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« Donner un sens à la solidarité, l'organiser et la financer »

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A l'approche de l'élection présidentielle, l'Uniopss en appelle au « courage » des candidats pour sortir de l'empilement de mesures sociales partielles et technicisées à outrance. Il est temps, demande son directeur général, Hubert Allier, d'engager un vrai débat sur notre modèle social pour permettre l'accès de tous aux droits fondamentaux.

Actualités sociales hebdomadaires : L'Uniopss a adressé cinq plateformes politiques aux candidats (1). Dans quel état d'esprit et selon quels choix ?

Hubert Allier : La plateforme politique générale est un appel au réalisme que nous avons résumé par la formule « le courage de construire ensemble un avenir solidaire ». Nous constatons en effet que l'écart se creuse entre les besoins croissants de solidarité et l'évolution des ressources de financement. Les projets, les réformes, les réglementations se succèdent, mais pas toujours dans la concertation, avec lisibilité et en cohérence avec l'ensemble de l'architecture institutionnelle et les moyens mis en oeuvre.

Nous avons choisi d'interpeller également les candidats avec quatre plateformes d'analyse sociale sectorielles et transversales, sur la santé, qui a fait l'objet d'un rapport rendu public à l'automne dernier (2), l'enfance, la famille et la jeunesse, la décentralisation et la réforme de l'Etat, le financement et la tarification (voir encadrés, pages 34, 36 et 37). Ces plateformes ne représentent pas le seul champ de notre action ou de notre inquiétude, mais nous paraissent refléter des défis majeurs sur lesquels il faut faire des propositions concrètes et privilégier des choix.

La commission « lutte contre la pauvreté et l'exclusion » de l'Uniopss - le collectif Alerte - vient par ailleurs d'interpeller les candidats, dont les réponses ont été rendues publiques (3). Nous aurions pu rédiger également une plateforme politique sur le financement de la dépendance, mais nous nous réservons de revenir prochainement sur le sujet, en analysant de façon approfondie les conclusions du rapport d'Hélène Gisserot.

Pendant cette législature, plusieurs lois sociales, sur le logement, la cohésion sociale ou la protection de l'enfance, ont été votées. Pourquoi, selon vous, risquent-elles de ne pas inverser la tendance ?

- Elles souffrent d'un manque de vision globale et de cohérence. Dans le champ de la jeunesse par exemple, on a empilé un certain nombre de dispositifs relatifs à la sécurité, auxquels s'est greffé un projet de loi sur la protection de l'enfance, dont l'application va se heurter à des problèmes d'articulation entre l'Etat, les conseils généraux et les collectivités locales. Par ailleurs, cela faisait six ans que nous travaillions sur le droit au logement opposable quand, tout à coup, Les Enfants de Don Quichotte sont arrivés et nous ont permis de gagner l'opposabilité dans une loi ! Mais tout le monde sait que cette loi sera inapplicable s'il n'y a pas de politiques publiques claires et des chefs de file clairement identifiés. Dans le secteur du logement en effet, tout le monde est responsable et personne ne l'est vraiment. De plus, l'introduction de dispositions sur l'hébergement, comme l'ouverture permanente des structures, viennent percuter toute la chaîne. Si rien n'est fait, il y aura embolisation du système dans peu de temps. De la même manière, la loi « handicap » du 11 février 2005 est une bonne loi, mais derrière, les moyens et l'évolution des pratiques et des mentalités sont insuffisants.

Autre exemple : l'Agence nationale d'évaluation sociale et médico-sociale. Le monde associatif et les membres de l'ancien Conseil national de l'évaluation se sont battus, non sans peine, pour que l'Assemblée des départements de France (ADF) soit présente dans le groupement d'intérêt public (GIP). Finalement, on apprend que l'ADF diffère sa signature et que le GIP démarre sans sa présence. Alors que les conseils généraux sont pilotes d'une grande partie des dispositifs sociaux depuis la loi de 2004 sur les libertés et les responsabilités locales, que signifie le fait que l'Agence nationale d'évaluation, dont le principe a été voté dans la loi de financement de sécurité sociale de 2007, puisse démarrer sans eux ?

