de la prestation d'aide psychologique est laissée aux intéressés. Certaines situations critiques telles que la solitude, l'anxiété, la perte d'un proche, les maladies invalidantes, dans lesquelles les personnes âgées peuvent se reconnaître, y sont décrites, ainsi que les modalités pratiques pour se faire aider par un professionnel. A tout moment, le bénéficiaire potentiel de l'aide peut ouvrir son droit en saisissant un travailleur social référent ou en contactant un des psychologues qui lui ont été recommandés. « Mais certaines personnes demandent à ce que l'aide psychologique figure tout de suite dans leur plan d'aide APA, après que leurs priorités sociales et médico-sociales ont été évoquées. Parfois, il faut même commencer par cela, faute de quoi la personne ira toujours aussi mal et sera toujours aussi dépendante », assure Valérie Zelioli.

Pour parvenir à proposer cette prestation à un public peu familiarisé avec la relation psychothérapeutique, n'adressant bien souvent qu'une demande d'aide implicite, les particularités du travail auprès de personnes très âgées et dépendantes ont dû être définies dès l'origine du projet. « Pour beaucoup d'entre elles, c'est la première fois qu'est abordé directement leur ressenti lié, par exemple, à une perte d'autonomie brutale ou à une maladie invalidante. On sait que 80 % des personnes atteintes de maladies comme Parkinson sont déprimées au sens pathologique du terme. Pour elles, s'entendre reconnaître cette détresse correspond à l'effondrement d'une digue », explique Mireille Houard, gérontologue et médecin territorial au service Personnes âgées du conseil général du Val-de-Marne.

Un protocole spécifique

Préconisée à un premier niveau pour enrayer les risques d'aggravation de la dépendance liés aux épisodes d'anxiété ou aux états dépressifs chroniques, l'aide psychologique permet également, selon Mireille Houard, de remédier à la large sous-estimation de la prévalence des états dépressifs chez les personnes âgées, « trop souvent confondus en médecine générale avec le vieillissement normal. En ce sens, il s'agit d'une illustration de la définition de la santé donnée par l'Organisation mondiale de la santé d'un bien-être physique, psychique et social. Nous travaillons sur ce triple registre médico-psycho-social, et jusque-là il manquait le chaînon du bien-être psychique. »

L'intervention de psychologues à domicile a nécessité l'élaboration d'un protocole spécifique en raison du cadre inhabituel de l'entretien. La réflexion engagée avec un groupe de professionnels libéraux dès l'origine du projet a abouti à une charte des bonnes pratiques. Centrée sur la demande du sujet âgé et ses enjeux, elle constitue « un engagement éthique et déontologique du psychologue libéral » en situation de partenariat avec une collectivité locale. « Dès le premier entretien avec un usager du dispositif, nous posons le cadre du travail qui va être conduit, c'est-à-dire une démarche de soutien et non d'analyse, précise Daniel Bernstein, psychologue clinicien libéral. La personne nous reçoit chez elle, dans son propre environnement, et elle conserve la possibilité de mettre fin au soutien à tout moment. Elle se trouve en fait dans une situation de client qui signe un chèque à la fin de la séance et maîtrise toujours la poursuite du processus. »

Le fait pour l'usager de payer la consultation - même si celle-ci lui est remboursée après coup par l'Adapsy ou par l'APA - est une règle incontournable du dispositif. Ce maintien de la relation psychothérapeutique supprime toute analogie avec une simple prestation d'accompagnement social. « Au milieu de la pluralité des aides faites aux personnes âgées, nous restons des thérapeutes. On sait bien que ces personnes sont en perte d'estime, et que l'existence d'entretiens centrés sur elles leur permet d'évacuer leurs souffrances, de les restituer dans un autre espace. Par exemple, la question de la mort, qu'elles ne peuvent que très difficilement aborder avec leurs proches et qui ne rencontre que du déni, revient en permanence. Beaucoup d'entre elles vont aussi parler des aidants, puisqu'elles dépendent d'eux », souligne Daniel Bernstein.

