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Médecins du monde construit un accompagnement social avec les squatters

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Soucieux de favoriser l'accès aux droits sanitaires et sociaux des populations vivant dans les squats, Médecins du monde a monté une permanence médico-sociale dans l'un d'eux, à Paris, où se côtoient artistes et habitants du quartier. Pour assurer le lien entre les squatters et les dispositifs sociaux, l'équipe s'appuie sur une forte dynamique communautaire.

Derrière la lourde porte du 6 de la rue Saint-Maur, un immeuble comme un autre du XIe arrondissement de Paris, c'est l'effervescence. Dans cette ruche aux parois « graffées », chacun s'active. Alors que les uns briquent le lieu, les autres préparent le vernissage d'une exposition qui se tiendra dans quelques heures, ou encore accueillent des personnes, de tous âges, venues pour une séance de yoga, une initiation à l'informatique, un cours de peinture ou autre. Jusque-là, rien de très étonnant. Ce qui l'est davantage c'est que ce centre culturel, alias « La Petite Roquette », est d'abord un squat, qui bénéficie d'une tolérance temporaire (voir encadré ci-contre). Ici, 20 % des espaces sont réservés à l'habitation, le reste étant dédié aux activités qu'organisent diverses associations. Quant au public, les portes lui sont ouvertes du mardi au samedi de 14 heures à 22 heures. Mais plus surprenante encore est la présence régulière d'une équipe de Médecins du monde. Depuis janvier 2006, l'association humanitaire tient le mercredi après-midi une permanence médico-psycho-sociale. Objectif : favoriser l'accès aux droits et aux soins des personnes gravitant dans le milieu des squats, des jeunes en errance, des personnes sans domicile et autres exclus, et « réduire les risques sanitaires et sociaux ». Toutes activités confondues, en 2006, plus de 15 000 personnes ont fréquenté le lieu.

L'installation de Médecins du monde à La Petite Roquette ne s'est pas faite du jour au lendemain. C'est par le biais de la réduction des risques liés aux usages de drogues (RdR) promue par l'association en milieu festif que la jonction s'est opérée. « En 2002, une enquête a révélé que de 5 à 10 % des gens que nous rencontrions étaient sans habitat fixe : jeunes errants, personnes vivant dans les parcs, mais aussi squatters. De plus, les squats redevenaient un lieu de prédilection pour les fêtes techno », explique Roberto Bianco-Levrin, coordinateur de la mission « rave et squat » Paris et Ile-de-France (1) Médecins du monde se met donc à intervenir en squat avec un dispositif de réduction des risques. « Les squatters nous ont alors interpellés, soulignant qu'ils étaient confrontés, directement ou non, à d'autres problématiques d'ordre psycho-socio-sanitaire. » Après moult débats sur le projet associatif de Médecins du monde, des échanges avec des squats d'Ile-de-France, puis le concours d'anciens squatters dans une dynamique artistique, le projet prend forme. « Ce mariage avec une ONG, ce «gros machin avec des médecins», n'avait rien d'évident. Le lien s'est fait parce qu'ils nous avaient vus à l'oeuvre dans des actions de proximité et une logique de santé communautaire », analyse le coordinateur.

Pour autant, les débuts de la permanence ont été laborieux. « Il a fallu tisser la confiance et investir le lieu petit à petit », témoigne Yaëlle Dauriol, éducatrice spécialisée. « Au départ, aucun résident ne venait. On nous a observés, testés. Une fois que les squatters ont compris que nous savions être réactifs et que nous n'étions pas dans le jugement, ils se sont tournés vers nous. On n'imaginait pas d'ailleurs l'immensité des problèmes de certains. » Le bouche-à-oreille, notamment de squat à squat, l'implication des « résidents » et du voisinage, les liens avec les professionnels d'autres structures ont fait le reste. Chaque mercredi donc, de nombreux squatters et sans-abri viennent désormais consulter un médecin, échanger avec un infirmier psychiatrique ou rencontrer un travailleur social. « La couverture maladie universelle [CMU], le revenu minimum d'insertion [RMI], les domiciliations administratives, les régularisations sont les demandes les plus fréquentes. On procède par étapes afin de ne pas noyer les personnes sous les démarches au risque de les faire fuir », assure Clémentine Evezard, assistante sociale en formation, qui termine son stage de troisième année à Médecins du monde. Néanmoins, le principe est de ne pas faire à leur place. « On est dans l'accompagnement, pas dans la prise en charge. On détaille la logique des démarches et ce que cela entraîne concrètement de ne pas les faire pour chacun. De même, comme l'objectif est de remettre ces personnes dans le droit commun, nous leur en rappelons les règles et faisons le lien entre eux et les travailleurs sociaux », souligne Yaëlle Dauriol.