Votre plateforme générale évoque une perte de repères et une peur de l'avenir de la part de l'opinion publique. Constatez-vous une aggravation, ou plutôt une transformation de la situation sociale ?

- Si, au niveau macroéconomique, la France est sans doute plus riche qu'il y a 30 ans, les réalités terribles du terrain prouvent que le fossé se creuse entre les précaires et les protégés. Le pays compte sept millions de personnes en dessous du seuil de pauvreté, deux millions de chômeurs et trois millions de travailleurs pauvres. Le nombre de personnes confrontées au décalage entre leurs ressources et la satisfaction de leurs besoins élémentaires s'accroît. Comment se loger aujourd'hui lorsque l'on touche moins que le SMIC, parce que l'on a seulement pu obtenir un contrat de travail à temps partiel subi, comme c'est le cas pour 1,2 million de salariés ? Le fait que certains maires aient, en 2007, proposé de rendre la cantine scolaire gratuite est particulièrement révélateur. La solidarité va mal. Outre le défaut de cohérence dans les politiques publiques que j'ai déjà évoqué, on a oublié de s'interroger sur le sens à donner à cette solidarité. S'agit-il seulement de mettre en oeuvre des outils de plus en plus réglementaires pour aboutir à une offre de service ? La technicité nous prive de direction, nous sommes en plein « syndrome du gyroscope » décrit par Luc Ferry (4)... Reste que les réponses, aussi normées soient-elles, ne sont pas proposées de la même manière à tout le monde : il y a un gouffre entre les personnes victimes d'une situation qui va donner lieu à réparation à travers une reconnaissance - les personnes handicapées, les personnes âgées - et les exclus.

Autre point important : la fraternité doit rester le fondement de la solidarité. Mais encore faut-il organiser des liens entre la solidarité de proximité et la solidarité nationale, professionnalisée et socialisée.

La lutte contre l'exclusion, à travers l'emploi et le logement, n'est pas totalement absente de la campagne présidentielle. Comment analysez-vous la façon dont les sujets sociaux sont traités par les candidats ?

- Ils ne sont pas abordés de façon globale. Il y a eu de belles déclarations, mais elles ne suffisent pas. Ce dont on a besoin, c'est de dire comment on organise et comment on finance la solidarité. En ne ciblant que certains publics ou certains sujets - le handicap en oubliant le logement, la délinquance en oubliant l'exclusion... -, le risque est grand de favoriser ceux qui vont dans le sens de l'histoire. Aujourd'hui, on tend ainsi à privilégier les processus de judiciarisation et de victimisation, au détriment des publics qui sont tenus pour coupables de leur situation, comme les jeunes délinquants.

Malgré toutes les préconisations déjà faites, pourquoi notre système de solidarité échoue-t-il toujours ?

- Il n'y a jamais eu de vrai débat sur l'adaptation de notre modèle social à notre environnement économique ni de courage pour sortir de la pensée unique. On entend aujourd'hui tantôt qu'il faut faire payer les plus riches, tantôt qu'il faut stabiliser ou baisser les impôts. Cela signifie-t-il qu'il faut diminuer la part des financements socialisés dans la solidarité ? Aller vers des financements privés, assuranciels ? Il y a une certaine résistance à penser notre modèle social dans un système libéral, au sens noble du libéralisme, fondé sur la responsabilité des individus et de la collectivité - et non dans un système capitalistique et financier. Peu d'économistes défendent, comme le spécialiste des inégalités Thomas Piketty, l'idée qu'une pression fiscale importante est positive pour la solidarité, tout en appelant à une réflexion sur qui paie quoi, ce qui est redistributif ou non, et par là même sur une modification de la CSG, qui a l'avantage de toucher aussi les capitaux. Pour le financement de la dépendance, nous appelons à une nouvelle prestation qui transformerait l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap en une prestation unique universelle dans le cadre d'un nouveau risque social de manque et de perte d'autonomie. Ce cinquième risque serait géré par les départements mais financé par des financements nationaux.

