Où en est la professionnalisation des animateurs socioculturels, dont la nécessité est proclamée depuis 1981 ? C'est une question à laquelle Francis Lebon, sociologue, chargé de recherche à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP), s'attache à répondre dans un rapport rédigé en collaboration avec le sociologue et maître de conférences à l'université Paris-XII Emmanuel de Lescure (1).
En 2004, les animateurs étaient pour 19 % d'entre eux employés par un établissement relevant du secteur de l'éducation, de la santé et de l'action sociale. Leur population semble divisée en trois composantes, constate l'auteur : « la masse des diplômés BAFA (brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur de centres de vacances et de loisirs), un nombre important de BEATEP (brevet d'Etat d'animateur technicien de l'éducation populaire et de la jeunesse) et de BPJEPS (brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport), une minorité de «défasiens» [titulaires du diplôme d'Etat relatif aux fonctions d'animation] et de diplômés de l'université (DUT «carrières sociales», etc.) ». Le niveau de formation et de diplôme des animateurs est très dispersé, relève-t-il, et il « n'est pas sûr par ailleurs que le millier de DUT «carrières sociales» délivré chaque année mène toujours aux métiers de l'animation, notamment parce que leurs titulaires poursuivent majoritairement leurs études ». Au vu de la diversité des niveaux de diplôme qui permettent l'entrée dans le métier, « rien ne permet d'affirmer que, depuis 30 ans, l'animation est en voie de professionnalisation », tranche le sociologue. « Les frontières restent ouvertes, ce qui influe sur les conditions d'emploi des individus. »
De fait, 62 % des animateurs ont un statut précaire. Dans ces conditions, la signature de la convention collective de l'animation en 1988, « perçue comme un signe patent du processus de professionnalisation, ne semble pas avoir eu d'incidence majeure sur les statuts d'emploi ».
Le groupe professionnel des animateurs socioculturels est éclaté, certains se rapprochant des employés, d'autres des dirigeants. Un clivage, analyse le rapport, qui rejoint l'hypothèse du sociologue Jacques Ion, selon qui des praticiens de l'intervention sociale sont « «sur le front» de la misère et soumis à l'urgence (les moins diplômés, en quête de professionnalité : emplois régis par une logique de la compétence), tandis que d'autres, à «l'arrière», sont des gestionnaires sensibles aux méthodes du management issues du monde de l'entreprise (notamment les animateurs de la politique de la ville, promoteurs du développement social urbain) ».
Avec des formes d'emploi contrastées, les animateurs ont finalement des identités professionnelles multiples : « métier transitoire, «petit boulot», véritable profession, l'animation permet tous ces usages ». Ce qui est sûr, c'est que l'animation « n'est pas une profession intermédiaire pour tout le monde ».
(1) « Un groupe professionnel en évolution ? Les animateurs socioculturels et de loisirs, analyse secondaire de l'enquête emploi (1982-2005) » - INJEP - Disponible sur