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La loi réformant la Protection de l'enfance

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Nouvelle définition de la protection de l'enfance et de l'enfant en danger, recentrage des missions des acteurs, amélioration du signalement, reconnaissance du secret professionnel partagé et diversification des modes d'intervention : la loi du 5 mars 2007 réalise avant tout une réforme d'organisation des mécanismes de protection de l'enfance.

« Mettre fin, dans notre pays, aux situations encore si nombreuses où tant d'enfants souffrent en secret, en silence pendant des années sans que personne s'en aperçoive et leur vienne en aide », tel est, selon Philippe Bas, alors ministre délégué à la famille, l'objectif central de la loi réformant la protection de l'enfance du 5 mars 2007 (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1352). Elaboré à partir de nombreux rapports préparatoires (1), ce texte a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les professionnels du secteur et d'un large consensus et affiche trois grandes ambitions : améliorer la prévention, rationaliser la procédure de signalement et développer les modes de prise en charge des enfants tout en diversifiant les types d'intervention sociale. Cette réforme était jugée nécessaire et urgente, au regard notamment de l'augmentation du nombre de signalements d'enfants en danger. En 2005, selon l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), les conseils généraux ont signalé 97 000 enfants « en danger » - près de 7 mineurs sur 1 000 -, soit une hausse de 2 % par rapport à 2004. L'augmentation atteint 15 % en 5 ans (2).

Le ministre souhaite donc que la loi soit opérationnelle immédiatement. Aussi, le recours aux décrets d'application pour la mettre en oeuvre a-t-il été réduit au strict minimum. « La loi [...] s'appuiera non pas sur des décrets et des arrêtés, mais sur le travail des associations de sauvegarde, des conseils généraux, des professionnels, de la justice, des hôpitaux, des services de santé, de l'aide sociale à l'enfance, de l'école ainsi que sur les meilleures pratiques professionnelles recensées dans des guides élaborés avec les départements et les professionnels », a expliqué Philippe Bas aux sénateurs (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1354). Cinq guides nationaux d'accompagnement de la réforme, portant sur la prévention, l'accompagnement, l'alerte, l'accueil et le fonctionnement de l'observatoire de la protection de l'enfance, devraient, selon le ministre, être mis à la disposition des professionnels dans le courant du mois d'avril.

Afin de couvrir toutes les situations qui mettent l'enfant en danger ou en risque de l'être, la loi introduit expressément la prévention des dangers et des risques de danger pour l'enfant dans le champ de la protection de l'enfance. Ainsi, au sein des codes de l'action sociale et des familles et du code civil, les mots « mineurs maltraités » sont remplacés par « mineurs en danger » et les mots « mauvais traitements » par « situations de danger ».

Clarifiant le rôle des divers intervenants en le réorientant vers la prévention, la loi fait du président du conseil général le chef de file de la protection de l'enfance. Saluant l'engagement des départements, Philippe Bas souligne que « chaque année, [ils] lui consacrent ainsi la première part de leur budget, soit plus de 5 milliards d'euros. Aujourd'hui, 270 000 enfants sont pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance des départements, auxquels collaborent plus de 150 000 professionnels » (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, page 39). Le ministre estime par ailleurs que « le coût de la réforme, qui vise surtout à améliorer l'organisation du dispositif de protection de l'enfance, [sera] limité, soit environ 150 millions d'euros par an, au terme d'une période de montée en charge de 3 ans » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 86).

Autre axe d'intervention, celui du recueil et du traitement des informations jugées « préoccupantes ». A ce titre, la loi prévoit la création au niveau départemental d'une cellule de recueil, de traitement et d'évaluation de ces informations ainsi que d'un observatoire de la protection de l'enfance. L'instauration du secret professionnel partagé permet en outre aux personnes soumises au secret de partager entre elles des informations à caractère confidentiel.

Les règles du signalement sont par ailleurs clarifiées dans le souci de donner la primauté à l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire tout en améliorant les échanges d'informations.

Des modes d'intervention sociale innovants sont mis en place : aménagement d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial, diversification des modes d'accueil des enfants pour permettre l'accueil de jour, l'accueil ponctuel et séquentiel.

La loi a également pour objectif de « parvenir à un meilleur équilibre entre la nécessaire responsabilité des parents, qui restera première, et les missions de la protection de l'enfance, afin de venir au secours des enfants les plus en difficulté », a expliqué Philippe Bas (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1354). A ce titre, elle entend améliorer les rapports des familles avec les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Enfin, elle comprend diverses mesures en lien plus ou moins étroit avec la problématique de la protection de l'enfance. Citons, entre autres, la reconnaissance du droit de l'enfant d'entretenir des relations avec ses parents, ses ascendants ou d'autres personnes, la modification des règles relatives au congé de maternité et l'intensification de la lutte contre les sectes.

I - LA CLARIFICATION DESMISSIONS DESINTERVENANTS AU SERVICE DE LA PRÉVENTION

« donner toute sa dimension au volet «prévention» de la politique de protection de l'enfance »(Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 40).« la prévention est l'affaire de tous parce que la protection de l'enfance est l'affaire de tous »(3)

anticiper les difficultés

A - La mission de la protection de l'enfance (art. 1 de la loi)

« Aujourd'hui la politique de protection de l'enfance fait intervenir un grand nombre d'acteurs auprès des familles en difficulté, ce qui la rend difficilement lisible tant pour les professionnels chargés de la mettre en oeuvre que pour les familles qui en sont bénéficiaires », explique André Lardeux, rapporteur (UMP) de la loi au Sénat (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 39). L'article 1er de la loi a donc pour objet de clarifier les objectifs de la protection de l'enfance pour l'ensemble des acteurs et de donner à ces derniers un cadre d'action commun et cohérent.