Vous appelez à une prise de conscience sur plusieurs enjeux de solidarité. Quelles sont vos principales attentes ?

- Un accès effectif aux droits fondamentaux, souvent proclamés et réaffirmés dans des lois. S'agissant de l'emploi, les exigences de flexibilité des entreprises vont difficilement diminuer dans le contexte de la mondialisation. Il appartient donc à l'Etat, aux partenaires sociaux et au monde associatif de redéfinir par la négociation de nouvelles sécurités et de trouver le meilleur équilibre possible entre droits et obligations et dans la répartition des revenus. Ces nouvelles sécurités doivent tout particulièrement être recherchées pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail. Outre le modèle à trouver pour favoriser la création d'emplois, il faut améliorer les itinéraires d'insertion, notamment en mettant en place un contrat unique d'insertion et un service public de l'emploi plus lisible. La réflexion doit être poursuivie pour favoriser la reprise d'un travail par les bénéficiaires de minima sociaux.

Disposer d'un logement décent au prix d'un taux d'effort personnel raisonnable constitue un autre besoin fondamental, en lui-même, mais aussi parce qu'en découlent d'autres droits, comme celui de pouvoir vivre en famille... Des politiques solidaires de santé doivent impliquer le refus de la discrimination et l'égalité de tous à l'éducation sanitaire, à la prévention et aux soins de qualité. Ce qui passe par le développement des permanences d'accès aux soins de santé dans les hôpitaux et des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins. Nous souhaitons également l'élargissement de la couverture maladie universelle et de sa complémentaire à toutes les personnes en dessous du seuil de pauvreté et aux bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat. Il importe aussi que les étrangers présents sur notre territoire aient accès aux droits fondamentaux et au respect de leur dignité. Quant aux personnes en situation de handicap, elles sont encore trop éloignées de l'enseignement, de la culture, de l'emploi et il manque des structures d'accueil spécialisé. Le soutien à domicile des personnes âgées fait défaut parce qu'il est encore mal reconnu dans l'ordre économique et social, tandis que les personnels qualifiés sont insuffisants dans les établissements.

Vous réclamez également une refondation des partenariats...

- Les associations sanitaires et sociales du secteur privé non lucratif, souvent confrontées aux financements précaires, aux contrôles accrus et à la méfiance à l'égard de l'expérimentation, doivent mieux collaborer avec les pouvoirs publics comme avec l'ensemble de l'économie de marché. Mais si le secteur associatif a besoin d'affirmer sa qualité d'acteur économique, il requiert d'autres sécurités que celles du secteur marchand. Les appels d'offres sont par exemple pour nous une aberration, à moins qu'ils puissent intégrer de forts critères d'intérêt général et sociaux. D'où l'importance de réfléchir à la notion d'intérêt général, au mode de financement des missions qui en relèvent et de poursuivre dans l'espace européen la mise en oeuvre d'un pôle social faisant contrepoids au pôle de la concurrence.

Les partenariats ne doivent par ailleurs pas se limiter à la simple exécution des politiques publiques. Certes, nous sommes parvenus à une co-construction avec les autorités de grandes lois dans plusieurs domaines - l'exclusion, la protection de l'enfance, le logement, le handicap... -, mais ce n'est pas le cas pour leur mise en oeuvre et l'évaluation. D'ailleurs, la charte de coopération que l'Uniopss avait signée avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité en 2002, qui était une déclinaison de celle de la CPCA [Conférence permanente des coordinations associatives] et prévoyait une évaluation concertée, n'a pas jamais été mise en oeuvre. Le gouvernement installé en 2002 a seulement admis ses principes, puis nous avons perdu notre interlocuteur quand la délégation interministérielle à l'innovation et à l'économie sociale a été institutionnellement séparée de la vie associative. Nous espérons pouvoir la relancer.