Personne n'est cependant obligé d'avoir une demande ou un projet pour venir à la permanence, très ouverte puisque, entre les entretiens, l'équipe se retrouve dans les espaces collectifs du squat (cuisine, cour...). « Notre travail est de faire émerger la demande, mais s'il n'y en a pas, on peut l'entendre aussi », observe l'éducatrice. « Les gens viennent avec une problématique diluée. Progressivement, un lien se tisse et on peut travailler sur quelque chose de plus intime », complète Roberto Bianco-Levrin. L'informel est, à cette fin, très développé. Non seulement l'équipe est présente en dehors des horaires de la permanence, partageant des temps de vie du squat (conseil de maison hebdomadaire, repas, événements...), mais de nombreux bénévoles de la mission assurent un lien par une présence quasi permanente. « Cette immersion favorise les échanges et c'est au cours de rencontres informelles que des demandes plus spécifiques peuvent être émises par les différents visiteurs du lieu », résume Médecins du monde.

Lorsqu'un usager formule une demande, celle-ci est discutée en équipe et travaillée en profondeur avec lui pour éviter l'échec. Ainsi, illustre Yaëlle Dauriol, « dans le cas d'une personne souhaitant faire une post-cure, il faut en général réaliser une série de démarches préalables (adresse administrative, carte d'identité, RMI, CMU...). Or, souvent, la personne voit alors resurgir un contentieux (amendes, factures...) et est prête à arrêter le processus. Il convient donc de bien travailler l'idée qu'un projet de soin, c'est aussi un projet de vie, que ce qui se joue dans l'instant aura des répercussions. Sans pour autant acculer la personne à se soigner. » La notion de temps est un élément clé de l'accompagnement des squatters. Il faut accepter de ne rien bousculer, quitte à ne pas les voir revenir. « On respecte leur temps pour pouvoir travailler. Si la personne ne vient pas, on ne se formalise pas, on ne le lui fait pas remarquer. Et si elle revient deux ou trois mois plus tard, on reprend la conversation normalement », assure Roberto Bianco-Levrin. De même, souligne l'éducatrice, « il faut accepter de vivre à leur rythme, notamment en s'adaptant à leurs horaires, décalés, puisqu'ils sont plutôt actifs la nuit. C'est une réalité à faire également comprendre à nos partenaires. »

Les travailleurs sociaux se rendent, de surcroît, dans d'autres squats de Paris et de sa banlieue. « Notre façon de procéder, que ce soit pour une permanence ou un passage, a toujours été d'être conviés par les acteurs concernés et non de s'inviter comme opérateur sanitaire », insiste le coordinateur. « Sur place, on regarde les conditions dans lesquelles les squatters - souvent très jeunes - vivent, on relève les demandes qu'ils peuvent avoir, on oriente vers la permanence, on crée du lien. On peut aussi apporter du matériel de RdR », détaille Clémentine Evezard. Les travailleurs sociaux font remplir un questionnaire, élaboré avec les squatters, qui permet de repérer leurs éventuels besoins et sert d'outil de discussion. Balayant un champ large : ressources, logement et confort, suivi social, état de santé, usage de produits, besoins exprimés, compétences, projets personnels..., il s'adresse en fait à toute personne vivant en habitat précaire en milieu urbain (rue, friche, sous-sol, véhicule abandonné...). Selon Médecins du monde, son efficacité n'est plus à prouver : « Ce questionnement et la qualité d'écoute des intervenants sont à l'origine de nombreuses démarches personnelles de réinscription sociale pour les personnes squatteuses ou sans habitat. » L'objectif de ce recueil de données est aussi à terme de favoriser une réflexion sur les obstacles auxquels sont confrontés les exclus comme les partenaires associatifs et les dispositifs sociaux, pour développer de nouvelles approches.