1- LA NOTION DE PROTECTION DE L'ENFANCE DÉFINIE PAR LE LÉGISLATEUR

La notion de protection de l'enfance acquiert un fondement législatif. Le nouvel article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF) l'affirme désormais : la protection de l'enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. Elle comporte à cet effet un ensemble d'interventions en faveur de ces derniers et de leurs parents. Cette définition « donne ainsi à la politique de protection de l'enfance une triple dimension de prévention des difficultés familiales, d'accompagnement des familles et de prise en charge des enfants, lorsqu'ils doivent être soustraits à leur milieu familial, à temps complet ou partiel » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 39).

Les interventions de la protection de l'enfance peuvent également être destinées à des majeurs de moins de 21 ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre, précise la loi.

2- LES MINEURS ÉTRANGERS ISOLÉS INCLUS DANS LA POLITIQUE DE PROTECTION DE L'ENFANCE

Oublié dans la première version du texte, le sort des mineurs étrangers isolés a été introduit dans la loi à l'initiative des députés. Il est désormais prévu que « la protection de l'enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d'assurer leur prise en charge » (CASF, art. L. 112-3, nouveau). « Même si [sa] rédaction ne l'indique pas explicitement, [cette disposition] apporte également une première réponse de principe à la question des mineurs étrangers isolés », a expliqué Valérie Pecresse, rapporteure (UMP) de la loi à l'Assemblée nationale (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, page 74).

Selon la députée (PS) Patricia Adam, cette formulation vise les « enfants qui arrivent seuls sur le sol français » et implique que « c'est aux départements qu'il reviendrait d'assurer leur protection, ainsi que les fonctions de service gardien, dans l'attente de toute autre décision » (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, page 74). Mais, en l'absence de précision apportée par la loi elle-même, l'éventualité d'une distinction selon le caractère régulier ou irrégulier de la présence de ces enfants en France est de nature à subsister. D'autant que Philippe Bas envisageait, au moment de la présentation du projet de loi en conseil des ministres, que seuls les mineurs étrangers isolés en situation régulière seraient pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et que ceux en situation irrégulière seraient pris en charge au titre de la politique de l'immigration (4).

3 - LA DÉFINITION DE L'INTÉRÊT DE L'ENFANT

Autre notion consacrée par la voie législative, celle de l'intérêt de l'enfant. Il est défini comme « la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits ». L'intérêt de l'enfant ainsi défini doit guider toute décision le concernant (CASF, art. L. 112-4 nouveau).

L'introduction de ce principe tiré de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France en 1990, a fait l'objet d'un long débat devant l'Assemblée nationale. Fallait-il ou non définir dans la loi les besoins de l'enfant ?

L'harmonisation de la notion d'intérêt de l'enfant est rendue nécessaire par les interprétations différentes qui ont pu être faites de « l'intérêt supérieur de l'enfant », a expliqué la députée (UMP) Henriette Martinez. Il s'agit de la notion introduite à l'article 375-1 du code civil par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance (5), et selon laquelle toute décision du juge des enfants se prononçant en matière d'assistance éducative doit être prise « en stricte considération de l'intérêt de l'enfant ». Selon la députée, cet intérêt « reste, même s'il est mentionné dans la loi, une notion extrêmement subjective et sujette à interprétation ». Et d'ajouter : « Il ne suffit pas de dire que l'intérêt de l'enfant est supérieur : il faut préciser en quoi il consiste et ce dont un enfant a besoin pour se développer sur le plan physique, affectif, intellectuel et social. Il reviendra ensuite aux travailleurs sociaux et aux juges d'apprécier la situation de l'enfant en fonction de ces 4 notions » (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, page 76).

D'abord opposés à une définition législative trop précise des besoins de l'enfant qui risquait de conduire à restreindre la notion d'intérêt de l'enfant, Valérie Pecresse et Philippe Bas se sont finalement rangés à cet avis. Le ministre a déclaré avoir « le sentiment qu'au contact des familles et des enfants, les professionnels, qui seront notamment aidés par les guides de bonnes pratiques, auront une capacité d'appréciation » et admis la nécessité d'« évoquer les dimensions affectives, physiques, intellectuelles et sociales de l'enfant car il s'agit là de termes suffisamment généraux » (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, page 79).

B - Les missions de la PMI (art. 1)

Outre la clarification de son positionnement sous la responsabilité du président du conseil général, la protection maternelle et infantile voit ses missions s'élargir avec le renforcement de la dimension médico-sociale de son intervention.

1- UN SERVICE PLACÉ SOUS LA RESPONSABILITÉ DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL

La loi « rappelle d'abord, dans le code de l'action sociale et des familles, que les départements sont responsables des services de protection maternelle et infantile [PMI] au même titre qu'il le sont des services d'aide sociale à l'enfance [ASE] et des services d'action sociale », a expliqué André Lardeux. En effet, l'article L. 123-1 du code de l'action sociale et des familles affirme désormais que le département est responsable du service de protection maternelle et infantile mentionné à l'article L. 2112-1 du code de la santé publique et qu'il en assure le financement. Le rapporteur a estimé à ce titre que l'inscription de cette règle, déjà prévue par le code de la santé publique, dans le code de l'action sociale et des familles atteste que « la PMI, jusqu'ici uniquement régie par les règles du code de la santé publique, doit également contribuer à des missions d'ordre social ou médico-social. En pratique, les services de PMI se voient confier de nouvelles missions de prévention dont l'objet n'est effectivement plus exclusivement d'ordre médical » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 40).

Le code de la santé publique (CSP), également modifié, indique que les compétences du département en matière de santé maternelle et infantile sont exercées par la PMI, non seulement sous l'autorité du président du conseil général, mais également sous sa responsabilité (CSP, art. L. 2112-1, al. 1 modifié). Ainsi, le service n'est plus placé sous la responsabilité d'un médecin mais simplement dirigé par lui (CSP, art. L. 2112-1, al. 2 modifié). En outre, l'obligation d'organiser les activités de protection de la santé maternelle et infantile est mise à la charge du président du conseil général (CSP, art. L. 2112-2, al. 1 modifié)(6). Ainsi, « il apparaît clairement que la compétence appartient bien au président du conseil général, même s'il s'appuie sur ses services pour [...] mettre en oeuvre » ces activités (Rap. Sén. n° 205, février 2006, Lardeux, page 17). Philippe Bas a d'ailleurs salué cette clarification du « positionnement des services de protection maternelle et infantile, qui relèvent sans ambiguïté possible du président du conseil général lui-même » (J.O. Sén. [C.R.] n° 16 du 13-02-07, page 1353).

