Quel est l'état du droit applicable, mais surtout des pratiques, dans le vaste domaine de l'asile et de l'immigration ? Les associations du collectif « Uni(e)s contre l'immigration jetable » (1), qui s'est créé en janvier 2006 en réaction à la préparation de la loi relative à l'immi-gration et à l'intégration du 24 juillet 2006, y répondent de manière exhaustive dans un volumineux « contre-rapport » présenté le 24 mars lors d'un forum intitulé « Immigration, où est le problème ? ». Les rapports officiels tendent en effet, selon le collectif, « à légitimer les évolutions de la politique engagée, mais ne mesurent guère leurs effets concrets sur une partie de la population de notre pays ».
Pour battre en brèche les idées reçues, les associations rappellent la réalité statistique de l'immigration. Ainsi, selon les dernières enquêtes de recensement disponibles, la France comptait 4,9 millions d'immigrés à la mi-2004, c'est-à-dire 8,1 % de la population totale, un chiffre en légère hausse depuis 1990 (7,4 %). Abstraction faite des immigrés devenus français, par mariage ou par naturalisation, il y a 2,9 millions d'immigrés étrangers en France. Sur les 960 000 arrivés entre le 1er janvier 1999 et la mi-2004, près d'un quart venait d'un pays de l'Union européenne. La proportion d'immigrés ayant un diplôme d'études supérieures en poche a par ailleurs quadruplé depuis 1982, si bien que le taux de diplômés au sein de cette population est proche de celui des non-immigrés (24 % contre 29 %).
Si, analysent les associations, l'objectif de fermer les frontières a été marqué par la fin de l'immigration de travail en 1974, les pratiques se sont détériorées davantage depuis les années 90, avec la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et, dernièrement, la loi du 24 juillet 2006. Les réformes successives n'ont fait que fragiliser le statut juridique des immigrés. Alors que la carte de résident de plein droit visait auparavant à stabiliser la situation des personnes, « il faut être «intégré» désormais pour en bénéficier [...]. Il faut avoir fait ses preuves pour sortir de la précarité induite par la seule détention d'une carte de un an. » La vie privée et familiale « s'est retrouvée systématiquement mise en question, jusqu'à devenir une perspective illusoire pour nombre d'étrangers », ajoute le collectif, qui dénonce également « la mise à mal du droit au séjour des étrangers malades », le « royaume de l'arbitraire » pour la régularisation des parents sans papiers d'enfants scolarisés et le durcissement des conditions d'accueil des demandeurs d'asile.
Récusant les arguments politiques qui justifient le contrôle des flux migratoires, le collectif « Uni(e)s contre l'immigration jetable » réclame au contraire, dans une déclaration finale rendue publique le 24 mars, la libre circulation des personnes qui « doit s'accompagner d'une liberté d'établissement qui garantisse les droits sociaux de tous ». Il demande, entre autres, le rétablissement de la carte de résident dans l'esprit qui avait présidé à sa création par la loi du 17 juillet 1984, « la disparition des statuts précaires imposés aux personnes ayant vocation à vivre durablement en France » et l'égalité entre Français et étrangers face aux droits sociaux, civils et économiques.
(1)