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Intégration scolaire : miroir aux alouettes ou changement culturel à accompagner ?

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Intégration scolaire : miroir aux alouettes ou changement culturel à accompagner ?

Crédit photo I. S.

Le renforcement du principe de scolarisation des personnes handicapées serait-il dangereux pour certains enfants malades et/ou handicapés ? C'est en tout ce qu'affirment des pédopsychiatres, des pédiatres, des médecins scolaires, des enseignants spécialisés et des parents, qui ont réclamé, le 28 mars, le retrait du dispositif d'intégration scolaire en milieu ordinaire mis en place par la loi « handicap » du 11 février 2005, « avant que les gravissimes dégâts qu'il a déjà commencé à causer deviennent irréparables ».

De « la non-assistance à la privation de soins »

Cette mobilisation fait suite à la pétition mise en circulation à la fin de l'année 2006 (1) par deux pédopsychiatres, Pierre Rivière et Nathalie Serfaty, et une neuropédopsychiatre, Eva Touaty, qui a reçu plus de 1 200 signatures de médecins, d'enseignants, d'éducateurs spécialisés, de psychologues, de psychanalystes... Dans ce texte intitulé « Non à l'abandon sans soins des enfants malades et handicapés ; non au nouveau dispositif d'intégration scolaire », ces professionnels alertent sur les dérives de la loi.

Tout d'abord, expliquent-ils, celle-ci ne facilite guère les soins en ambulatoire pour les enfants malades et/ou handicapés qui pourraient tirer bénéfice d'une scolarisation à l'école de leur quartier ou dans une classe à petit effectif de l'Education nationale. A quoi sert-il en effet de décréter l'insertion de tous les enfants, sans discernement de leur pathologie, si l'on n'augmente pas les personnels des centres médico-psychologiques (CMP) ou des centres médico-psycho-pédagogiques ou si l'on n'accroît pas le nombre des médecins scolaires ?, s'irrite Pierre Rivière. « Des mois d'attente - parfois même plus d'un an - pour un enfant autiste avant d'avoir un premier rendez-vous en CMP, des listes d'attente de plusieurs années parfois pour une prise en charge en établissement spécialisé ou dans un hôpital de jour, 800 postes de psychiatres non pourvus en médecine médico-sociale », liste ainsi la pétition, qui estime entre 15 000 et 20 000 les enfants, autistes et polyhandicapés surtout, qui sont au domicile de leurs parents, sans soins, faute de place en établissement spécialisé.

Ces derniers seront-ils mieux soignés à l'école « ordinaire » ?, s'interrogent alors les signataires. Certes, relèvent-ils, la loi reconnaît que d'autres solutions peuvent exister (autre école, classe à plus petit effectif, établissement médico-éducatif, hôpital de jour), mais elle en complique l'accès « au point de les rendre quasiment impossibles à réaliser ». Par exemple, alors qu'avant l'école pouvait saisir l'ex-commission départementale d'éducation spécialisée pour trouver une place en établissement spécialisé, aujourd'hui seuls les parents (fortement incités à demander l'inscription de leur enfant en école « ordinaire ») peuvent le faire, ce qui retarde d'autant une telle solution. « Au prétexte de lutter contre la discrimination, ce dispositif peut conduire à la non-assistance et à la privation de soins », estiment ainsi les signataires, qui n'y voient finalement qu'un « leurre » qui « se sert du désespoir des parents ».