Autre précision apportée par la loi : c'est le « conseil général » qui doit participer aux actions de prévention et de prise en charge des « mineurs en danger ou qui risquent de l'être » et pas seulement son service de PMI (CSP, art. L. 2112-2, al. 10 modifié).

2 - L'ÉLARGISSEMENT DES MISSIONS DE LA PMI

La loi renforce « la dimension de prévention médico-sociale [qui] existait déjà dans les consultations qu'organisaient les services de PMI à destination des enfants de moins de 6 ans », a expliqué Valérie Pecresse (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 53). Elle met ainsi à la charge de la PMI de nouvelles missions qui visent tant la période périnatale, avec des interventions au cours de la grossesse et postnatales, que l'enfant lui-même avec des actions de dépistage.

a - Des actions d'accompagnement de la future mère

La PMI est chargée de mettre en oeuvre des actions d'accompagnement si celles-ci apparaissent nécessaires lors d'un entretien systématique psychosocial réalisé au cours du 4e mois de grossesse (CSP, art. L. 2112-2, 4° modifié).

Le plan « périnatalité » de 2004 avait déjà prévu un entretien individuel de 4e mois (7), mais il n'était pas mis en oeuvre partout, a souligné Marie-Thérèse Hermange dans son rapport Périnatalité et parentalité remis à Philippe Bas en mars 2006 (8). Et, pour remédier au fait que le suivi des grossesses soit « essentiellement médical et ne comporte aucun suivi social, sauf pour les populations les plus marginalisées déjà connues des services sociaux » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 54), la loi donne à cet entretien un caractère « psychosocial ». Il est ainsi clairement « distinct du deuxième examen médical obligatoire de suivi de la grossesse, qui est également réalisé au cours de ce 4e mois » (Rap. Sén. n° 205, février 2006, Lardeux, page 17).

b - Un suivi post-natal à la maternité, à domicile et lors de consultations pour les parents

Les services de la PMI sont également chargés d'assurer des actions médico-sociales préventives et de suivi à la demande ou avec l'accord des intéressés et en liaison avec le médecin traitant ou les services hospitaliers, pour les parents en période post-natale, à la maternité, à domicile, notamment dans les jours qui suivent le retour à domicile, ou lors de consultations (CSP, art. L. 2112-2, 4° bis nouveau).

c - Un dépistage des troubles de l'enfant

La loi prévoit que les services de la PMI contribuent également, à l'occasion des consultations et des actions de prévention médico-sociale, aux actions de prévention et de dépistage des troubles d'ordre physique, psychologique, sensoriel et de l'apprentissage. Ils orientent l'enfant, le cas échéant, vers les professionnels de santé et les structures spécialisées (CSP, art. L. 2112-2, al. 11 nouveau).

Au cours de la discussion du projet de loi devant le Parlement, le dépistage de ces troubles de manière « précoce » avait été envisagé. Mais il a été écarté en raison de l'amalgame qui aurait pu être fait avec le dépistage précoce des troubles des conduites de l'enfant préconisé dans un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale qui avait déclenché un tollé (9). La loi « vise, au contraire, à définir les missions de la PMI en mentionnant les actions de prévention et de dépistage précoce des troubles - non pas des comportements - d'ordre physique, psychologique, sensoriel et de l'apprentissage. Il s'agit purement et simplement d'une disposition de prévention et de suivi sanitaire du jeune enfant », a rassuré Valérie Pecresse (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, page 81).

d - Un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans

Aux consultations et actions de prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de 6 ans s'ajoute l'obligation pour les services de la PMI de procéder à l'établissement d'un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans, notamment en école maternelle (CSP, art. L. 2112-2, 2° modifié). Ce bilan vise, selon la rapporteure, à « diagnostiquer plus facilement l'ensemble des troubles du développement qui ont des conséquences directes sur les acquisitions scolaires et la socialisation de l'enfant (troubles du langage, de l'audition...) » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 53).

C - Le renforcement du rôle de la médecine scolaire (art. 1)

1 - LE RENFORCEMENT DE LA FRÉQUENCE DES VISITES MÉDICALES

Alors que 25 % des enfants ne bénéficient toujours pas de la visite médicale de la sixième année, pourtant obligatoire à l'école (10), les parlementaires ont prévu des visites médicales obligatoires supplémentaires à 9, 12 et 15 ans. La généralisation de ces visites se fera néanmoins progressivement. Elles devront ainsi être assurées pour la moitié au moins de la classe d'âge concernée dans un délai de 3 ans et, pour toute la classe d'âge concernée, dans un délai de 6 ans à compter de la publication de la loi au Journal officiel. L'ensemble de ces visites ne donnent pas lieu à contribution financière de la part des familles, précise la loi (code de l'éducation [C. éduc.], art. L. 541-1 modifié).

Des examens médicaux périodiques continueront par ailleurs à être effectués tout au long de la scolarité via la surveillance sanitaire des élèves exercée avec le concours d'un service social et, ajoute la loi, avec le concours d'une infirmière dans les établissements du second degré (C. éduc., art. L. 541-1 modifié).

2 - L'ÉLARGISSEMENT DU CONTENU DE L'EXAMEN

Au cours des visites, un bilan de l'état de santé à la fois physique et psychologique est réalisé. « L'objet n'est pas seulement de faire le point sur l'état de santé de l'enfant mais aussi de dresser un bilan de son développement psychomoteur et de son équilibre psychologique », a expliqué Valérie Pecresse (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 56). En outre, le renforcement du suivi sanitaire des enfants permettra de « détecter le plus précocement les souffrances psychiques ou des comportements à risque comme, par exemple, la toxicomanie ou l'anorexie » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 56).