Garantir le droit au travail et au logement

En matière d'emploi, l'Uniopss demande deux engagements principaux aux candidats. Le premier : remettre à plat et simplifier les contrats aidés pour les fusionner dans un contrat unique d'insertion pour tous les publics. « Il s'agirait d'un contrat de droit commun, comme dans les autres pays européens, bénéficiant d'aides publiques pour financer le volet insertion », précise Bruno Grouès, conseiller technique à l'Uniopss.

Second volet de revendications : garantir un droit pour tous à une formation adaptée, financer l'accompagnement social et professionnel en tant que tel, et non pas par le biais des contrats aidés, et mettre en oeuvre le tutorat en entreprise, qui devrait lui aussi être financé.

Côté logement, « dans cinq ans, personne ne devrait plus être obligé de vivre dans la rue. La France est capable de tenir cet objectif », poursuit Bruno Grouès. A condition de construire des logements très sociaux en nombre suffisant et de permettre aux préfets de se substituer aux maires qui ne remplissent pas leurs obligations en matière de construction de logements sociaux. Le droit opposable au logement a besoin, réclame encore l'Uniopss, d'une seconde loi votée dès le deuxième semestre 2007 pour préciser les modalités de sa mise en oeuvre. Laquelle nécessite l'installation dans tous les départements des commissions de médiation. L'efficacité des aides personnelles au logement devrait être renforcée, ajoute l'Union, et un système universel de sécurisation des risques locatifs créé. « La loi sur le droit au logement opposable a instauré un fonds de garantie, mais nous avons des inquiétudes sur son financement », commente Bruno Grouès.

M. LB.

Pour un acte III de la décentralisation

L'Uniopss préconise une nouvelle étape de la décentralisation qui apporterait des retouches à la répartition des compétences, mais surtout inscrirait le « dialogue civil » à tous les échelons de décision. Elle milite aussi pour que l'Etat exerce pleinement son rôle de garant de l'effectivité et de l'égalité des droits.

Favorable à la décentralisation, l'Uniopss estime que « les promesses de l'acte II n'ont pas toutes été tenues », selon les termes d'Arnaud Vinsonneau, conseiller technique. D'abord parce que les réformes ont été fragmentées. De nombreux textes de loi sont intervenus (RMI, personnes handicapées, protection de l'enfance, tutelles), sans approche globale dans le domaine de la santé et de l'action sociale. Des « pans entiers ont été oubliés » comme la petite enfance ou l'insertion des 18-25 ans. La concertation sur les réformes a été insuffisante, juge encore l'Uniopss, qui déplore qu'au lieu des simplifications annoncées, on en arrive à « plus de complexité ». Reste le volet financier, pour lequel les départements jouent la variable d'ajustement, la difficulté étant que les collectivités qui ont à assumer le plus de dépenses sociales comptent rarement parmi les plus riches...

L'Uniopss appelle donc à « un acte III de la décentralisation », qui inclurait encore des évolutions ou

des retouches en matière de répartition des compétences.

Dans le domaine de la petite enfance, elle demande qu'une collectivité soit désignée comme chef de file et chargée d'augmenter l'offre d'accueil collectif et de veiller à une meilleure répartition géographique des équipements.

Dans le champ des personnes en difficulté, l'union appelle à « une vraie cohérence entre les minima sociaux » tout en souhaitant le maintien de la répartition de leur mise en oeuvre entre l'Etat pour l'allocation de solidarité spécifique, les caisses d'allocations familiales pour l'allocation de parent isolé, les départements pour le RMI (revenu minimum d'insertion). Cependant, elle demande, pour les conseils généraux, le rétablissement de l'obligation de consacrer 17 % des dépenses d'allocations à l'insertion des bénéficiaires, taux actuellement en forte diminution. Elle insiste parallèlement pour que l'Etat compense intégralement les charges liées au RMI. L'Uniopss propose enfin de confier à l'ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale) la mission d'analyser les politiques territoriales d'insertion.