Le travail mené auprès des squatters interroge les pratiques des travailleurs sociaux. « On est en décalage par rapport à ce qu'on a appris. Déjà, l'approche est différente puisque nous allons sur le lieu de vie des gens, et que nous le perturbons », souligne Clémentine Evezard. Pour Adélaïde Bachelier, également assistante sociale en formation qui achève son stage de troisième année à Médecins du monde, « nous sommes aussi davantage amenées à remettre des distances, à reposer le cadre. La mission «squat» travaille dans une telle proximité avec les populations que la posture professionnelle est parfois plus difficile à tenir. Cette proximité facilite beaucoup de choses, elle n'est pas gênante en soi, mais elle appelle un questionnement plus fréquent. » Autre réflexion : que penser d'une intervention dans des lieux « à la limite de la légalité » ? « Au départ, ça m'inquiétait un peu, mais, en fait, la Petite Roquette appartient au ministère des Finances, des procédures sont en route, la présence des squatters est donc tolérée », remarque Adélaïde Bachelier. De plus, s'exaspère sa collègue, « à chaque stage, nous avons été confrontés au manque de logements. C'est la première demande des usagers et on n'a pas de réponse à offrir. Ce type de squat peut être une alternative face à l'absence de solutions. Alors que l'Etat dispose de bâtiments vacants, il va expulser des gens, les remettre à la rue et après, nous, en tant que travailleurs sociaux, nous allons devoir intervenir... C'est absurde ! »

Prendre appui sur des personnes-relais

La proximité voulue avec les populations exige de surcroît d'apprendre à travailler dans une dynamique communautaire et avec des personnes-relais issues du milieu. Des squatters participent ainsi à l'accueil et à l'orientation des personnes se présentant aux permanences, voire les accompagnent vers les dispositifs de Médecins du monde (centre d'accueil, de soins et d'orientation, mission SDF, programme méthadone...), des structures de droit commun ou des associations identifiées. Parmi les partenaires de la mission « squat » figurent ainsi Emmaüs, Hors la rue, Act Up Paris, Asud Paris, la Cimade, le Groupe d'information et de soutien des immigrés. Les squatters peuvent aussi distribuer des « flyers » aidant les personnes à mieux appréhender leur santé et les prises de risques liées à leurs conditions de vie, venir au secours de sans-abri en leur donnant des duvets, ou repérer les signes précurseurs d'une crise chez l'un ou l'autre. « La participation des publics est essentielle. Dans ce projet de réduction des risques sanitaires et sociaux, l'usager est, comme dans la RdR liée aux usages de drogues, un expert et on travaille avec », rappelle Roberto Bianco-Levrin. Et Yaëlle Dauriol de compléter : « Les personnes demandeuses sont aussi en capacité d'offrir, c'est une dimension que l'on intègre rarement. »

Des séances d'information (conduite à tenir en cas de problèmes sanitaires ou psychologiques, par exemple) et des ateliers sont en outre organisés dans divers squats. Dans l'un d'eux ont ainsi été discutées les représentations qu'ont les personnes en errance des travailleurs sociaux et inversement. « Nous avons constaté que les gens ne connaissent pas nos missions et qu'ils ont souvent de nous une image négative, souligne Clémentine Evezard. C'est intéressant d'aborder cela pour avancer. » De plus, les plasticiens du squat présents se sont emparés du thème et les participants vont creuser ensemble le sujet lors d'un atelier artistique. « Travailler avec, c'est aussi ça, nous remettre en cause dans nos représentations, nos façons de faire, nos postures. C'est aussi une occasion d'analyser quelle est la vraie demande : celle de la personne ? celle de l'institution ? la sienne propre ? », remarque le coordinateur.

Un bel exemple de l'approche du travail dans la mixité est la gestion du « sleep-in » mis en place à la Petite Roquette pour accueillir des personnes en grande précarité ou en rupture sociale. « Les squats sont de plus en plus sollicités par des gens vivant hors les murs. Or ils ne peuvent les accepter durablement car l'intégration de nouvelles personnes perturbe leur équilibre fragile. L'idée est donc d'offrir aux personnes un temps de pause, d'une semaine à un mois, et de répondre à leur urgence », explique le coordinateur. Le temps est alors mis à profit pour les aider à rebondir et toute la collectivité y participe. « Les personnes sont logées, blanchies, nourries. Rien ne leur est demandé en échange si ce n'est de se concentrer sur leurs démarches et de fournir des résultats. Les squatters mettent à disposition leurs ressources ; les travailleurs sociaux assurent un suivi dynamique et, au besoin, sollicitent nos partenaires. Il s'agit d'accompagner ensemble, un peu à marche forcée certes, les personnes vers une réinscription sociale ou un projet personnel : professionnel, artistique, sanitaire..., résume Roberto Bianco-Levrin. On voit bien avec ce sleep-in comme avec les activités proposées aux habitants du quartier, les expositions, les portes ouvertes et le taux de fréquentation, que les squatters ont des choses à offrir », souligne-t-il. Et d'ajouter : « On veut modéliser pour d'autres ce qui a été mis en place et interpeller les dispositifs car il y a ici de vraies propositions de politique sociale émergeant des populations. Quand on a 15 ans de squat ou d'errance, on peut apporter un regard utile que les institutionnels, les travailleurs sociaux, n'ont pas forcément. Dans une société qui crée de plus en plus de pauvreté, des personnes en difficulté s'organisent et inventent des réponses intéressantes, c'est tout le paradoxe. » Des réponses que l'équipe espère pouvoir partager avec d'autres professionnels du social. Ils sont, insiste Yaëlle Dauriol, « attendus à bras ouverts ».