Par ailleurs, à l'occasion de la visite de la sixième année, un dépistage des troubles spécifiques du langage et de l'apprentissage est organisé. La loi précise que les médecins de l'Education nationale doivent travailler en lien avec l'équipe éducative, les professionnels de santé et les parents, afin que, pour chaque enfant, une prise en charge et un suivi adaptés soient réalisés à la suite de ces visites.

Le contenu de l'examen médical de prévention et de dépistage sera déterminé par voie réglementaire pour chacune des visites obligatoires.

3 - LA POSSIBILITÉ DE FAIRE PRATIQUER LE BILAN DE SANTÉ PAR UN MÉDECIN LIBÉRAL

La loi prévoit que les parents sont tenus, sur convocation administrative, de présenter les enfants à ces visites, sauf s'ils sont en mesure de fournir un certificat médical attestant que le bilan de santé a été assuré par un professionnel de santé de leur choix. Selon Valérie Pecresse, « le recours possible à des médecins libéraux permettra de pallier les insuffisances actuelles de la médecine scolaire » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 56).

D - Les missions de l'aide sociale à l'enfance (art. 3 et 18, 2°)

1 - L'AJUSTEMENT DE LA DÉFINITION DES MISSIONS DE L'ASE

Les missions de l'aide sociale à l'enfance énoncées à l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles font l'objet d'une redéfinition orientée vers la prévention.

Les causes susceptibles de déclencher le soutien matériel, éducatif et psychologique des services de l'ASE aux mineurs et à leur famille sont précisées. Jusqu'à présent, l'ASE intervenait en cas de « difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement l'équilibre des mineurs » et de leur famille, des mineurs émancipés et des majeurs de moins de 21 ans. La loi prévoit désormais que les services de l'ASE sont chargés d'apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs et à leur famille (ou à tout autre détenteur de l'autorité parentale), lorsqu'ils sont confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social. Les services de l'ASE apporteront par ailleurs leur soutien aux mineurs émancipés et aux majeurs de moins de 21 ans lorsque ceux-ci sont confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre.

La loi élargit le champ d'action de l'ASE. Ainsi, les actions de prévention et de protection que l'ASE mène à l'occasion de l'ensemble de ses interventions concernent désormais les situations de danger et non plus seulement les situations de « maltraitance » (voir encadré, page 22). De même, l'ASE a désormais pour mission de recueillir des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être, et plus seulement des informations relatives aux mineurs maltraités. Ces informations sont transmises dans le cadre de la cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes (voir page 27).

2 - L'ÉTABLISSEMENT D'UN RAPPORT ANNUEL SUR LA SITUATION DE L'ENFANT

Afin d'améliorer la qualité du suivi des enfants confiés au service de l'aide sociale à l'enfance, la loi prévoit que l'ASE établit annuellement un rapport portant non pas, comme le prévoyait initialement le projet de loi, sur la situation des enfants bénéficiant d'une ou de plusieurs prestations d'aide sociale à l'enfance, mais sur la situation des enfants accueillis (CASF, art. L. 223-5 modifié). Ainsi, le service est chargé d'élaborer au moins une fois par an, après une évaluation pluridisciplinaire, un rapport sur la situation de tout enfant accueilli ou faisant l'objet d'une mesure éducative. Le projet de loi prévoyait à l'origine que le rapport porterait notamment sur la santé physique ou psychique de l'enfant, son développement, sa scolarité, sa vie sociale, ses relations avec sa famille, mentions supprimées par le Sénat en première lecture, « la référence à une évaluation pluridisciplinaire suffisant à garantir que le rapport ne restera pas cantonné, comme aujourd'hui, aux aspects éducatifs » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 65).

Lorsque l'enfant a été confié aux services de l'ASE par une décision judiciaire, ce rapport est transmis au juge. Un décret à venir devrait prévoir qu'il « ne se substitue pas à celui qui doit être remis au juge par l'établissement ou le service d'accueil qui a directement en charge l'enfant, conformément à l'article 1199-1 du nouveau code de procédure civile » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 64).

Le contenu et les conclusions de ce rapport sont portés à la connaissance du père, de la mère, de toute autre personne exerçant l'autorité parentale, du tuteur et du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité. Néanmoins, la loi prévoyant que cette règle s'applique « sans préjudice des dispositions relatives à la procédure d'assistance éducative », le rapporteur de la loi au Sénat explique : « lorsque ce rapport sera établi pour un enfant confié par le juge à l'ASE, la transmission du rapport ne pourra s'effectuer qu'en respectant les règles propres à la procédure d'assistance éducative » (Rap. Sén. n° 205, février 2007, Lardeux, page 39). L'article 1187 du nouveau code de procédure civile prévoit en effet une procédure particulière de consultation du dossier judiciaire d'assistance éducative (consultation au greffe du tribunal, possibilité pour le juge d'exclure la consultation de certaines pièces du dossier...), procédure récemment déclarée conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par la Cour de cassation (11).

E - Le rôle du président du conseil général (art. 18, 1°)

« Confier un rôle de chef de file au département en matière de protection de l'enfance suppose que celui-ci soit en mesure d'avoir une vision globale de la situation des enfants en danger relevant de son ressort territorial » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 63). A cet effet, la loi attribue au président du conseil général un rôle de coordination visant à améliorer la continuité du suivi des enfants lorsqu'une mesure est prise par l'autorité judiciaire.

1- UN RÔLE DE COORDINATION

La mission de coordination confiée au président du conseil général par la loi concerne les situations dans lesquelles le juge des enfants a décidé l'une des mesures suivantes :

l'enfant est maintenu dans son milieu et une personne ou un service d'observation, d'éducation ou de rééducation en milieu ouvert chargé de suivre son développement est désigné ou encore l'enfant est hébergé par un tel service (C. civ., art. 375-2) ;

l'enfant est confié à un seul des deux parents, à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, à un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge, à un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé (C. civ., 375-3, 1°, 2°, 4° et 5°).

