Depuis la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, il ne s'agit plus de débattre de l'opportunité de l'évaluation : c'est désormais une obligation. Reste à cerner les finalités de la démarche et les modalités de sa mise en oeuvre, ce qui suscite de multiples questionnements dont témoigne cet ouvrage issu pour l'essentiel d'un séminaire co-organisé en 2004-2005 par la chaire « travail social » du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et le Groupe de recherches d'Ile-de-France (GRIF). Si la construction d'indicateurs permettant d'objectiver une réalité pour la mesurer est une étape indispensable, l'évaluation ne saurait se réduire à une « métrologie du social », défend Jean-Pierre Hardy, responsable du bureau de la réglementation budgétaire et comptable à la direction générale de l'action sociale. Il faut ensuite interpréter lesdits indicateurs, c'est-à-dire émettre un jugement de valeur sur l'adéquation entre les objectifs et les effets de l'action, afin de répondre au mieux aux besoins des publics concernés.
Ce souci de rendre les meilleurs services aux usagers suppose néanmoins de s'entendre sur ce qu'on appelle « la qualité », alors qu'il s'agit d'une notion « nécessairement relative » : c'est l'expression d'une époque, d'une culture, d'une économie, d'un point de vue, explique Jean-Marc Lesain-Delabarre, professeur à l'Institut national supérieur de formation et de recherche pour l'éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés (INS HEA). Ainsi, dans le domaine de la prévention spécialisée où de nombreux « utilisateurs » sont impliqués, qui ne partagent pas forcément les mêmes attentes, le regard porté sur l'efficacité des activités éducatives peut s'avérer très différent, voire très divergent, selon les protagonistes, analyse Pascal Le Rest, conseiller technique à l'ADSEA 77. L'évaluation n'en est que plus impérative pour rendre lisible la spécificité des pratiques, comme celle des valeurs qui les sous-tendent. De fait, la qualité d'une intervention ne peut être appréciée indépendamment de son contexte, souligne Brigitte Bouquet. « C'est le versant du pourquoi qu'il appartient de poser, [...] c'est l'évaluation de l'utilité sociale qu'il faut porter » dans une dynamique plus orientée vers l'amélioration que le diagnostic ou le constat, affirme la vice-présidente du Conseil supérieur du travail social.
Néanmoins, pour que l'évaluation devienne le vecteur d'un véritable processus d'évolution, il faut qu'elle se garde d'une double dérive, pointée par Roland Janvier, directeur général de la Sauvegarde de l'enfance à l'adulte en Ille-et-Vilaine : un contrôle accru de ces « espaces sensibles de la vie publique » que sont les institutions d'action sociale et une « normativité enfermante » des actes des professionnels, référés au seul registre prescriptif des bonnes pratiques.
Les défis de l'évaluation en action sociale et médico-sociale - Sous la direction de Brigitte Bouquet, Marcel Jaeger et Ivan Sainsaulieu - Ed. Dunod - 26 € .
C'est à un revigorant voyage au coeur du projet politique d'émancipation porté par l'éducation populaire que nous convie Jean-Marie Mignon. La passionnante épopée qu'il restitue montre comment, de la Libération à nos jours, les militants de l'éducation populaire ont oeuvré pour ancrer dans la réalité leur volonté de Lumières partagées. Forgé dans le creuset de la Résistance, le désir de changement de l'immédiat après-guerre anime des personnalités bien décidées à ne pas se contenter de manier des idées, comme le proclame, en 1946, le Manifeste de l'association Peuple et culture. A l'instar des objectifs de ce mouvement, c'est l'action culturelle qui, dans la période de reconstruction, est le terrain privilégié des militants de l'éducation populaire. Les jeunes ne sont pas, pour autant, absents de leurs préoccupations. Ils font même l'objet de vigoureux affrontements entre les organismes laïcs et confessionnels qui leurs proposent des activités périscolaires.
Avec l'instauration d'une troisième semaine de congés payés en 1956, puis d'une quatrième en 1969, et les longues vacances d'été dont peuvent bénéficier, à partir de 1967, les jeunes dont la scolarisation obligatoire est étendue jusqu'à 16 ans, la société des loisirs succède à l'époque des privations. Pour occuper - utilement - ce temps libre, de nouveaux professionnels font leur entrée en scène, et le premier diplôme d'Etat de conseiller d'éducation populaire (DECEP) est créé en 1964. Ces animateurs investissent, notamment, les très nombreux équipements sociaux et socio-culturels qui sont implantés dans les grands ensembles construits aux lisières des villes, où leurs interventions socio-éducatives visent à aider les habitants à lutter contre la « sarcellite ». Au fur et à mesure du développement de l'animation, qui en est sa « version professionnalisée, adoucie » et a-politique, l'éducation populaire s'institutionnalise. Elle se voit aussi dépossédée de certaines de ses grandes missions, comme la formation permanente des adultes qui, passée dans la loi, devient l'enjeu du marché concurrentiel à but lucratif. Aujourd'hui, les « vieilles dames » de l'éducation populaire, soit une petite dizaine de fédérations ou de mouvements, continuent à avoir une utilité sociale indiscutable, en particulier dans le domaine de l'apprentissage d'une citoyenneté active. Cependant, devenues des quasi-services publics, elles sont trop bien installées pour faire vivre l'esprit frondeur de leurs valeurs, c'est-à-dire jouer un rôle de contre-pouvoir, affirme l'auteur, conseiller technique et pédagogique de la Jeunesse et des Sports. Aussi plaide-t-il pour de nouvelles formes d'action, peut-être moins directement éducatives, mais plus réactives aux dysfonctionnements sociaux, comme celles des collectifs « nomades » et « intermittents » qui se mobilisent autour des « sans-droits » - sans-papiers, sans-logement, sans-emploi.