Un délai de 18 mois pour les squatters

Lorsque les squatters se sont installés au 6 de la rue Saint-Maur, en 2005, le bâtiment appartenant au ministère des Finances était vide depuis trois ans et devait être mis en vente. La mairie du XIe arrondissement et des associations envisageaient d'y monter un accueil de jour, projet qui n'a jamais pu se concrétiser. En octobre 2006, le tribunal administratif a accordé un délai de 18 mois aux squatters, qui désirent démontrer l'utilité de leur démarche, visant à faire du squat un lieu ouvert à tous. Démarche qui intéresse la mairie.

En 1999, le groupe de travail « squats et habitat de fortune » créé par le Comité national de l'accueil des personnes en difficulté, au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, publiait un rapport (2) sur la question des squats et dessinait les contours d'une intervention dans ces lieux. Ses conclusions vous semblent-elles toujours d'actualité ?

- La thématique des squats n'a pas véritablement été rediscutée depuis. Elle revient ponctuellement, ici ou là, lorsqu'une commune est confrontée à ce problème ou qu'une expulsion se profile, mais il n'y a pas d'intervention pensée à l'échelle nationale sauf dans les périodes de grand froid, lorsque les pouvoirs publics et les associations se mobilisent en faveur des personnes à la rue et dans un habitat très précaire. Ce travail conserve donc tout son intérêt. En outre, il a eu le mérite d'impliquer un large éventail de participants (ministères du Logement, des Affaires sociales, RATP, SNCF, associations...), de s'appuyer sur l'audition d'un panel d'acteurs important, dont des squatters et, au final, d'aboutir à des recommandations découlant d'une démarche partagée par tous et validée par l'institution.

Que sait-on aujourd'hui du phénomène des squats ?

- Il est difficile à évaluer - il n'existe aucune donnée administrative fiable - et rien ne permet d'affirmer qu'il progresse significativement. Dans les plus petits départements, il pourrait concerner de 100 à 200 personnes et, dans les grandes villes, de plusieurs centaines à plusieurs milliers. La présence de familles, d'enfants, et, notamment de très jeunes mères, est cependant souvent sous-estimée chez les squatters, que l'on imagine plutôt être des hommes seuls. Si l'on s'en tient aux lieux collectifs et que l'on isole les abris de fortune, on retient que certains squats sont marqués par la violence, la délinquance, la consommation de drogues, le caïdat... mais que d'autres sont surtout des lieux de vie pour des personnes en grande précarité et ayant d'importants besoins sociaux et de santé, des lieux parfois bien organisés et assez ouverts aux travailleurs sociaux.

L'intervention sociale a-t-elle dès lors sa place dans les squats ?

- L'idée que beaucoup de squats sont des lieux où il faut aller et que l'on peut y développer un travail social important a vraiment fait consensus. Nous avons ainsi légitimé l'action des pouvoirs publics et des associations en direction des squats. Cependant, passé un certain seuil d'opacité, de refus de contacts, d'incapacité à tisser des liens avec les personnes, nous sommes tombés d'accord sur le principe que le travail social devait déclarer forfait, qu'il ne fallait pas cacher ses inquiétudes sur ce qui se passe, et qu'il convenait au besoin de céder la place à la répression. Ce consensus n'était pas d'emblée évident. Certains professionnels du social estimaient en effet qu'il n'y avait aucune raison de se rendre dans les squats, notamment depuis l'ouverture de lieux d'accueil de jour - où exercent aujourd'hui un millier d'intervenants sociaux professionnels -, puisque les squatters les fréquentaient. La grande majorité des participants a cependant opposé que les personnes les plus en difficulté, elles, ne venaient pas et qu'aller à leur rencontre s'imposait.

Quel mode d'action avez-vous reconnu ?