Ainsi, lorsqu'un enfant bénéficie de l'une de ces mesures, « le président du conseil général organise, sans préjudice des prérogatives de l'autorité judiciaire, entre les services du département et les services chargés de l'exécution de la mesure, les modalités de coordination en amont, en cours et en fin de procédure, aux fins de garantir la continuité et la cohérence des actions menées » (CASF, art. L. 221-4, al. 2 nouveau).

2 - LA TRANSMISSION PAR LES SERVICES D'UN RAPPORT SUR LES ACTIONS MENÉES

Le projet de loi initial offrait au président du conseil général la possibilité de demander au service, à l'établissement ou à la personne désignée pour la mesure éducative ou à qui a été confié l'enfant de lui communiquer toute information strictement nécessaire à l'accomplissement de sa mission de protection de l'enfance. La loi prévoit au final que c'est le service qui a été chargé par le juge de l'exécution de l'une des mesures mentionnées ci-dessus qui doit transmettre au président du conseil général un rapport circonstancié sur la situation et sur l'action ou les actions déjà menées. Il en avise en outre le père, la mère, toute personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur, sauf en cas de danger pour l'enfant (CASF, art. L. 221-4, al. 2 nouveau).

II - LE RECUEIL ET LE TRAITEMENT DES INFORMATIONS PRÉOCCUPANTES

Un dispositif d'alerte mieux identifié et mieux organisé doit permettre de détecter plus tôt les situations où des enfants sont en danger. C'est pourquoi la loi centralise les informations au niveau du président du conseil général avec la création d'une cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes et d'un observatoire départemental de la protection de l'enfance placé sous son autorité. La réforme instaure par ailleurs le secret professionnel partagé afin de permettre aux personnels de la protection de l'enfance soumis au secret professionnel de se communiquer des informations à caractère confidentiel lorsque cela va dans le sens de la protection de l'enfant.

A - Une cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes (art. 12, 2° et 13)

Avec le concours du représentant de l'Etat et de l'autorité judiciaire, le président du conseil général est chargé du recueil, du traitement et de l'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l'être (CASF, art. L. 226-3 modifié).

Afin d'assurer l'efficacité opérationnelle de ce dispositif, des protocoles doivent être établis entre le président du conseil général, le représentant de l'Etat dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l'autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d'une cellule de recueil, de traitement et d'évaluation de ces informations.

Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l'être, participent au dispositif départemental. Le président du conseil général peut également requérir la collaboration d'associations concourant à la protection de l'enfance.

Les informations ne peuvent être collectées, conservées et utilisées que pour assurer les missions de prévention des situations de danger à l'égard des mineurs. Elles sont transmises sous forme anonyme à l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED) selon des modalités qui seront fixées par décret.

Après évaluation, les informations individuelles font, si nécessaire, l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire.

Dans les 2 ans suivant la promulgation de la loi, le Parlement est saisi par le gouvernement d'un bilan de la mise en oeuvre de la cellule opérationnelle départementale qui devra établir l'impact du nouveau dispositif, son évaluation qualitative et quantitative, ainsi que les coûts de sa mise en oeuvre par les départements et les compensations versées par l'Etat.

B - La création d'un observatoire départemental de la protection de l'enfance (art. 16)

La loi crée, dans chaque département, un observatoire départemental de la protection de l'enfance placé sous l'autorité du président du conseil général (CASF, art. L. 226-3-1 nouveau). Selon l'exposé des motifs de la loi, « cet observatoire travaille en liaison avec l'Observatoire national de l'enfance en danger » créé par la loi du 2 janvier 2004 (12) et dont une des missions consiste à recueillir, analyser, évaluer et diffuser les données chiffrées.

La loi renforce ici l'initiative prise par certains départements de créer de tels observatoires départementaux afin d'améliorer la cohérence des informations chiffrées dans la perspective d'une meilleure connaissance des populations d'enfants concernés. En effet, le premier rapport de l'ONED, publié en novembre 2005 (13), avait souligné la difficulté de mettre en cohérence les chiffres produits par les départements qui recensent le nombre d'enfants confiés à l'ASE et ceux de la justice qui comptabilisent les mesures d'assistance éducatives prononcées, des enfants pouvant donc être comptabilisés deux fois lorsque le juge décide de confier l'enfant à l'ASE. La création « d'un organisme unique de recueil et d'analyse des données chiffrées au sein de chaque département [répond] ainsi au besoin de l'ONED de s'appuyer sur des instances locales compétentes pour assurer sa mission de synthèse nationale des données sur la protection de l'enfance » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 87).

L'observatoire départemental a pour mission :

de recueillir, d'examiner et d'analyser les données relatives à l'enfance en danger dans le département, au regard notamment des informations anonymes transmises par la cellule opérationnelle du département (voir ci-dessus). Ces données sont ensuite adressées par chaque département à l'ONED ;

d'être informé de toute évaluation des services et établissements intervenant dans le domaine de la protection de l'enfance (14) ;

de suivre la mise en oeuvre du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale pour sa partie concernant les établissements et services destinés aux enfants en danger, et de formuler des avis ;

de formuler des propositions et avis sur la mise en oeuvre de la politique de protection de l'enfance dans le département.

L'observatoire départemental établit également des statistiques qui sont portées à la connaissance de l'assemblée départementale et transmises aux représentants de l'Etat et de l'autorité judiciaire.

Il sera composé de représentants des services du conseil général, de l'autorité judiciaire dans le département et des autres services de l'Etat ainsi que des représentants de tout service et établissement du département qui participe ou apporte son concours à la protection de l'enfance, et des représentants des associations concourant à la protection de l'enfance et de la famille.

C - L'instauration d'un secret professionnel partagé (art. 15)

En instaurant un partage d'informations entre des personnes qui sont chacune soumises au secret professionnel en vue d'assurer la protection d'un enfant, l'article 15 de la loi donne une base légale à « la notion de «secret partagé» [qui était] en gestation depuis plusieurs années » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 85). Une mesure à rapprocher du partage d'informations à caractère secret instauré par la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 lorsque plusieurs professionnels de l'action sociale interviennent auprès d'une même personne ou d'une même famille (15).

