Lectures du mois

Pourquoi, bien qu'éligibles à une prestation, certaines personnes ne la perçoivent-elles pas ? La plupart des travaux réalisés sur cette question - et ici rappelés - montrent que ce non-accès aux droits sociaux résulte de la complexité des procédures et règlements qui régissent leur attribution, et d'une mauvaise communication avec les allocataires ou les assurés. Néanmoins, c'est parfois volontairement que certains usagers ne cherchent pas, ou plus, à obtenir ce à quoi ils peuvent prétendre. Différentes recherches mettent ainsi en évidence les effets pervers du ciblage susceptible de conduire les destinataires potentiels de prestations à s'en détourner, par crainte de la stigmatisation et/ou d'une intrusion dans leur vie privée. Pour Philippe Warin, directeur de recherche au CNRS et animateur de l'Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore), la non-demande volontaire de droits sociaux est à appréhender, plus globalement, comme une perte d'intérêt et de confiance dans l'offre et l'action publiques. « Face à l'incurie des institutions à régler les problèmes sociaux individuels », cette position de retrait constituerait le symptôme de la vulnérabilité ou de la désaffiliation que les dispositifs de protection ont précisément vocation à enrayer. Pointant les risques de « dislocation sociale » que porte cette « défection silencieuse » d'usagers parmi les plus fragilisés, l'auteur dénonce le caractère lacunaire des mesures destinées à y remédier. Celles-ci se résument, pour l'essentiel, en une amélioration de l'information concernant les publics en difficulté qui, même nécessaire, ne peut suffire à permettre aux bénéficiaires d'accéder à leurs droits. Pour ce faire, il est impératif de gagner leur confiance, c'est-à-dire de ne pas mésestimer l'importance de la fonction de médiation assumée par les travailleurs sociaux - et le temps requis pour l'exercer. Or la « myopie » des organismes prestataires ou gestionnaires de prestations sur leur propre fonctionnement est « tout à fait considérable », affirme Philippe Warin : dans l'évaluation des moyens et des objectifs des services sociaux, ces institutions préfèrent s'intéresser au volume global d'allocations versées ou de contrats d'insertion signés, plutôt qu'à la dimension relationnelle de l'intervention sociale pourtant indispensable pour atteindre ces résultats.

Travailler à satisfaire les besoins des usagers n'est pas une nouveauté. Ce qui l'est plus, c'est d'avoir l'obligation de s'en assurer. A cet effet, Sylvie Faugeras, responsable d'une association du secteur socio-éducatif, préconise de demander directement leur avis aux intéressés. Reconnaissant le bien-fondé des craintes que peuvent manifester les professionnels devant ce genre de démarche, l'auteure estime qu'effectivement, si la parole des personnes prises en charge est précieuse, « elle est tout autant fragile, à nuancer, à contextualiser ». Aussi est-il nécessaire, d'utiliser des méthodes spécifiques de recueil et d'analyse de l'expression des usagers, à l'instar de celle qu'elle détaille à partir d'une enquête de satisfaction conduite auprès des jeunes accueillis dans un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP) et de leurs familles.

Loin de contribuer à la socialisation des enfants, les interventions uniquement ciblées sur ceux qui sont repérés comme étant en difficulté ne font qu'accentuer leur isolement, estime Laurent Ott, éducateur et enseignant. C'est pourquoi il plaide pour des actions de « permanence éducative en milieu ouvert », généralistes et collectives, c'est-à-dire accessibles à tous les enfants d'un quartier et se déroulant dans la rue, ou dans des locaux publics. Lui-même a développé de telles pratiques entre 1999 et 2004, dans le cadre de la Maison Robinson de Longjumeau (Essonne) (voir ASH n° 2165 du 5-05-00, page 27 et n° 2398 du 11-03-05, page 33). De cette expérience, sur laquelle il revient longuement, l'auteur tire la conviction que permettre aux enfants et aux adultes habitant dans un même territoire de nouer des relations fortes constitue le meilleur moyen de favoriser le vivre ensemble. Il s'agirait, en outre, d'un outil de prévention peu coûteux à mettre en oeuvre. Reste cependant à persuader les édiles.

En 1947, un inspecteur général de l'Education nationale pronostiquait : « l'éducation sexuelle dans les établissements d'instruction publique n'est pas pour aujourd'hui, peut-être pas pour demain, mais on peut parfaitement l'envisager pour après-demain... ». Soixante ans plus tard, cette prédiction est réalisée, et après différents avatars, le milieu scolaire s'est ouvert à une éducation à la sexualité beaucoup plus large que l'information sexuelle, essentiellement biologique, qui était dispensée par le passé. Outre un apport de connaissances sur le développement et le fonctionnement du corps humain, la démarche est conçue comme une composante essentielle de la construction de la personne, fondée sur le respect mutuel. C'est à cette approche « résolument sociale » de l'éducation à la sexualité que Patrick Pelège, sociologue et formateur, et Chantal Picod, enseignante en économie sociale et familiale et sexologue, consacrent l'essentiel de leur propos. Stéréotypes sexistes ou homophobes, représentations pornographiques, violences sexuelles... : resituant la sexualité dans son contexte éthique, juridique et culturel, les auteurs fournissent aux professionnels à qui s'adresse l'ouvrage - enseignants, travailleurs sociaux, soignants - des repères à même de les aider à conjuguer éducation à la sexualité avec mixité et citoyenneté.