En matière de logement, l'Uniopss veut renforcer le rôle central de l'Etat et des préfets. Et cela, qu'il s'agisse des aides à la personne, d'une contribution au système de garantie des risques locatifs pour les plus démunis ou du retour au contingent exclusivement préfectoral, qui lui paraît seul susceptible de garantir l'accès au logement des plus en difficulté. Elle appelle au retour au copilotage et au cofinancement Etat-département des fonds de solidarité logement, en réclamant que des minima de financement soient prévus par les textes. Elle demande enfin une véritable politique nationale de construction de logements sociaux et très sociaux, avec des délégations de compétences claires, assorties d'obligations de résultats.

Discours de la méthode

Cependant, l'intérêt de la décentralisation ne se juge pas à la répartition des compétences, mais à la façon dont elles sont exercées. La décentralisation ne vaut que si elle permet une meilleure solidarité territoriale et des rapports plus partenariaux entre acteurs locaux publics et privés, estime l'Uniopss.

La méthode qu'elle décline s'applique donc autant au plan territorial que national. Une politique publique ne peut être efficace que si elle s'appuie sur une observation sociale partagée, donc organisée, juge-t-elle. A cet égard, des expériences locales pourraient tester différentes formules, mais des lieux comme les CROSMS (comités régionaux d'organisation sociale et médico-sociale) « mériteraient sans doute d'être mieux investis, notamment par les associations ». Une concertation en amont - et pas seulement pour la forme - serait un autre gage de qualité des politiques publiques. Cette étape, à laquelle il faut accorder du temps, ne devrait pas être vécue comme un frein à la décision mais comme un signe de « vitalité démocratique », d'autant plus précieux que « se manifeste parfois un certain désintérêt pour la chose publique ».

Il faut « organiser la complexité », inévitable dès lors que plusieurs décideurs et financeurs publics et parapublics continuent d'être sollicités, estime l'Uniopss, et « donner de la chair à la notion de chef de file ». Souvent mise en avant, mais jamais définie clairement, cette responsabilité doit l'être. Elle devrait inclure, pour la collectivité territoriale concernée, la garantie du respect des droits sociaux et l'éventuelle substitution à la collectivité déléguée défaillante, quitte à se retourner ensuite vers elle pour récupérer les fonds.

L'Uniopss appelle aussi à une évaluation « pluraliste, régulière et transparente » des politiques publiques, y compris en amont avec une véritable étude d'impact des projets. Cela passe à ses yeux par un renforcement des pouvoirs du Parlement et par la création d'un Conseil national des politiques publiques locales.

Un Etat garant

La réduction des inégalités territoriales d'accès aux soins et à l'accompagnement devrait constituer l'une de priorités des années à venir, ajoute l'Uniopss qui appelle au maintien d'un « Etat garant ». Garant de la prise en compte des plus fragiles, garant d'un socle de droits quels que soient le lieu et la collectivité responsable, garant d'une sérieuse péréquation financière pour réduire les écarts de richesses. Cet Etat devrait, de plus, compenser mieux ses transferts de compétences, exercer réellement son contrôle de légalité et assumer pleinement sa fonction juridictionnelle, en y mettant les moyens nécessaires.

Au total, l'Uniopss appelle d'autres formes de régulation publique. Elle propose en particulier la création d'une nouvelle instance de concertation intégrant l'ensemble des acteurs dans le champ de l'enfance et de la jeunesse - comparable au CNLE (Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale) et au CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) - et l'institution de conseils départementaux et régionaux du développement social local. Elle demande aussi une meilleure association des acteurs à l'élaboration des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, les instances de concertation du secteur pouvant être mobilisées à cet égard.

