Le financement de la réforme de la qualification des directeurs d'établissements et services sociaux et médico-sociaux pourra-t-il aboutir à un consensus ? Après la publication du décret du 19 février 2007 (1), qui porte le niveau moyen de formation des directeurs au niveau II et définit les conditions d'exercice nécessaires pour qu'une qualification de niveau I soit requise, une estimation de l'impact de ces mesures avait été demandée aux représentants des employeurs.
Le 9 mai dernier, face à la faiblesse des remontées d'information et aux différences de critères d'analyse, la DGAS (direction générale de l'action sociale) a tenu à fixer sa méthode en présence des représentants des employeurs et des salariés. Deux commissions techniques, planchant l'une sur le recueil des informations à partir d'un cahier des charges commun à l'ensemble des partenaires, l'autre sur les pistes de l'accompagnement financier nécessaire à l'effort de qualification, se réuniront selon un calendrier qui devrait s'étaler jusqu'en décembre 2007 ou janvier 2008. Plusieurs scénarios sont d'ores et déjà envisagés pour éviter aux fonds de formation de supporter seuls l'obligation de qualification : un renforcement des moyens de la formation par une augmentation de la participation des employeurs ou la mutualisation des ressources entre les associations sous forme de contrats d'objectifs et de moyens, cette dernière option ayant la faveur de la DGAS.
Pour l'heure, bon nombre d'acteurs s'étonnent du manque d'avancée des travaux, alors que le décret sur la qualification des directeurs s'impose aux employeurs depuis sa parution au Journal officiel, le 21 février dernier. « Certains représentants des fédérations d'employeurs ou de branches font de la rétention d'information et attendent de voir ce que l'Etat est prêt à donner », estime Laurent Viglieno, président de l'ADC-ENSP (Association des directeurs certifiés de l'Ecole nationale de la santé publique) (2). De fait, la FEHAP, seule syndicat d'employeurs avec la Fegapei à s'être engagée dans un chiffrage « partiel » de ses besoins de formation, estime que plus de 1 000 directeurs sur ses 2 500 établissements sociaux et médico-sociaux adhérents nécessiteront d'être formés dans les prochaines années. « Il est temps de parler du financement, s'alarme Manuel Pélissié, son directeur de la formation. Nous avons nos additions, mais il est probable que Bercy aura ses soustractions. Dans la mesure où les directeurs recrutés à un niveau inférieur au seuil requis disposent d'un délai de sept ans pour se former, et ceux en poste d'un délai de dix ans, le but est de nous permettre de lisser les coûts. » D'autant que l'équation financière est à plusieurs inconnues. L'absence de visibilité ne porte pas seulement sur les directeurs en activité, mais aussi sur les départs en retraite massifs qui vont avoir lieu dans les prochaines années, et leur remplacement via des recrutements extérieurs ou la promotion interne. Pour Annie Léculée, présidente (CGT) d'Unifaf, l'organisme paritaire collecteur agréé de la branche associative sanitaire, médico-sociale et sociale, les précisions apportées par l'administration avec la circulaire du 30 avril dernier sont claires (voir ce numéro, page 9). « En évoquant l'obligation de qualifier, elle induit une obligation de reclasser dans des grilles salariales correspondantes », défend-elle. Selon elle, l'avenir de la réforme se jouera alors dans les modalités des délégations que vont opérer les associations. « Dans la mesure où l'obligation de qualification au niveau I dépend du respect de quatre critères de délégation [mise en oeuvre du projet d'établissement, gestion des ressources humaines, gestion budgétaire, coordination extérieure], il suffit qu'une association multi-établissements centralise sa gestion pour que ses nouveaux directeurs soient recrutés à un niveau inférieur. »
D'où une certaine suspicion vis-à-vis des financeurs de la formation. « Seront-ils neutres, ou vont-ils tenter d'influencer les stratégies de management des associations en rappelant que les enveloppes de formation sont limitées ? Autrement dit, l'esprit du décret sera-t-il respecté ? », se demande Jean-Marie Laurent, président de la Fnades (Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux) (3), qui se déclare prêt à faire remonter les témoignages des directeurs sur le site Internet de la fédération.
La question du financement de la formation, mais aussi de l'offre disponible et de ses modalités pratiques de mise en oeuvre, sont également au coeur des inquiétudes de l'Afradess (Association française des directeurs d'établissements sanitaires et sociaux privés à but non lucratif) (4). Comment envisager des absences longues et fréquentes du directeur dans une petite structure ? Dans quelle mesure l'obligation de qualification sera-t-elle opposable à l'employeur ? Quelles seront les voies de recours pour un professionnel dont l'employeur ne souhaitera pas ou ne pourra pas matériellement l'autoriser à s'engager dans un processus de formation ? Telles sont quelques-unes des questions posées par l'association, qui s'interroge aussi sur le niveau initial requis pour accéder à la validation des acquis de l'expérience ou à la formation professionnelle continue. Quelque 5 000 directeurs en poste ne possèdent aujourd'hui pas le titre requis par le décret, estime l'Afradess, qui réclame des assurances pour que les directeurs non qualifiés ne risquent pas à terme de perdre leur emploi. Sachant, ajoute-t-elle, qu'aucun employeur ne prendra alors le risque d'employer ces salariés non qualifiés qu'ils devront envoyer immédiatement en formation avec des implications en termes d'organisation.
(2) ADC-ENSP : Collectif Saint-Simon - 128, route de Saint-Simon - 31081 Toulouse cedex - Tél. 05 61 19 24 48.
(3) Fnades : 25, rue des 36-Ponts - 31400 Toulouse - Tél. 05 61 14 89 78.
(4) Afradess-siège social : Les Papillons blancs - 2, rue de la Charité - BP 2258 - 68068 Mulhouse cedex - Tél. 03 89 32 74 41.