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Unités de visites familiales : « une plus-value importante pour le travail social », selon un rapport

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Au-delà du maintien des liens fami liaux, les unités de visites familiales (UVF) permettent aux travailleurs sociaux de valoriser leur mission au sein de l'institution pénitentiaire, estime un rapport du Centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire (CIRAP-Ecole nationale de l'administration pénitentiaire), réalisé en décembre 2006 et publié en février 2007 (1).

De 2003 à 2005, la création de trois UVF expérimentales est venue concrétiser plus de 20 ans de réflexion sur le maintien des liens socio-affectifs des détenus, avant que le dispositif ne soit étendu à quatre autres structures et ne soit appelé à se généraliser au sein des futurs établissements pour longues peines prévus pour 2007. Quel impact pour les professionnels et les détenus qui peuvent ainsi, quand ils ne bénéficient pas de permissions de sortir, recevoir leur famille dans un appartement situé dans l'enceinte de la prison, une fois par trimestre et sans la présence d'un tiers ? A partir des évaluations des deux premières expérimentations, au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes (Ille-et-Vilaine) et à la maison centrale pour hommes de Saint-Martin-en-Ré (Charente-Maritime), l'enseignante et chercheuse Cécile Rambourg prouve que les incidences de ces structures dépassent le rôle qui leur était initialement attribué.

Pendant l'expérimentation, 30 % des personnes détenues non permissionnaires de la maison centrale de Saint-Martin-en-Ré et 63 % de celles du centre pénitentiaire de Rennes ont accédé au moins à une UVF. Le taux d'octroi des demandes est d'ailleurs élevé (respectivement de 96 et 91 %). Compte tenu de l'éloignement géographique et de l'isolement des détenus condamnés à de longues peines (30 % des femmes et 47 % des hommes ne reçoivent jamais de visite au parloir dans les établissements étudiés), « un des premiers effets observé et analysé des UVF est que ce dispositif a «amené» ou «ramené» des visiteurs qui ne venaient plus ». Notamment le conjoint pour les détenues femmes et les enfants pour les détenus hommes.

Concrètement, quelles conséquences pour l'activité des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) ? Chargés d'effectuer les enquêtes préalables à l'autorisation donnée par le chef d'établissement, les travailleurs sociaux sont amenés à échanger avec les services sociaux extérieurs, pour vérifier par exemple si les enfants d'un condamné font l'objet ou non d'une mesure éducative. Cette collaboration, certes souvent difficile à construire, met au jour « les carences d'un modèle de prise en charge qui fractionne la cellule familiale en éléments séparés ». Il n'en reste pas moins que les UVF permettent aux travailleurs sociaux de « redonner une dimension sociale à leur métier alors qu'ils avaient, par ailleurs, le sentiment de devenir des techniciens de l'application des peines ». Les professionnels ont en effet dans ce cadre à travailler avec des détenus qu'ils n'auraient pas rencontrés à ce stade de leur peine, en soulevant d'emblée avec eux la question des liens sociaux et familiaux. « Cette prise en charge plus anticipée des personnes détenues permet au travailleur social d'instaurer une nouvelle temporalité dans le suivi du détenu », c'est-à-dire un accompagnement sur le long terme.

Autre changement : la thématique familiale ou affective abordée dans les entretiens d'enquête n'est plus simplement « dite » par la personne détenue, elle est aussi « parlée » par la famille elle-même, permettant une connaissance plus objective des situations. Ainsi, l'UVF est « envisagée comme une plus-value importante dans le travail social, permettant une connaissance plus exhaustive de la personne détenue et fournissant des éléments sur lesquels le travailleur social peut s'appuyer pour construire de manière adaptée un suivi et une prise en charge ».

Côté bénéficiaires, les avantages ne sont pas moindres. En offrant au détenu la possibilité de partager un moment de la vie quotidienne avec les visiteurs, les UVF lui permettent de retrouver un cadre de vie et des « interactions » qui s'inscrivent dans « une symbolique sociale, affective et identitaire perdue depuis des années ». Au-delà de l'intimité qu'elle rend possible, la structure constitue un nouvel espace social ancré dans la réalité, dont les conditions d'échanges donnent à la personne incarcérée l'opportunité de « se dégager de l'emprise carcérale et de se restaurer une place », un statut en tant que femme, époux, parent, fils, ami...

L'absence de surveillance, poursuit le rapport, a pour conséquence de produire chez le détenu non seulement un sentiment de liberté, mais aussi de responsabilité. Que penser du système qui prévoit que, dans le cadre des UVF, les détenus organisent et paient les repas pour eux-mêmes et les visiteurs ? Selon les moyens dont elle dispose, analyse l'auteure, la personne bénéficiant d'une UVF doit puiser dans ses économies, élaborer des stratégies de financement, de contrôle des dépenses « qui la rendent actrice de son projet ». En cela les UVF « participent d'un geste éducatif » et d'une « pédagogie de la peine ». Au point que « la quasi-totalité des détenus interrogés envisagent la nécessité de cantiner pour les UVF comme un signe de responsabilisation, une responsabilité qu'ils sont fiers d'assumer, pour eux-mêmes et au regard des autres, se sentant ainsi reconnus et valorisés ». Même si, nuance le rapport, cette dure confrontation à la réalité est aussi génératrice de crises...

Au-delà de la reconstruction identitaire, les UVF sont une occasion pour les détenus de revenir sur leur infraction, ce qui influe sur le sens de leur peine et sur leur « parcours carcéral ». En permettant une projection sur l'avenir, les UVF jouent également, pour ceux qui ont une perspective de sortie à court ou moyen terme, le rôle de « sas de réinsertion ». Pour les autres, elle ne fait que combler le gouffre entre l'univers carcéral et le dehors et fixe tout de même des repères temporels qui autrement s'amenuisent.

« Quelles qu'aient été ou sont les réticences quant au principe même des UVF, tous les personnels interrogés estiment que ce dispositif fait partie intégrante de l'établissement, de ce qu'il peut offrir et des outils dont il dispose désormais pour travailler », conclut l'étude. Tout en précisant que cette avancée ne doit pas, à terme, être considérée comme un substitut aux permissions de sortir et aux aménagements de peine, ni occulter « la question, toujours prégnante, de l'allongement des peines, de la réalité des périodes de sûreté et de l'absence de perspectives de sortie pour les condamnés à perpétuité ». Une manière de relativiser ces constats très positifs.

Notes

(1) Les unités de visites familiales, nouvelles pratiques, nouveaux liens - Cécile Rambourg - CIRAP - Disponible sur http://www.enap.justice.fr.

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