Par exception à l'article 226-13 du code pénal, qui punit les atteintes au secret professionnel, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance définie par l'article 1er de la loi, ou qui lui apportent son concours, sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier.

Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance.

Le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant (CASF, art. L. 226-2-2 nouveau).

Au cours des débats parlementaires, les risques potentiels que ce partage d'informations entre des personnes soumises au secret professionnel peut susciter ont été évoqués. Selon le sénateur (PS) Jean-Pierre Michel, le partage n'aura l'effet escompté que si les professionnels jouissent de la confiance des familles. « Or dès l'instant que ces dernières suspecteront ces informations partagées, qui peuvent les mettre gravement en cause, de servir à d'autres fins, notamment à l'information des élus, des services de police ou de gendarmerie, les professionnels ne pourront plus travailler et ne partageront plus aucune information » (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5041). L'ONED a également pointé les problèmes d'articulation entre le contrat de responsabilité parentale créé par la loi pour l'égalité des chances (16), certaines mesures prévues par la loi sur la prévention de la délinquance (17) et celle réformant la protection de l'enfance, mettant en garde contre un risque d'illisibilité et d'incompréhension du fonctionnement du système du côté des familles.

Afin de rassurer sur ce point, Philippe Bas a indiqué que la loi n'entendait pas « dynamiter » le secret professionnel et qu'elle prévoyait les garanties nécessaires pour que, lorsque le partage de l'information est nécessaire, il soit « permis », « organisé », « encouragé ». En revanche, « dans le cas où, au contraire, la garantie du secret professionnel est nécessaire, celui-ci est maintenu », a ajouté le ministre (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5042). Propos interprétés par le sénateur Jean-Pierre Michel comme l'engagement du ministre à ce qu'« en aucun cas ces informations ne [puissent] être communiquées à des services de police ou de gendarmerie dans le cadre d'un délit qui serait commis au sein même de la famille concernée, ou au maire dans le cadre, par exemple, du contrat de responsabilité parentale » (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5042). Cette interprétation a par ailleurs été confirmée par la rapporteure de la loi à l'Assemblée nationale qui a indiqué qu'« il n'[était] pas question que les dispositifs prévention de la délinquance et protection de l'enfance se télescopent » (J.O.A.N. [C.R.] n° 2 du 11-01-07, page 140).

III - LES MODALITÉS DU SIGNALEMENT

Les modalités du signalement sont réorganisées en vue de donner la primauté à l'intervention sociale sur l'intervention judiciaire. Cette amélioration de la coordination entre les deux volets de la protection de l'enfance passe également par une meilleure transmission des informations, notamment entre le juge et le président du conseil général.

A - Le signalement à la justice

1 - LE SIGNALEMENT EFFECTUÉ PAR LE PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL (art. 12, 3° et 14, 2°)

Les règles de signalement de mineurs à l'autorité judiciaire par le président du conseil général sont modifiées dans l'objectif de réduire les cas de recours à la justice devenus, selon le législateur, trop fréquents et systématiques. Indispensables lorsque la famille s'oppose aux mesures de prise en charge par l'ASE, ils occasionnent cependant des délais de prise en charge rallongés, ce qui nuit à la protection de l'enfant. La subsidiarité de la protection judiciaire par rapport à l'intervention sociale est donc réaffirmée (18).

L'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version antérieure à la loi, prévoyait que « lorsqu'un mineur est victime de mauvais traitements ou lorsqu'il est présumé l'être, et qu'il est impossible d'évaluer la situation ou que la famille refuse manifestement d'accepter l'intervention du service d'aide sociale à l'enfance, le président du conseil général avise sans délai l'autorité judiciaire ». Désormais les cas de saisine de la justice par le président du conseil général obéissent à de nouvelles règles qui diffèrent selon que l'enfant est en danger ou présumé être en danger.

a - L'enfant est en situation de danger

Lorsqu'un mineur est en danger au sens de l'article 375 du code civil (voir encadré, page 22), le président du conseil général doit aviser, sans délai, le procureur de la République si :

l'enfant a déjà fait l'objet d'une ou de plusieurs mesures d'aide à domicile, d'accueil de jour ou d'accueil ponctuel qui n'ont pas permis de remédier à la situation ;

l'enfant n'a jamais fait l'objet de l'une de ces mesures mais celles-ci ne peuvent être mises en place en raison du refus de la famille d'accepter l'intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ou de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de collaborer avec ce service.

b - L'enfant est présumé être en situation de danger

Lorsqu'un mineur est présumé être en situation de danger au sens de l'article 375 du code civil, le président du conseil général ne doit aviser, sans délai, le procureur de la République que s'il est impossible d'évaluer cette situation.

Il fait connaître au procureur les actions déjà menées, le cas échéant, auprès du mineur et de sa famille.

Le procureur informe dans les meilleurs délais le président du conseil général des suites qui ont été données à sa saisine.

Lorsque le ministère public a été saisi par le président du conseil général, la loi lui impose de vérifier que la situation du mineur entre bien dans le champ d'application du nouvel article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles (C. civ., art. 375, al. 1 modifié).

2 - L'INFORMATION DU PRÉSIDENT DU CONSEIL GÉNÉRAL DANS LES AUTRES CAS DE SIGNALEMENT (art. 12, 3°)

Toute personne travaillant au sein des services publics ou des établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger qui avise directement, du fait de la gravité de la situation, le procureur de la République d'un mineur en danger doit adresser une copie de cette transmission au président du conseil général (CASF, art. L. 226-4, II modifié).

Lorsque le procureur a été avisé par une autre personne, il transmet au président du conseil général les informations qui sont nécessaires à l'accomplissement de sa mission de protection de l'enfance. Il informe la personne qui l'a avisé des suites données au signalement(CASF, art. L. 226-4, II modifié).

