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Un audit prône le maintien de l'AME tout en proposant une réforme de son financement

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L'aide médicale d'Etat (AME), qui permet un accès gratuit aux soins pour près de 200 000 étrangers en situation irrégulière (1), ne constitue pas une source d'abus majeure et doit être maintenue pour des raisons de santé publique. Pour autant, « l'efficience » du dispositif doit être améliorée et l'Etat doit absolument payer les dettes qu'il a accumulées envers l'assurance maladie, gestionnaire de la prestation. Tels sont les principaux enseignements du rapport rendu par les inspections générales des finances et des affaires sociales (2), qui répondaient à une commande du gouvernement faite dans le cadre de la cinquième vague d'audits de modernisation, toujours dans l'idée d'amener l'Etat à « dépenser mieux » (3).

Des dépenses importantes mais justifiées

L'AME est financée au moyen de crédits budgétaires à hauteur de 258 millions d'euros en moyenne chaque année depuis 2000, indique le rapport. 89 % de la dépense annuelle de cette enveloppe est plus précisément consacrée à l'AME de droit commun, le reste servant à financer des dispositifs de moindre importance comme la procédure dite de « soins urgents ». Problème : depuis 2000, la dépense facturée par la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) pour l'AME de droit commun excède régulièrement et de manière significative la dotation budgétaire de l'Etat. D'où l'existence d'une dette importante. Les experts jugent à cet égard assez sévèrement les politiques conduites à l'égard de l'AME par les gouvernements successifs.

Ainsi, dès sa création par le gouvernement Jospin, « l'AME a souffert [...] de l'écart entre un coût prévisionnel sous-estimé qui a servi à déterminer les inscriptions de crédits en lois de finances et la dépense facturée par la caisse nationale d'assurance maladie », constate le rapport, mettant en cause par ailleurs la pertinence des réformes engagées depuis 2002, qui ont visé à maîtriser la hausse des dépenses en freinant le nombre de bénéficiaires par un durcissement des conditions d'accès à l'AME. Avec l'idée sous-jacente que la prestation faisait l'objet d'un certain nombre de fraudes et était mal gérée. Pour les inspecteurs, non seulement les réformes entreprises - incomplètes pour certaines (4) - n'ont de toutes façons pas permis de maîtriser la hausse des dépenses, mais en plus, les dépenses de la caisse nationale d'assurance maladie correspondent « à des soins effectivement dispensés à des personnes répondant aux conditions d'éligibilité à l'AME ». Les experts soulignent à cet égard la « gestion rigoureuse de la prestation » par l'assurance maladie, qui « limite les possibilités de fraude ». Ils remarquent également que « la hausse de la dépense est avant tout due à celle du nombre de bénéficiaires » et que « la dépense moyenne par bénéficiaire reste contenue ». Elle reste en effet assez proche de celle d'un assuré social : entre 1 800 € et 2 300 € pour les bénéficiaires de l'AME contre un peu moins de 1 800 € pour un assuré du régime général. L'écart s'explique principalement par un recours plus prononcé à l'hôpital public, du fait notamment des « refus de soins fréquents » des médecins libéraux, de la surreprésentation de certaines pathologies infectieuses comme le VIH, la tuberculose ou l'hépatite C.

