Alors que près de 10 ans de débats auront été nécessaires pour finaliser la réforme de la protection juridique des majeurs avant sa présentation en conseil des ministres, seules quelques semaines auront suffi aux parlementaires pour adopter ce texte de 46 articles. Présenté en novembre 2006, le projet de loi initial (1), soumis selon la procédure d'urgence aux parlementaires (2), a tout de même été amendé au cours des débats sans que soient toutefois remises en cause son architecture et sa philosophie générale.
Soumis à la censure du Conseil constitutionnel en raison de la présence de cavaliers législatifs introduits par le gouvernement, le texte, pour ce qui concerne les tutelles, a été avalisé par les neuf sages. Il modifie ainsi le cadre fixé par les lois du 18 octobre 1966 - qui institua la tutelle aux prestations sociales pour les adultes - et du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs et organisant les mesures de sauvegarde de justice, de curatelle et de tutelle.
Au final, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs recentre le dispositif sur les personnes réellement atteintes d'une altération de leurs facultés personnelles. Elle vise aussi à améliorer leur prise en charge, notamment en étendant la protection à leur personne même et non plus seulement à leur seul patrimoine. La loi reconnaît également à la personne, au travers d'un mandat de protection future, le droit d'organiser elle-même sa protection future dans le cas où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
Parallèlement, afin de répondre avec davantage d'efficacité à certaines situations sociales de précarité et d'exclusion, la loi instaure une mesure d'accompagnement judiciaire, dispositif de gestion budgétaire et d'accompagnement social de la personne, prenant place aux côtés des mesures de tutelle, de curatelle et de sauvegarde de justice, qui sont maintenues. En contrepartie, l'actuelle tutelle aux prestations sociales versées aux adultes, jusque-là limitée à la gestion des prestations sociales et n'entraînant aucune incapacité juridique, sera supprimée. En amont de cette mesure d'accompagnement judiciaire est également mise en place une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé, à la charge des départements. Déclenchée avant qu'une mesure judiciaire de protection juridique ne soit prononcée, elle est destinée aux personnes en grande difficulté sociale.
La loi réorganise par ailleurs les conditions d'exercice des intervenants extérieurs à la famille chargés des mesures de protection - regroupés à l'avenir sous l'intitulé de « mandataires judiciaires à la protection des majeurs ». Ce, pour prendre en compte les exigences de compétence et de contrôle qu'implique la protection des plus vulnérables. Et modifie les modalités de financement du dispositif.
Pour l'essentiel, la loi entrera en vigueur le 1er janvier 2009. Des dispositions transitoires sont toutefois prévues.
Pour freiner l'inflation des mesures de protection juridique, la loi du 5 mars 2007 tend à redonner leur pleine effectivité aux principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité qui doivent sous-tendre la décision du juge des tutelles. Elle délimite également plus strictement le champ de ces mesures en supprimant la saisine d'office du juge des tutelles et certains cas d'ouverture d'un régime de protection juridique.
Corrélativement, est instaurée une mesure d'accompagnement social personnalisé à la charge du département pour éviter la saisine de la justice.
La loi réaffirme avec plus de force les principes de nécessité et de subsidiarité (code civil [C. civ.], art. 428 nouveau). Autrement dit, la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l'application des règles de droit commun de la représentation (notamment par le jeu des procurations), de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, ainsi que par une autre mesure de protection judiciaire moins contraignante ou par un mandat de protection future (voir page 21). En outre, la mesure de protection doit être proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de la personne.
La loi du 5 mars 2007 supprime, par ailleurs, la possibilité de prononcer une mesure de protection juridique lorsque « le majeur, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales ». Désormais, seule l'altération, médicalement constatée, soit des facultés mentales, soit des facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de la volonté d'une personne, la mettant dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts peut justifier qu'elle soit privée de tout ou partie de sa capacité juridique (C. civ., art. 425 nouveau).
Un troisième levier d'action utilisé par le législateur pour éviter des saisines trop fréquentes de la justice est la suppression de la possibilité offerte jusque-là au juge des tutelles de se saisir d'office. En effet, les cas de saisine d'office, sur le simple signalement d'un intervenant social ou d'un tiers, représentaient en moyenne 54 % des ouvertures de dossier. Seuls pourront saisir le juge des tutelles la personne qu'il y a lieu de protéger, les membres de sa famille (conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, concubin, à condition que la vie commune n'ait pas cessé entre eux, parent ou allié), la personne ayant des liens étroits et stables avec elle, la personne qui exerce à son égard une mesure de protection juridique ainsi que le procureur de la République (C. civ., art. 429 nouveau).
