Une « bourde ». Un « bug parlementaire ». Une « malfaçon législative ». Une « imperfection de langage ». Du côté de certains parlementaires comme au sein des ministères de la Santé et du Logement, ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent pour désigner l'« entorse grave au secret médical » (1) commise par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (2). Au centre de la polémique, l'article 35 du texte, qui offre la possibilité à un bailleur de réclamer au candidat à la location d'un logement adapté ou spécifique son dossier médical personnel.
A la base, l'article incriminé vise pourtant à protéger la vie privée des locataires. Il allonge en effet de 4 à 16 la liste des documents ne pouvant être demandés par un bailleur. Le dossier médical personnel fait partie des nouvelles pièces « protégées ». Toutefois, précise le texte, l'interdiction est levée en cas de demande d'un logement adapté ou spécifique.
« Il est inadmissible qu'un bailleur, qui n'a aucune compétence médicale, puisse accéder à toute l'histoire médicale d'un patient », a réagi le président de la section éthique et déontologie de l'Ordre national des médecins, le docteur Pierrick Cressard. « Imaginez un demandeur âgé ou handicapé, qui souhaite un logement doté d'un ascenseur, le bailleur pourra demander le dossier médical et aura connaissance d'événements tels qu'une interruption volontaire de grossesse. » Le docteur Cressard juge la disposition d'autant plus ambiguë que le dossier médical personnel « n'existe pas encore » (3). « Des patients mal informés risquent de fournir le dossier médical constitué par le médecin traitant », craint-il.
Le député (UMP) de la Somme, Jérôme Bignon, qui était l'un des rapporteurs de la loi, a reconnu qu'il y a eu un problème dans la rédaction de cet article, adopté dans l'urgence. Confirmation du côté des ministères de la Santé et du Logement. Les mots « dossier médical personnel » se seraient en fait substitués à « certificat médical », explique-t-on. L'erreur sera corrigée « par un amendement législatif », qui précisera bien que, en cas de demande de logement adapté ou spécifique, seul un certificat médical pourra être demandé par le bailleur. « Le dossier médical personnel doit rester confidentiel et du seul ressort du monde médical », souligne le ministère du Logement dans un communiqué.
(1) Selon les mots de l'Ordre national des médecins.
(3) L'utilisation du dossier médical personnalisé sera en effet généralisée en 2008.