Pour améliorer le dialogue, l'Uniopss souhaite aussi revenir, dans le secteur social et médico-social, aux schémas conjoints entre l'Etat et le département, lesquels pourraient s'enrichir d'une programmation financière conjointe. Ce qui suppose l'établissement de « liens plus forts » entre les schémas d'organisation sociale et médico-sociale et les PRIAC (programmes interdépartementaux d'accompagnement du handicap et de la perte d'autonomie), entre les préfets de région et les présidents de conseils généraux.

Enfin, l'Uniopss n'oublie pas de réclamer un soutien plus résolu aux têtes de réseau nationales et locales, comme vecteurs de développement et de dynamique des acteurs de terrain...

Marie-Jo Maerel

La jeunesse : une responsabilité partagée

Sortir du « coup par coup » et de l'inflation législative pour tenir compte de la continuité du temps éducatif. Telle est la demande de l'Uniopss pour la politique de l'enfance, de la jeunesse et de la famille. Un champ où il reste beaucoup à faire, comme l'explique Roger Bello, ancien président de la commission « Enfance-famille-jeunesse » de l'Uniopss, vice-président de l'Uriopss Ile-de-France : « Il y a en France 2 millions d'enfants pauvres, 42 places d'accueil pour 100 enfants de moins de 3 ans, 60 000 tentatives de suicide de jeunes dont 800 se soldent par la mort et 60 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification chaque année. » Plutôt que d'être disqualifiés, les parents devraient être soutenus, prône l'organisation, à travers des initiatives comme les réseaux d'aide à la parentalité ou la mise en place d'une « co-éducation » dans le cadre de l'école. Alors que l'Etat diminue sa contribution en la matière, elle propose que soit désignée une collectivité chef de file pour l'accueil de la petite enfance, qui ne fait pas partie des compétences décentralisées aux collectivités territoriales même si les communes, incitées par les caisses d'allocations familiales, sont fortement impliquées.

L'Uniopss préconise par ailleurs de renforcer les équipements spécialisés de la protection de l'enfance (pédopsychiatrie, aide à domicile, action éducative en milieu ouvert...), d'accorder davantage de moyens à la médecine scolaire et au service social scolaire. Le temps des loisirs, « aujourd'hui mis en péril par la suppression des contrats temps-libre » qui permettaient son financement par l'Etat, devrait également être développé pour faire émerger les potentialités de l'enfant et les liens sociaux. Les lieux de médiation et d'accompagnement des adolescents devraient être multipliés, réclame encore l'Uniopss, et les accompagnements « éducatifs structurants » favorisés pour les mineurs délinquants, dans le respect de l'ordonnance de 1945 qui pose le primat de l'éducatif et d'une justice des mineurs spécialisée. Pour les jeunes adultes, l'union « refuse le désengagement de l'Etat et des collectivités territoriales (désengagement de la Justice sur les mesures jeunes majeurs, fonds d'aide aux jeunes inéquitables) ». Elle suggère de repenser le statut des jeunes adultes sous l'angle de l'insertion sociale et pas seulement professionnelle et de confirmer la place des mesures pour les jeunes majeurs dans la protection de l'enfance.

M. LB.

Financement : mesurer aussi la réponse aux attentes des personnes

Contre la « dérive comptable » actuellement constatée, il faut respecter l'esprit de la loi 2002-2, en particulier en reliant toujours l'analyse des besoins des populations fragiles et l'attribution des moyens. Tel est le propos de la plateforme « Tarification et financement » des secteurs social et médico-social, élaborée conjointement par l'APF, la FEHAP, la FNARS, l'UNA, l'Unapei et l'Uniopss.

Alors que la progression de l'exclusion et l'augmentation de la dépendance liée au vieillissement de la population accroissent les besoins, les associations se sentent de plus en plus corsetées par des outils de rationalisation « qui ne reposent plus que sur des considérations budgétaires et comptables, sans appréhender les exigences de prise en charge des personnes ». Ainsi, les indicateurs médico-sociaux déjà créés pour tenter de calculer, au plan départemental, un coût moyen par type d'établissement ou de service restent-ils « trop sommaires » en ne tenant pas compte « de la diversité des publics accueillis [...] ou des actions inédites à engager » et en voulant « disséquer l'activité des structures, sans véritable cohérence ou mise en perspective ».

