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La CNIL confirme son opposition à la création d'un fichier national « ethno-racial »

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Comment mesurer les discriminations, pour mieux les combattre, tout en respectant la protection des données personnelles et les libertés individuelles ? Après un premier avis émis en juillet 2005, dans lequel elle recommandait aux employeurs de ne pas recueillir de données relatives à l'origine raciale ou ethnique des salariés, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a réalisé une soixantaine d'auditions de novembre 2006 à février 2007 pour approfondir le sujet, au coeur d'un vif débat politique et scientifique (1). Il en ressort un rapport présenté le 15 mai et comportant dix recommandations (2), au travers desquelles elle réaffirme son opposition à des statistiques ethno-raciales, mais suggère de développer la recherche et les études en la matière, sous certaines conditions.

Souhaitant en préalable que le gisement de données existant puisse être utilisé, la commission estime que les bases de données statistiques publiques et les fichiers de gestion (de personnel, d'élèves, d'étudiants...) doivent être plus largement ouverts au monde de la recherche, dès lors que cet accès garantit la protection des données et l'anonymat des personnes. Sous réserve de précautions méthodologiques, elle considère que les questions sur la nationalité et le lieu de naissance des parents peuvent être intégrées dans les enquêtes adossées au recensement ou pour le recensement lui-même, ou encore dans des enquêtes réalisées auprès d'entreprises et d'administrations, à condition que ces dernières s'inscrivent dans le cadre d'un programme national de lutte contre les discriminations. En revanche, faute de pouvoir garantir les conditions nécessaires pour éviter les dérives, elle juge que l'intégration dans les fichiers de gestion des administrations de données sur l'ascendance des personnes n'est pas envisageable.

Outre ces possibilités, restreintes, de recueillir des données sur les personnes elles-mêmes, la CNIL estime que des études sur le « ressenti » des discriminations, « incluant le recueil de données sur l'apparence physique des personnes », pourraient être réalisées avec « des précautions méthodologiques très rigoureuses » et dans le cadre de la statistique publique. Si l'utilisation des noms et prénoms à des fins de classement dans des catégories « ethno-raciales » n'est à ses yeux pas pertinente et comporte des risques de stigmatisation, elle pourrait toutefois servir, encore une fois dans une certaine limite, pour détecter d'éventuelles pratiques discriminatoires.

De façon générale, la CNIL recommande à tout organisme qui souhaiterait mesurer la diversité en son sein de recourir à une expertise extérieure indépendante qui soit également « un tiers de confiance ». Les personnes concernées par une enquête devraient être mieux informées des objectifs poursuivis, des conditions de réalisation de l'enquête et du caractère facultatif de celle-ci et de leurs droits d'opposition, d'accès et de rectification, recommande-t-elle. Les pouvoirs publics devraient quant à eux encourager un recours plus systématique aux techniques de chiffrement et d'anonymisation pour garantir la confidentialité et l'anonymat.

Au-delà, une modification législative est-elle nécessaire pour garantir une meilleure protection des données sensibles ? Aujourd'hui, le traitement de telles données est interdit, sauf avec l'autorisation de la CNIL ou avec le consentement exprès des personnes. Dans un souci d'harmonisation des régimes de formalités applicables au traitement des données sensibles à des fins de recherche, la CNIL suggère de réformer la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 afin de « prévoir un régime d'autorisation identique à celui qui existe déjà pour les fichiers de recherche médicale ».

Enfin, compte tenu de tous les risques évoqués pendant les auditions et les débats, la commission refuse en l'état la création d'un référentiel national « ethno-racial » et estime que « la décision de principe de créer une telle nomenclature, si elle devait être utilisée, de façon obligatoire, en particulier pour les statistiques publiques et pour le recensement, appartiendrait au législateur sous le contrôle du Conseil constitutionnel ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2498 du 16-03-07, p. 35.

(2) « Mesure de la diversité et protection des données personnelles » - Anne Debet, rapporteur - Disp. sur www.cnil.fr.

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