Ces mesures permettent de porter à la connaissance du président du conseil général des signalements qui, classés sans suite par le juge, ne lui parvenaient pas systématiquement. Dès lors, le président du conseil général, en possession d'une information exhaustive sur les signalements d'enfants en danger, peut conduire sa politique de protection de l'enfance en disposant de tous les éléments d'appréciation. En effet, « si une intervention judiciaire n'est pas fondée, cela n'exclut pas qu'une intervention sociale puisse être opportune », a souligné le rapporteur de la loi au Sénat (J.O. Sén. [C.R.] n° 62 du 22-06-06, page 5030).

B - Le signalement des informations préoccupantes au président du conseil général par les professionnels (art. 12, 1°)

Sans préjudice des dispositions prévoyant que la justice soit avisée en premier recours (voir ci-dessus), la loi prévoit que les personnes qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance, telle que définie par l'article 1er de la loi, ainsi que celles qui lui apportent leur concours, doivent transmettre sans délai au président du conseil général, ou au responsable désigné par lui, toute information préoccupante sur un mineur en danger ou risquant de l'être (CASF, art. L. 226-2-1, nouveau).

Les personnes concernées par cette obligation sont donc non seulement les personnels du service d'aide sociale à l'enfance et de l'autorité judiciaire en tant qu'ils mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance, « mais également tous ceux qui concourent d'une manière ou d'une autre à l'éducation et à la surveillance des enfants » (Rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 75), soit : les autres services du conseil général susceptibles de connaître des situations d'enfants en danger (services sociaux, PMI), les administrations de l'Etat comme l'Education nationale ou les services de la protection judiciaire de la jeunesse, les communes par le biais des centres communaux d'action sociale ou des crèches, les associations gestionnaires d'établissements ou de services accueillant des enfants ou encore les professionnels de santé, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers.

Par ailleurs, la transmission concerne les informations « préoccupantes », notion que la loi ne définit pas. Elle précise simplement que la transmission de l'information « a pour but de permettre d'évaluer la situation du mineur et de déterminer les actions de protection et d'aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier » (CASF, art. L. 226-2-1, nouveau). Selon les rapporteurs de la loi à l'Assemblée nationale et au Sénat, il s'agit « des informations de toute nature qui peuvent constituer des indices de danger pour l'enfant [...], qui constituent un motif de préoccupation pour le professionnel concerné mais qui demandent à être recoupées ou approfondies par le biais d'une enquête sociale » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 50 et rap. A.N. n° 3256, juillet 2006, Pecresse, page 75). La transmission n'est donc pas limitée aux informations qui pourraient déclencher un signalement judiciaire.

Lorsque cette information est couverte par le secret professionnel, sa transmission est assurée dans le respect des règles relatives au secret social partagé (voir page 28). Et, à moins que l'intérêt du mineur ne s'y oppose, le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale ou le tuteur sont préalablement informés de cette transmission, selon des modalités adaptées (CASF, art. L. 226-2-1, nouveau).

La loi prévoit que le président du conseil général informe les personnes qui lui ont communiqué des informations des suites qui leur ont été données. Sont visées celles qui ont eu connaissance de ces informations à l'occasion de l'exercice de leur activité professionnelle ou, désormais, d'un mandat électif (CASF, art. L. 226-5 modifié).

A noter : la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007(19)prévoit, quant à elle, la transmission d'informations au maire et au président du conseil général par les professionnels de l'action sociale lorsqu'ils constatent que l'aggravation des difficultés sociales, éducatives ou matérielles d'une personne ou d'une famille appelle l'intervention de plusieurs professionnels.

À SUIVRE...

Plan du dossier

Dans ce numéro :

I - La clarification des missions des intervenants au service de la prévention

A - La mission de la protection de l'enfance

B - Les missions de la PMI

C - Le renforcement du rôle de la médecine scolaire

D - Les missions de l'aide sociale à l'enfance

E - Le rôle du président du conseil général

II - Le recueil et le traitement des informations préoccupantes

A - Une cellule de recueil et de traitement des informations préoccupantes

B - La création d'un observatoire départemental de la protection de l'enfance

C - L'instauration d'un secret professionnel partagé

III - Les modalités du signalement

A - Le signalement à la justice

B - Le signalement des informations préoccupantes au président du conseil général

Dans un prochain numéro :

IV - Les modes d'intervention

V - Les rapports des familles avec les services de l'ASE

VI - Mesures diverses

La notion d'enfant en danger (art. 3 et 14)

La loi substitue dans le code de l'action sociale et des familles la notion d'enfant en danger à celle d'enfant maltraité issue de la loi du 19 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance. Elle réalise ainsi la mise en cohérence dans le code de l'action sociale et des familles et dans le code civil de la définition des situations de danger pour un mineur « au profit de la définition figurant dans le code civil qui fait référence à la notion de «mineur en danger», plus large et plus complète que celle de «mineur maltraité» » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 43). En outre, la liste des situations pouvant entraîner une mesure d'assistance éducative par le juge est mise en cohérence avec celle des causes susceptibles de déclencher une intervention de l'ASE par l'ajout des situations qui compromettent gravement le « développement physique, affectif, intellectuel et social » de l'enfant (C. civ., art. 375). Cette unification des définitions vise à améliorer la coordination des interventions des départements et de la justice en matière de protection de l'enfance.

Autre effet de la nouvelle notion d'« enfant en danger » : l'extension du champ d'action des acteurs de la protection de l'enfance à toutes les situations qui mettent l'enfant en danger ou en risque de danger telles que « la grande précarité économique et sociale lorsqu'elle conduit les parents à ne plus pouvoir faire face à leurs responsabilités, l'instrumentalisation de l'enfant dans le cadre d'une séparation parentale très conflictuelle, la maladie grave d'un parent qui empêche celui-ci d'assurer pleinement ses tâches éducatives ou encore les difficultés importantes de la relation entre parents et enfant quand elles ne peuvent plus être traitées par les seuls moyens classiques d'aide à la parentalité » (Rap. Sén. n° 393, juin 2006, Lardeux, page 44).