A côté des mesures concernant la protection juridique des majeurs, la loi met en place une nouvelle mesure administrative d'accompagnement social personnalisé. Elle se situera en amont du dispositif judiciaire et aura pour objectif d'éviter le placement sous protection judiciaire de personnes dont les intérêts peuvent être préservés par un accompagnement social adapté. La mise en oeuvre de ces mesures sera confiée au département, qui pourra toutefois les déléguer à d'autres collectivités ou organismes, par convention (code de l'action sociale et des familles [CASF], art. L. 271-1 à L. 271-8 nouveaux).
Toute personne majeure qui perçoit des prestations sociales et dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu'elles éprouvent à gérer seule ses ressources pourra bénéficier de cette mesure qui comportera une aide à la gestion de ses prestations sociales et un accompagnement social individualisé (CASF, art. L. 271-1 nouveau).
Cette mesure pourra également être ouverte à l'issue d'une mesure d'accompagnement judiciaire (voir page 22) arrivée à échéance si l'intéressé remplit les conditions précédentes.
La finalité est de « rétablir les conditions d'une gestion autonome des prestations sociales » (CASF, art. L. 271-2 nouveau).
La mise en oeuvre de cette mesure reposera sur un contrat conclu entre l'intéressé et le département pour une durée de 6 mois à 2 ans, renouvelable après évaluation dans la limite de 4 ans au total (CASF, art. L. 271-2 nouveau).
Le bénéficiaire du contrat peut autoriser le département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie des prestations sociales qu'il perçoit, en les affectant en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours (CASF, art. L. 271-2).
En cas de refus de l'intéressé de signer le contrat ou s'il n'en respecte pas les clauses, le président du conseil général pourra solliciter du juge d'instance l'autorisation de verser, chaque mois, directement au bailleur les prestations sociales à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont il est redevable. Cette procédure ne pourra toutefois être mise en oeuvre que si l'intéressé est resté au moins 2 mois sans s'acquitter de ses obligations locatives. Et elle ne pourra avoir pour effet de le priver des ressources nécessaires à sa subsistance et à celle des personnes dont il assume la charge effective et permanente (CASF, art. L. 271-5 nouveau).
Une contribution pourra être demandée au bénéficiaire de la mesure. Son montant sera arrêté par le président du conseil général dans les conditions prévues par le règlement départemental d'aide sociale. L'élu le modulera toutefois en fonction des ressources de l'intéressé dans la limite d'un plafond fixé par décret (CASF, art. L. 271-4 nouveau).
Lorsque la mesure n'aura pas permis à son bénéficiaire de surmonter ses difficultés à gérer ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité sera compromise, le président du conseil général transmettra au procureur de la République un rapport d'évaluation et un bilan des actions menées. Ce dernier pourra alors saisir le juge des tutelles aux fins d'ouverture d'une mesure d'accompagnement judiciaire (voir page 22) ou d'une autre mesure de protection juridique des majeurs (CASF, art. L. 271-6 nouveau).
La reconnaissance de la protection de la personne, et plus seulement de son patrimoine, passe notamment par le renforcement de ses droits au cours de la procédure mais également par la possibilité qui lui est accordée d'organiser pour le futur sa propre protection juridique.
La loi stipule qu'un tel mandat peut être confié à une personne physique depuis le 7 mars 2007 (date de publication de la loi au Journal officiel). Toutefois, il ne prendra effet qu'à compter du 1er janvier 2009, comme la plupart des mesures de la loi (art. 45, III de la loi).
Selon la loi, toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle peut désigner, pour le cas où elle deviendrait incapable de pourvoir seule à ses intérêts, un ou des tiers de confiance chargés de la représenter. Cette possibilité est également offerte à la personne en curatelle qui doit toutefois se faire assister par son curateur (C. civ., art. 477 nouveau).
De même, les parents ou le dernier vivant des père et mère, ne faisant pas l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelle et qui exercent l'autorité parentale sur leur enfant mineur ou assument la charge matérielle et affective de leur enfant majeur pourront, pour le cas où cet enfant devenu majeur ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts, désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Cette désignation prendra effet à compter du jour où le mandant décédera ou ne pourra plus prendre soin de l'intéressé.
Le mandat est conclu par acte notarié ou sous seing privé, selon des modalités qui sont fixées par la loi.
Le mandataire peut être une personne physique choisie par le mandant ou une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (voir page 23).
La protection juridique confiée à la personne de confiance pourra porter à la fois sur la protection patrimoniale et la protection personnelle ou sur l'un de ces deux objets.
Le mandat prendra effet lorsqu'il sera établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. Il prendra fin dans plusieurs hypothèses fixées par la loi (rétablissement des facultés personnelles de la personne, décès de la personne protégée ou son placement en curatelle ou en tutelle...).
Le mandat s'impose au juge, à moins que la personne désignée par ce document refuse sa mission ou se trouve dans l'impossibilité de l'exercer ou encore si l'intérêt de la personne protégée commande de l'écarter (C. civ., art. 448 nouveau).
