« Une information concernant l'enfant qui ne lui sera d'aucun intérêt avant l'âge adulte doit-elle être recherchée et communiquée à ses parents parce qu'elle pourrait avoir un intérêt ultérieur en ce qui concerne leurs propres enfants à venir ? » Interrogé sur l'opportunité d'informer les parents, à l'occasion du dépistage de la mucoviscidose chez le nouveau-né, de son statut de « porteur sain » du gène responsable de la maladie (ou hétérozygotie) alors qu'il est sans risque pour sa santé, le Comité consultatif national d'éthique « souhaite que son avis [rendu public le 26 avril] dépasse le questionnement initial de la saisine » (1). Il s'élève à cette occasion contre le « tout génétique » et met en garde contre la dérive possible vers une sacralisation du gène. Sa réflexion s'inscrit dans le cadre de « la généralisation probable à court terme et la diminution importante des coûts des tests génétiques » qui, selon lui, « vont considérablement accroître cette offre et généraliser démesurément la mise en évidence de cas d'hétérozygotie ou de particularités génétiques sans signification directe pour la santé, et donc sans bénéfice direct pour la personne, le foetus, voire l'embryon ».
S'agissant du dépistage de la mucoviscidose, le statut de « porteur sain » de l'enfant est actuellement porté à la connaissance des parents sans qu'ils l'aient explicitement demandé ni qu'ils aient au préalable donné leur consentement libre et informé. Privilégiant la protection de l'intérêt de l'enfant, le Comité alerte sur le risque qu'il « soit en quelque sorte instrumentalisé puisque le fait qu'il soit porteur sain le transforme de facto en «messager d'un mauvais présage», les parents étant avertis qu'ils devront prendre des précautions diagnostiques en cas d'une nouvelle grossesse ». Compte tenu de l'absence d'intérêt direct pour le nouveau-né, il recommande de ne pas encourager la révélation systématique de son statut de « porteur sain ». « Il s'agit de ne pas transformer un être humain en un être enfermé dans son statut génétique, avec le risque de sacralisation du gène que cela comporte », justifie-t-il. Jugeant en outre nécessaire de « dissocier, autant que faire se peut, le temps des informations concernant l'état de santé de l'enfant qui vient de naître du temps des informations concernant l'état de santé éventuel des enfants à venir », il suggère donc que les données relatives à l'enfant concerné puissent lui être révélées ultérieurement et envisage que les parents souhaitant connaître leur statut au regard du gène puissent accéder au dépistage.
Dans une perspective plus large, il souligne les risques qu'engendrerait « la mise en place, sans réflexion préalable, de techniques d'analyse bien plus performantes si l'on acceptait comme seul guide de conduite l'idée que tout ce que la technique révèle de manière aveugle doit obligatoirement être pris en compte et communiqué ». Il évoque « l'angoisse » causée par la divulgation d'une information globale, donnée sans discrimination, lorsqu'elle est peu ou pas interprétable en termes de santé. Se plaçant sur le terrain de la dignité de la personne, de l'éthique de la médecine et de la protection de la santé, il appelle à une « réflexion prospective approfondie des professionnels et de l'ensemble de la société » sur les modalités appropriées d'accès aux tests génétiques et d'information quant à leurs résultats (2). Il recommande également que « toute politique de dépistage systématique à la naissance, ou avant la naissance, ne soit mise en oeuvre qu'après une évaluation la plus complète possible de l'ensemble de ses conséquences ». Selon lui, « la mucoviscidose est emblématique d'une approche ayant conduit a posteriori à la reconnaissance de problèmes éthiques, alors qu'ils étaient a priori prévisibles (et même inéluctables), mais non envisagés ».
(1) Questions éthiques posées par la délivrance de l'information génétique néonatale à l'occasion du dépistage de maladies génétiques (exemples de la mucoviscidose et de la drépanocytose) - Avis 97 - Disp. sur
(2) Ces questions devraient être discutées lors des états généraux de la bioéthique dont l'organisation est prévue pour le premier semestre 2008 - Voir ASH n° 2494 du 16-02-07, p. 8.