L'attitude des personnes âgées face à ces entretiens bat en brèche bien des clichés. Si certaines d'entre elles mettent fin aux relations avec le psychologue dès que les premières visites des auxiliaires de vie prévues au titre de l'APA leur procurent un sentiment de réconfort, les accompagnements peuvent s'installer sur la durée, prouvant qu'aucun fossé culturel ne sépare le public âgé d'un travail psychothérapeutique. Selon l'équipe médico-sociale, les deux tiers des usagers du dispositif n'avaient jamais rencontré auparavant de psychologue, et la moitié auraient un âge compris entre 80 et 99 ans. A peine observe-t-on chez eux une réticence à reconnaître le besoin d'un soutien « en psy ». « On s'est aperçu dans un questionnaire de satisfaction que les usagers avaient du mal à se poser comme demandeurs d'une aide psychologique. La demande restait pour eux à l'initiative du travailleur social ou des proches, même s'ils revendiquaient de nombreuses raisons pour accepter qu'un professionnel vienne les visiter. En fait, il a fallu qu'ils prennent eux-mêmes contact avec le psychologue et qu'au terme du premier entretien celui-ci leur demande s'ils souhaitaient continuer pour qu'ils s'approprient la demande », commente Mireille Houard.

Après une montée en puissance progressive, le temps notamment que l'ensemble des travailleurs sociaux s'imprègne de cette nouvelle possibilité pour les bénéficiaires de l'APA, un premier bilan arrêté en 2006 montre que le principe d'un accompagnement médico-psycho-social s'est assez facilement imposé. Au terme de cette première année, 76 personnes avaient demandé l'aide psychologique dans leur plan APA, la moitié d'entre elles avait rencontré un psychologue tandis que l'autre moitié attendait encore de franchir le pas, et près de 200 entretiens à domicile avaient été dispensés. Des chiffres à mettre en relation avec une estimation de 5 % des personnes dépendantes, classées en GIR 1 à 4, susceptibles d'avoir besoin de l'aide psychologique et de l'accepter, soit environ 200 personnes dans le département.

Après cette phase d'expérimentation perçue comme « encourageante », chacun des acteurs du dispositif s'accorde sur la nécessité de renforcer l'articulation et la coordination avec les médecins traitants et la filière psychiatrique départementale. « L'idée est de repérer les situations de vie risquant de conduire à une aggravation de la dépendance d'une personne âgée, comme la perte d'un proche qui peut installer les conditions d'un deuil potentiellement pathologique, et d'être en mesure de lui proposer rapidement un soutien. Si les personnes se voient accorder la possibilité d'un recours au psychologue dans ces moments de grande vulnérabilité, cette intervention peut avoir un rôle préventif majeur », explique la responsable du service médico-social, qui n'écarte pas l'idée d'un accompagnement à l'entrée en institution quand le maintien à domicile a touché ses limites.

La pérennisation du dispositif d'aide psychologique ainsi que son évolution ont été inscrites dans le second schéma départemental gérontologique du Val-de-Marne pour 2006-2010. Intégrant désormais la proposition d'aide psychologique à la panoplie ordinaire des prestations délivrées dans le cadre de l'APA, l'équipe affiche désormais l'ambition de « montrer que ce dispositif est aussi nécessaire que l'aide ménagère à domicile ou le portage des repas ».

L'Adapsy, un soutien financier indispensable

L'intervention de psychologues libéraux à domicile rend possible une prestation d'aide psychologique auprès d'un large public de personnes âgées, mais elle a un coût. Chaque consultation revient à 50 € (2). Dans des accompagnements nécessitant un entretien hebdomadaire, l'ardoise peut donc se révéler très lourde pour l'usager. L'allocation départementale d'aide psychologique (Adapsy) permet à la personne âgée d'être remboursée à la fin du mois du montant des séances qu'elle a dû avancer. Il reste que cette allocation n'est pas accordée de manière automatique. A l'heure actuelle, peuvent bénéficier de l'Adapsy les personnes dont les ressources ne dépassent pas 1 000 € par mois. Un seuil jugé à l'expérience trop bas et qui interdit aux personnes appartenant à des tranches de revenus immédiatement supérieures de recourir à l'aide psychologique. Une réflexion est actuellement engagée sur les modalités d'un aménagement de ce seuil.

Notes

(1) Conseil général du Val-de-Marne - Pôle prévention et action sociale : 13/15, rue Gustave-Eiffel - 94000 Créteil - Tél. 01 43 99 75 75.

(2) Soit 40 € pour l'entretien et 10 € pour le déplacement.

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