Des pistes pour améliorer l'efficacité du dispositif

La priorité, selon les experts, est évidemment de régler la question de la dette passée. « Elle s'élève à environ 800 millions d'euros au 30 septembre et devrait atteindre plus de 900 millions d'euros fin 2006 », indiquent-ils. En prenant l'hypothèse d'un nombre stable d'étrangers irréguliers, le rythme annuel de la dépense devrait, en outre, avoisiner 500 millions d'euros dont 450 millions d'euros pour l'AME de droit commun, soit un déficit annuel d'un peu plus de 250 millions d'euros par rapport au niveau actuel de financement. Pour les inspecteurs, il conviendra également d'éviter la constitution d'une dette future, soit par une mobilisation de crédits budgétaires, soit par l'affectation d'une recette fiscale de l'Etat à la CNAM. C'est à ce prix qu'il sera possible de procéder à l'amélioration d'un dispositif qui, s'il n'est pas parfait, doit être maintenu car il permet de « prévenir les problèmes de santé publique qui pourraient découler d'un défaut de prise en charge » des personnes en situation irrégulière. Le rapport écarte à cet égard toute idée de restriction de l'AME aux seuls soins urgents ou à un panier de soins qui serait à définir, ainsi que la mise en place d'un ticket modérateur, « qui se heurterait à des obstacles pratiques difficilement surmontables ». « Sa mise en oeuvre reposerait en effet sur les professionnels de santé, qui ne seraient remboursés que du seul solde dû par l'Etat. » « Or il s'agit d'une population précaire ne disposant pas toujours d'une adresse stable et dont la solvabilité est faible. Le risque que ces montants ne puissent être récupérés est donc important », indiquent les inspecteurs qui plaident en revanche, « sous réserve d'expertise approfondie », pour la création d'une carte spécifique « AME » permettant la transmission informatique des données par les professionnels de santé aux caisses primaires d'assurance maladie. « Cette carte sécuriserait le dispositif tout en facilitant l'accès à la médecine de ville des bénéficiaires de l'AME. »

Par ailleurs, conscients du fait que « la clandestinité des bénéficiaires et le caractère invérifiable de leurs ressources rendent inapplicables le parcours de soins et les contraintes qu'il impose aux patients », les rapporteurs proposent néanmoins, pour améliorer l'efficacité du dispositif, un rapprochement des devoirs des bénéficiaires de l'AME de ceux des assurés sociaux en limitant l'accès direct aux médecins spécialistes et en pénalisant le refus de médicaments génériques.

Toujours à propos du futur de la prestation, les experts plaident pour une affiliation à l'AME de tous les mineurs, sans condition de résidence en France, pour aller dans le sens de l'arrêt rendu le 7 juin 2006 par le Conseil d'Etat (5). Cette option - qui nécessite une modification législative - entraînerait l'abandon du système d'ayants droit et la mise en place d'attestations individuelles.

Enfin, jugeant « peu efficace » le pilotage actuel du dispositif par l'Etat « du fait de l'absence de direction exerçant pleinement le rôle de chef de file », le rapport préconise la confirmation de la direction de la sécurité sociale comme pilote du dispositif, en tant qu'« interlocuteur naturel » de la CNAM.

Notes

(1) L'AME permet plus précisément d'offrir une couverture sociale aux étrangers dont les ressources n'excèdent pas le plafond requis pour bénéficier de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire et qui résident en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois sans remplir la condition de régularité du séjour, nécessaire pour bénéficier de la CMU. Elle peut également être versée, pour mémoire, aux personnes, qui, présentes sur le territoire français, n'y ont cependant pas leur résidence et dont l'état de santé justifie une prise en charge médicale, ainsi qu'aux personnes gardées à vue en France, qu'elles y résident ou non, lorsque leur état de santé le justifie.

(2) « Rapport sur la gestion de l'aide médicale d'Etat - Mission d'audit de modernisation » - N° 2006-M-085-02 et RM2007-026P - Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales - Mai 2007 - Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

(3) Voir ASH n° 2474 du 20-10-06, p. 13.

(4) L'introduction d'un ticket modérateur, prévue par la loi de finances rectificative pour 2002 et qui devait permettre de limiter la consommation des soins des bénéficiaires de l'AME, n'a pas abouti, le décret d'application n'ayant jamais été publié sous la pression des associations (voir ASH n° 2303 du 21-03-03, p. 9). Quant aux textes réglementaires d'application de la loi de finances rectificative pour 2003 créant les soins urgents et conditionnant l'accès de l'AME à une présence ininterrompue d'au moins trois mois en France (voir ASH n° 2418 du 26-08-05, p. 15), ils ont bien été promulgués mais tardivement - avec comme conséquence une application de la loi variable sur le territoire national - et certains ne sont pas encore mis en oeuvre. Par exemple, il n'existe pas encore d'attestation uniformisée comportant la photo du bénéficiaire.

(5) Voir ASH n° 2462 du 30-06-06, p. 15.

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