Une histoire de l'éducation populaire - Jean-Marie Mignon - Ed. La Découverte - 24 € .
Mettant en relief l'inventivité des organisations de l'économie sociale et solidaire, les recherches rassemblées dans cet ouvrage font ressortir l'importance d'un champ d'activités qu'on aurait tort de réduire au rôle de simple « bouche-trou » comblant les défaillances de l'initiative privée à but lucratif et des politiques publiques instituées.
Les dynamiques de l'économie sociale et solidaire - Sous la direction de Jean-Noël Chopart, Guy Neyret et Daniel Rault - Ed. La Découverte - 28,50 € .
Comment les quartiers dits « sensibles » sont-ils devenus les symboles de la nouvelle question sociale ? A partir d'enquêtes auprès d'experts et d'acteurs locaux qui, dans la décennie1985-1995, ont pensé la politique de la ville ou orchestré sa mise en place, la sociologue Sylvie Tissot analyse le sens de cette territorialisation de l'action publique.
L'Etat et les quartiers. Genèse d'une catégorie de l'action publique - Sylvie Tissot - Ed. du Seuil - 22 € .
A partir d'entretiens avec 22 travailleurs sociaux qui ont quitté le terrain pour devenir formateurs, Lionel Bach s'emploie à éclairer le cheminement de ces professionnels. Mais l'intérêt des témoignages recueillis est quelque peu noyé sous la profusion des références sociologiques convoquées par l'auteur pour asseoir son propos.
Devenir formateur, une affaire de carrière. Former au travail social - Lionel Bach - Ed. ASH - 16 € .
Les images parlent souvent plus que de longs discours. On le vérifie au vu des brèves vignettes cliniques présentées par le gérontologue Robert Hugonot, initiateur du réseau d'écoute ALMA - Allô maltraitance des personnes âgées - pour illustrer le caractère odieux de violences qu'il faut savoir détecter.
Violences invisibles. Reconnaître les situations de maltraitance envers les personnes âgées - Ed. Dunod -19 € .
Au travers d'exemples de prises en charge qu'elle a réalisées, Sophie Krauss, psychologue clinicienne, montre que le modelage constitue une activité particulièrement bien adaptée pour permettre à des enfants autistes et psychotiques d'exprimer leurs angoisses corporelles et engager avec eux un processus thérapeutique.
L'enfant autiste et le modelage. De l'empreinte corporelle à l'empreinte psychique - Sophie Krauss - Ed. érès - 25 € .
Témoignages de professionnels et d'usagers du social mêlés à des écrits livrés aussi bien par des étudiants que des universitaires et des formateurs : les actes du colloque célébrant, le 18 mai 2006, les 60 ans de l'Ecole de formation psycho-pédagogique de Paris rejoignent les questions que se posaient les fondateurs à l'époque de la Reconstruction. Et ce, malgré les évolutions qui n'ont pas manqué depuis...
Les cahiers de l'EPPP : 22, rue Cassette - 75006 Paris - Tél. 01 44 39 71 30.
Quelles sont les spécificités du social et du sanitaire, mais aussi comment les articuler ? apprendre à travailler ensemble ? Comment passer de la prise en charge à la prise en compte, ne plus faire pour, mais faire avec ? Ces questions, et quelques autres sur le rôle des parents et des professionnels, ont été discutées lors d'un forum organisé le 21 novembre dernier autour du philosophe-sociologue Saül Karsz et du psychologue Jean-Claude Quentel.
Creahi Poitou-Charentes : 3, rue G.-Servent - 86000 Poitiers - Tél. 05 49 88 22 00 - 25 € .
Face aux exigences paradoxales de fonctionnalité et de rentabilité en même temps que de responsabilisation individuelle, que peuvent faire les travailleurs sociaux pris dans les contradictions et les impasses de politiques dont ils ne partagent pas forcément les attendus ? Des questions traitées lors du séminaire préparé le 19 octobre 2006 par le centre communal d'action sociale de La Rochelle
Sous la direction de Jean Biarnès et de Christine Delory-Momberger - Editions Pleins feux, Nantes - 13 € .
Professionnel ou proche, chacun peut être maltraitant. Par simple défaut de vigilance, par routine, par épuisement... Comment détecter, analyser et prévenir le phénomène ? Des professionnels des secteurs sanitaire et social et de la justice en ont débattu lors de la journée d'étude organisée le 17 octobre 2006 par le Clicoss 93, l'association Sillage et la ville de Saint-Denis.
Clicoss 93 : 22, rue Hector-Berlioz - 93000 Bobigny - Tél. 01 48 32 93 98 - 10 € .
Six ans après la signature de la première charte d'engagements réciproques entre la Conférence permanente des cordinations associatives et l'Etat, l'exercice a été décliné dans certains secteurs et à différents échelons territoriaux. En prenant appui sur un séminaire qui s'est déroulé le 17 mars 2006, La tribune Fonda publie un dossier pour mieux situer les enjeux et l'intérêt de ces démarches.
N° 180-181 - Août-octobre 2006 - 18, rue de Varenne - 75007 Paris - Tél. 01 45 49 06 58 - 26 € + port.