« Les témoins de première main trop souvent se taisent », faisait observer Fernand Deligny, en octobre 1969, dans le numéro 2 des Cahiers de l'Aire. Publiée jusqu'en septembre 1973, cette revue avait été précisément créée par un petit groupe d'éducateurs et de psychologues, réunis autour d'un Deligny alors inconnu, afin de permettre aux acteurs de terrain de confronter leurs pratiques et de les faire fructifier. « Ce qui était primordial pour nous, c'étaient bien les «tentatives» », c'est-à-dire l'expérimentation de manières non conventionnelles d'organiser la prise en charge des « soi-disant fous », pour leur donner une nouvelle place « hors institution », souligne Pierre Boiral, l'un des fondateurs des Cahiers, qui en présente les morceaux choisis ici réunis. Révélant une posture de résistance à l'air du temps, ces textes témoignent d'une floraison d'initiatives prises par de jeunes professionnels porteurs d'utopie, encouragés à s'engager en dehors des sentiers battus.

Comment dire l'engagement au quotidien dans une relation éducative ou de soin ? En s'appuyant sur 30 ans d'expérience d'éducateur spécialisé, puis de formateur, Philippe Gaberan a choisi cent mots pour questionner les ressorts d'actes posés dans une apparente banalité. N'adoptant ni l'ordre alphabétique ni les définitions littérales d'un dictionnaire, ce stimulant bréviaire convie plutôt à un art de réfléchir à sa pratique.

Qualifications, déroulement de carrière, autonomie professionnelle, nature des activités effectuées : à partir d'une enquête réalisée auprès de 30 directeurs et 20 chefs de service éducatifs, Hélène Chéronnet s'attache à décrire les modalités selon lesquelles est organisé le travail d'encadrement dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

L'expertise collective publiée par l'Inserm en septembre 2005 sur « le trouble des conduites chez l'enfant et l'adolescent » a suscité de nombreuses inquiétudes. Et de multiples réactions, notamment parmi les professionnels qui ont publié tribunes, pétition, ouvrages... Une journée de réflexion, organisée le 17 juin 2006, a permis d'approfondir le débat, scientifique et citoyen, sur la question du dépistage et de la prévention dans la sphère psychique chez l'enfant.

Ni adulte en miniature, ni adulte en puissance : comment reconnaître et accueillir l'être enfant ? Pédopsychiatre et psychanalyste d'enfants, Michel Soulé a posé des questions de toutes sortes, souvent mâtinées d'humour, à une vingtaine de spécialistes de différentes disciplines et rassemblé les réponses livrées à l'occasion de plusieurs journées scientifiques du Centre de guidance infantile de l'Institut de puériculture de Paris. De Bach au rap, de « caca-boudin » à la poupée Barbie, de la dépression adolescente au clonage reproductif, l'éventail est large.

Dans l'approche interactionniste développée par le Groupe francophone d'études du développement psychologique de l'enfant jeune, organisateur d'un colloque les 26 et 27 mai 2005, l'individu est acteur de son développement en interaction avec son milieu. La famille joue un rôle privilégié, mais aussi le système éducatif, les professionnels, les institutions. Comment s'élaborent les relations dans les conditions actuelles de transformation de la famille ? d'évolution du rôle du père ? et tout particulièrement pour les enfants porteurs de handicap ? Le compte rendu, dirigé par Benoît Schneider, présente 35 réflexions critiques de chercheurs et de praticiens.

Les II^es rencontres parlementaires pour les personnes handicapées, organisées le 27 septembre 2006 par Jean-François Chossy, député (UMP) de la Loire, ont été axées sur l'intégration du handicap dans les concepts architecturaux et sur l'accessibilité du logement, de l'école et de l'emploi. Les expériences d'autres pays ont permis de réfléchir aux entraves qui subsistent. Elles renvoient à l'image et à la définition du handicap, bref à la culture du pays.

En célébrant son 50^e anniversaire, le 15 juin 2006, l'Association pour le logement des jeunes travailleurs, active en Ile-de-France, a voulu débattre avec ses partenaires du logement des jeunes et de leur mobilité, pour faire émerger des solutions diversifiées, tant dans les types d'habitat proposés que dans les services offerts. Le tout, en lien avec les stratégies de développement des territoires.