La formation des professionnels (art. 25)

La loi instaure une obligation de formation à la problématique de l'enfance en danger pour les professionnels participant à des missions de protection de l'enfance. Cette formation existait bien auparavant, mais elle ne portait que sur la problématique de la maltraitance. Désormais, cette formation initiale et continue sera dispensée non seulement aux médecins, aux personnels médicaux et paramédicaux, aux travailleurs sociaux, aux magistrats, aux enseignants, aux personnels de la police nationale et de la gendarmerie, comme c'était déjà le cas, mais aussi aux policiers municipaux ainsi qu'aux personnels d'animation sportive, culturelle et de loisirs. Elle sera en partie commune aux différentes professions et institutions. Cette mesure sera précisée par des textes réglementaires (C. éduc., art. L. 542-1 modifié).

La loi prévoit par ailleurs le suivi d'une formation adaptée à l'exercice de leurs missions pour les cadres territoriaux qui, par délégation du président du conseil général, prennent des décisions relatives à la protection de l'enfance et fixent les modalités de leur mise en oeuvre. Cette formation, en partie commune aux différentes professions et institutions, sera dispensée dans des conditions fixées par décret (CASF, art. L. 226-12-1 nouveau).

Saisine du défenseur des enfants (art. 7)

La loi élargit la liste des personnes pouvant saisir le défenseur des enfants. Auparavant réservée aux mineurs eux-mêmes, à leurs représentants légaux et aux associations reconnues d'utilité publique qui défendent les droits des enfants, cette faculté est désormais ouverte aux membres de la famille des mineurs autres que les représentants légaux ainsi qu'aux services médicaux et sociaux. La loi accorde également au défenseur des enfants la possibilité de se saisir des cas qui lui paraissent mettre en cause l'intérêt de l'enfant lorsqu'ils lui sont signalés par des personnes ou des associations n'entrant pas dans les catégories visées ci-dessus. Autre innovation, la possibilité de transmettre au défenseur des enfants des réclamations d'ordre collectif. Ainsi, les membres du Parlement peuvent le saisir d'une question relevant de sa compétence et qui leur paraît mériter son intervention. Par ailleurs, sur demande d'une des six commissions permanentes de leur assemblée, le président du Sénat et celui de l'Assemblée nationale sont habilités à lui transmettre toute pétition dont leur assemblée a été saisie (loi n° 2000-196 du 6 mars 2000, art. 1er modifié).

Audition du mineur (art. 9)

La loi modifie les règles prévues à l'article 388-1 du code civil en matière d'audition du mineur capable de discernement dans le cadre des procédures judiciaires le concernant. Elle fait de l'audition directe par le juge la procédure de droit commun. Désormais, le mineur doit donc être entendu par le juge. Celui-ci ne peut confier l'audition à une autre personne (par exemple, un psychologue spécialiste de la petite enfance) que si l'intérêt de l'enfant le justifie.

En outre, afin de mettre le droit français en conformité avec l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, ratifiée par la France le 7 août 1990, la loi prévoit que l'audition est de droit dès lors que le mineur en fait la demande. Le juge ne peut donc plus, par une décision spécialement motivée, refuser de l'entendre. A l'inverse, le mineur peut aussi refuser d'être entendu, la loi donnant la possibilité au juge d'apprécier le bien-fondé de ce refus, c'est-à-dire de passer outre et de l'obliger à se présenter devant lui.

Enfin, le juge est tenu de s'assurer que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat.

Notes

(1) Notamment les rapports Broissia et Nogrix, le rapport de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant de l'Assemblée nationale, le rapport Hermange, le rapport de l'Observatoire national de l'enfance en danger et celui de l'inspection générale des affaires sociales.

(2) Voir ASH n° 2485-2486 du 22-11-06, p. 43.

(3) Voir ASH n° 2451 du 14-04-06, p. 13.

(4) Voir ASH n° 2454 du 5-05-06, p. 23.

(5) Voir ASH n° 2349 du 5-03-04, p. 17.

(6) Un point qui a d'ailleurs suscité l'inquiétude du Syndicat national des médecins de PMI - Voir ASH n° 2492 du 2-02-07, p. 43.

(7) Voir ASH n° 2381 du 12-11-04, p. 9.

(8) Voir ASH n° 2446 du 10-03-06, p. 9

(9) Voir ASH n° 2423 du 30-09-05, p. 46 et, en dernier lieu, n° 2493 du 9-02-07, p. 13.

(10) Philippe Bas se fixe comme objectif d'« atteindre 100 % d'ici 3 ans » (J.O.A.N. [C.R.] n° 1 du 10-01-07, p. 40).

(11) Voir ASH n° 2493 du 9-02-07, p. 12.

(12) Voir ASH n° 2349 du 5-03-04, p. 17.

(13) Voir ASH n° 2420 du 9-09-05, p. 43.

(14) Les évaluations des pratiques et des résultats incombent en principe à tous les établissements et services d'accueil intervenant dans le domaine de la protection de l'enfance depuis la loi du 2 janvier 2002 sur la rénovation de l'action sociale et médico-sociale, et devraient se mettre en oeuvre prochainement avec le récent lancement de l'Agence nationale de l'évaluation sociale et médico-sociale - Voir ASH n° 2498 du 16-03-07, p. 5.

(15) Voir ASH n° 2496 du 2-03-07, p. 5.

(16) Le dispositif du contrat de responsabilité parentale permet aux présidents des conseils généraux de subordonner le versement des allocations familiales au comportement des enfants concernés - Voir ASH n° 2451 du 14-04-06, p. 19 et n° 2468 du 8-09-06, p. 5.

(17) Voir ASH n° 2496 du 2-03-07, p. 5.

(18) Le secteur associatif est d'ailleurs divisé sur l'impact de ces modifications - Voir notamment ASH n° 2496 du 2-03-07, p. 41.

(19) Voir ASH n° 2496 du 2-03-07, p. 5.

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