Face au non-renouvellement des contrats de nombreux médecins scolaires vacataires, comment les milliers d'enfants handicapés, désormais inscrits dans les classes ordinaires des écoles, vont-ils pouvoir être soignés et pris en charge ? Comment répondre aux demandes des enseignants qui se retrouvent seuls face aux soins dus aux enfants handicapés, demandes qui risquent d'augmenter ? Telles sont les questions qu'a voulu poser une délégation des signataires reçue le 25 octobre dernier au ministère de l'Education nationale. Et auxquelles aucune réponse satisfaisante n'a été apportée, expliquent ses membres, sinon qu'il « faut faire avec cette loi, le moins mal possible ». Difficile à entendre, souligne Pierre Rivière, quand certains personnels enseignants s'estiment extrêmement démunis face à ces enfants qui ont besoin de soins. Et de citer le témoignage d'une institutrice qui accueille, malgré ses réticences, un petit garçon trisomique de 5 ans, qui ne comprend quasiment aucune des règles de fonctionnement de la classe. En outre, rapporte Pierre Rivière, certains enseignants se verraient aujourd'hui sanctionnés lorsqu'ils signalent les difficultés rencontrées par ces enfants et la possibilité de leur proposer une autre orientation.

D'accord sur l'idée que maintenir « à tout prix » certains jeunes à l'école peut s'apparenter à une certaine forme de maltraitance, l'Association des ITEP et de leurs réseaux (AIRe) (2) estime néanmoins qu'il « ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain ». « Nous souscrivons pleinement à l'accès au droit commun d'être scolarisé, affirme ainsi Michel Defrance, son président, mais nous attendons toujours un texte de cadrage ambitieux de l'Education nationale où elle prendrait clairement position sur l'accueil des enfants handicapés à l'école et sur ses relations avec le secteur médico-social, et où elle se donnerait les moyens nécessaires. » Et de déplorer que la vision politique du ministère se borne aujourd'hui à la parution d'arrêtés et de circulaires destinés à l'encadrement technique du dispositif de scolarisation.

Si la place des jeunes est en priorité à l'école, certains ont, de par leurs troubles importants, des difficultés à s'inscrire dans la vie sociale, le rapport à l'autre et l'ordre des savoirs. Encore faut-il pouvoir leur proposer le « pas de côté » nécessaire qu'offrent les unités d'enseignement des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), défend l'AIRe. Ce qui suppose d'affecter à ces dernières un nombre suffisant d'enseignants bien préparés à cet exercice professionnel. En effet, « il n'est guère possible de proposer une scolarité en référence au socle commun de connaissances à plus de quatre élèves par classe en moyenne - certaines séquences pouvant concerner plus de jeunes à la fois et d'autres moins », explique Michel Defrance, qui craint que la mise en place de la loi du 11 février 2005 n'amène l'Education nationale à redéployer ses enseignants au profit du milieu scolaire ordinaire.

Créer des passerelles entre le droit commun et le secteur spécialisé

Par ailleurs, la scolarisation de ces jeunes en souffrance psychique suppose que le tandem entre l'enseignant référent chargé de leur suivi personnel durant leur scolarité et le responsable pédagogique de l'ITEP fonctionne bien. Pas question en effet, défend l'AIRe, que ce dernier ne puisse intervenir pour aider à l'orientation des jeunes. D'autant que pour ces publics, qui ont gravement perturbé leurs classes ou la vie scolaire, au point parfois d'en avoir été exclus, le retour dans l'école ou le collège peut parfois être difficile. De même, estime l'association, dans le suivi des jeunes, il importe que l'équipe de l'ITEP puisse, après l'admission du jeune et une période d'observation « in situ », faire des propositions pour faire évoluer le projet personnalisé de scolarisation élaboré par l'équipe de la maison départementale des personnes handicapées.

Il est clair pour l'AIRe que la scolarisation des jeunes relevant des ITEP ne peut se concevoir sans une coopération étroite entre l'ensemble des acteurs, sans la mise en place d'allers et retours entre les dispositifs de droit commun et les structures d'accompagnement et de soins spécialisés et sans une clarification des modes de financement des prises en charge en ITEP.

Notes

(1) Voir ASH n° 2465 du 21-07-06, p. 38 - Pétition disponible auprès de rivierepierre@hotmail.com.

(2) AIRe : L'Orangerie, chemin des Bosquets - 35410 Châteaugiron - Tél. 02 99 04 69 55.

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