Ce chantier n'est pas encore achevé que déjà il est prévu de créer des indicateurs de référence nationaux, s'effraient les associations. Outre qu'elle risque d'être encore moins pertinente par rapport aux réalités du terrain, cette « course à la superposition d'outils de plus en plus complexes est inutile » car elle ne tient pas compte de « la capacité des structures à les utiliser ».

Aux problèmes de contenu s'ajoute, en effet, celui du rythme des réformes, qui « malmène les acteurs de terrain, y compris les services déconcentrés de l'Etat et ceux des collectivités territoriales ». 25 textes sont parus de décembre 2005 à mai 2006, entraînant, par rapport à la loi 2002-2, des « changements structurants » pour le secteur, dévoreurs de temps et d'argent. Les associations demandent donc une « pause réglementaire ».

Pour autant, elles « partagent la volonté d'améliorer le système », et s'accordent en particulier sur la nécessité de mieux analyser les coûts des structures. Ce qui les amène à proposer une nouvelle méthode qui reposerait d'abord sur un « diagnostic partagé » de l'application de la loi 2002-2, des écarts qui subsistent par rapport aux objectifs et des outils instaurés par ce texte. Il s'agirait ensuite de mettre en place une structure permettant la représentation de l'ensemble des partenaires, la concertation sur les politiques du secteur et même la « co-construction » des nouveaux projets. Le CNOSS (Comité national d'organisation sanitaire et sociale) pourrait voir ses missions renforcées dans cet esprit, avec l'appui d'un comité technique permanent travaillant sur les outils, proposent les signataires.

Un faisceau de critères

Dans ce cadre, les associations suggèrent un rapprochement avec le conseil scientifique de la CNSA (caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) et une meilleure utilisation des capacités de la DREES (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), afin de construire une méthode adaptée d'analyse de la construction des coûts. Celle-ci devrait faire le bilan des indicateurs existants et les compléter de telle sorte qu'ils permettent de mesurer aussi la réponse aux besoins et aux attentes des personnes et la qualité du service rendu, bref d'avoir une évaluation élargie avec un faisceau de critères allant bien au-delà des seules considérations financières.

Dans cette logique, « il faut conserver le mode de tarification actuel, et renoncer à une tarification standardisée «au forfait», «à l'activité» ou «à la personne» », professent les signataires, qui veulent garder le système de « mutualisation » actuel, afin de préserver les structures de la tentation de sélectionner les usagers par rapport à un objectif de recettes. Il faut également respecter la procédure contradictoire, ce qui suppose, lorsque le juge de la tarification est saisi, que les pouvoirs publics mettent en oeuvre ses décisions, trop souvent ignorées aujourd'hui.

La « mutualisation » ne passe pas forcément par la concentration des établissements et services, estiment encore les associations, qui poussent plutôt à la coopération ou au regroupement de certaines fonctions. Car il faut éviter tout ce qui pourrait tendre à « formater l'offre de services », et préserver au contraire la pluralité des prestations et les capacités d'adaptation, de réactivité et d'innovation des prestataires.

« Ne perdons pas le nord ! La tarification et les financements ne sont que des outils » au service des politiques sociales, rappellent les associations. Ils traduisent un véritable choix de société sur la place et les réponses données aux plus faibles. Quelle société voulons-nous : dure envers les personnes fragiles ou qui les accompagne pour une vie plus humaine ?

M.-J. M.

Notes

(1) Disponibles sur www.uniopss.asso.fr - Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux : 133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. 01 53 36 35 00.

(2) Voir ASH n° 2485 du 22-12-06, p. 39.

(3) Voir ASH n° 2498 du 16-03-07, p. 33.

(4) Dans une note rédigée en 2004 pour l'Institut Montaigne.

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