- Nous avons estimé que le travail en direction des squatters doit s'appuyer sur une intervention professionnalisée avec des équipes du type de celles allant au contact des gens dans la rue. Ce doit être un axe du travail dans le champ de l'urgence sociale. En outre,

les équipes entamant une action en ce sens doivent être adossées à une structure ou oeuvrer en partenariat avec une organisation, afin d'être en capacité de proposer une aide solide aux squatters. Enfin, il a été rappelé qu'aller dans les squats ne pouvait se faire qu'à condition d'y être invité, non seulement pour ne pas faire prendre de risques aux travailleurs sociaux, mais pour que cela ait du sens.

L'illégalité de la situation des squatters peut-elle être une entrave à l'intervention sociale ?

- Savoir jusqu'à quel point un travailleur social ne se met pas lui-même dans l'illégalité ou ne cautionne pas le squat est une question qui a fait débat. Après avoir rappelé que l'objectif de l'intervention sociale n'était pas la légalisation des squats mais leur disparition, nous avons choisi, pour y répondre, de dissocier l'action sociale individuelle de la revendication à caractère collectif. Dans le premier cas, l'aide doit être inconditionnelle. Un squatter, comme tout individu en situation de besoin qui s'adresserait à un service social, a des droits et tout doit être mis en oeuvre pour trouver des solutions. En revanche, lorsqu'on entre dans une logique d'accompagnement collectif, il y a lieu d'être prudent, et en particulier d'analyser ce qui se joue pour voir s'il y a moyen de respecter un désir d'auto-organisation, de vie collective.

Par exemple ?

- Lorsque l'Etat est propriétaire, l'idée peut être de négocier une occupation temporaire du domaine public et de donner des gages de responsabilité à chacun. A partir du moment où un processus de régularisation, de négociation, est en route, cela devient possible. Il s'agit alors non de légaliser le squat, mais de construire un projet fondé sur le collectif. Une part des squatters refuse en effet les solutions habituelles dans le logement ou l'hébergement ordinaire - on a d'ailleurs à nouveau constaté ce phénomène avec les occupants des tentes des Enfants de Don Quichotte. A Bordeaux, la DDASS a ainsi confié un temps un centre d'hébergement à un groupe de squatters. A Toulouse, des ex-squatters s'occupent toujours de pavillons acquis par les pouvoirs publics, où ils ont instauré dès le départ un accueil sans limitation de durée. Le squat peut donc conduire à des situations positives si cela est accompagné, négocié, discuté.

Qu'en est-il, dans cette logique, de l'accès à l'eau, à l'électricité... ?

- Cela est emblématique de cette distinction entre accompagnement individuel et collectif. Nous avons reconnu que l'accès à l'eau est un droit inaliénable de la personne humaine et qu'il faut agir pour qu'elle ne soit pas coupée. En revanche, sur l'énergie, nous avons réclamé la prudence, de crainte que cela ne soit interprété comme une forme de légalisation des squats. Là encore, si un processus de négociation est engagé, on peut jouer le jeu et chercher à la maintenir ou à la faire rétablir.

Face à une procédure d'expulsion, quel rôle peuvent tenir les travailleurs sociaux ?

- Veiller à ce que la loi soit appliquée avec humanité : demander des délais, pointer devant le juge des situations précises, s'assurer que la personne sera relogée, négocier avec la police le moment de l'expulsion pour laisser au moins aux gens le temps de rassembler leurs affaires... Un accompagnement social est donc possible y compris dans le cadre d'une procédure répressive.

Comment le travail social peut-il s'appuyer sur les capacités d'auto-organisation des squatters ?

- Nous avons encouragé l'intégration de squatters ou ex-squatters dans les équipes. Il semble en effet très précieux, face au public de la rue, des squats, d'associer des personnes qui en sont issues et qui, pour certaines, ont la volonté de servir de régulateurs et d'interfaces avec les services sociaux. Devant les réticences de certaines associations, de travailleurs sociaux, nous sommes cependant restés prudents. Parmi les méfiances avancées, il y en a certes à la limite du corporatisme mais il y en a aussi de plus pertinentes, tel le danger de se retrouver face à des personnes ayant mal réglé leurs problèmes ou risquant d'abuser du pouvoir conféré. Néanmoins, sur ce thème, nous avons conclu que « l'offre d'accompagnement social n'aura de sens que si elle est conçue comme le prolongement de ce que les squatters ont déjà réalisé sur place », certains squats étant « en eux-mêmes de véritables lieux d'accueil et d'insertion sociale ».

Propos recueillis par F. R.

Notes

(1) Médecins du monde - Mission rave et squat : 62 bis, avenue Parmentier - 75011 Paris - Tél. 01 43 14 81 54.

(2) Voir ASH n° 2119 du 14-05-99, p 5.

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