En cas de difficulté, le juge des tutelles statue.
Faisant un pas en avant par rapport à la législation de 1968 qui n'envisageait la protection de la personne que sous l'angle patrimonial, la loi du 5 mars 2007 propose une meilleure prise en compte des droits et de la volonté de la personne vulnérable, notamment à travers le recueil de son consentement, la prise en compte de sa famille et de ses proches et la personnalisation du contenu même des mesures.
« Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire », affirme la loi, cette protection étant instaurée et appliquée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne (C. civ., art. 415 nouveau).
La loi concrétise le principe de la protection de la personne en renforçant la protection de son logement et de ses biens nécessaires à la vie courante, mais aussi en affirmant le droit au maintien de ses comptes bancaires et en améliorant ses droits dans la procédure judiciaire.
A ce titre, le majeur devra être entendu ou, à tout le moins, convoqué avant que le juge ne statue. Seule exception : si l'audition est de nature à porter atteinte à la santé de l'intéressé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté, le juge pourra décider de l'écarter par décision spécialement motivée prise sur avis médical (C. civ., art. 432 nouveau).
De même, la loi indique que, dans le cadre de la tutelle et de la curatelle, sous certaines réserves, « l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation » (C. civ. art. 458 nouveau). Sont ainsi visés la déclaration de naissance ou de reconnaissance d'un enfant, le consentement donné à son adoption, les actes concernant l'autorité parentale sur l'enfant, la déclaration du choix ou du changement de nom de l'enfant. Il s'agit également du consentement donné, par la personne protégée, à sa propre adoption.
En dehors de ces actes, la loi prévoit ensuite le recueil du consentement de la personne lors de la prise de décisions personnelles la concernant. En effet, elle explique que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ». Si ce dernier y fait obstacle, la loi organise les modalités d'assistance, voire de représentation de la personne (C. civ. art. 459 nouveau).
Enfin, les souhaits de l'intéressé seront mieux pris en compte dans le cadre de l'organisation même de la mesure, en particulier s'agissant du choix du curateur ou du tuteur.
La loi du 5 mars 2007 instaure un dispositif gradué de protection des personnes. Ainsi, si les mesures de protection juridique existantes, à savoir la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, sont maintenues, elles sont ajustées avec une gradation dans l'atteinte portée aux droits. En outre, le texte instaure une mesure d'accompagnement judiciaire, plus légère.
La tutelle aux prestations sociales adultes (TPSA), inscrite dans le code de la sécurité sociale, disparaîtra à compter du 1er janvier 2009 au profit d'une mesure d'accompagnement judiciaire, dispositif de gestion budgétaire et d'accompagnement social prenant sa place dans le code civil (C. civ., art. 495 à 495-9 nouveaux).
La loi prévoit toutefois des dispositions pour permettre la suppression progressive de la TPSA au-delà du 1er janvier 2009 (art. 45, II de la loi).
La mesure d'accompagnement judiciaire ne pourra être ordonnée que si une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé (voir page 20) n'a pas permis une gestion satisfaisante par l'intéressé de ses prestations sociales et que sa santé ou sa sécurité en est compromise. Cette mesure ne pourra concerner une personne mariée « lorsque l'application des règles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux permet une gestion satisfaisante des prestations sociales de l'intéressé par son conjoint » (C. civ., art. 495 nouveau).
En outre, la mesure d'accompagnement judiciaire ne pourra pas se cumuler avec une autre mesure de protection juridique (C. civ., art. 495-1 nouveau).
La mesure d'accompagnement judiciaire ne pourra être prononcée par le juge des tutelles qu'à la demande du procureur de la République qui en appréciera l'opportunité au vu des rapports circonstanciés des services sociaux du département à l'issue de la mesure d'accompagnement social personnalisé (voir page 20) (C. civ., art. 495-2 nouveau).
Le juge fixe la durée de la mesure qui ne peut excéder 2 ans, renouvelable par décision spécialement motivée dans la limite de 4 ans au total (C. civ., art. 495-8 nouveau).
Seul un mandataire judiciaire à la protection des majeurs pourra exercer la mesure d'accompagnement judiciaire (C. civ., art. 495-6 nouveau).
La loi maintient les autres mesures de protection juridique des majeurs : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle. Elle y apporte toutefois des améliorations, motivées en particulier par une meilleure prise en compte de la personne protégée.
En ce qui concerne la tutelle et la curatelle, la loi tend à simplifier et à harmoniser l'organisation de ces mesures, ainsi qu'à améliorer la gestion des biens.
La loi prévoit que les mesures de protection juridique seront prises pour des durées limitées, comprises entre 1 et 5 ans, selon les mesures, renouvelables suivant une procédure encadrée. Il s'agit de vérifier si l'évolution de l'état de santé de la personne ou l'implication plus importante de son entourage dans sa prise en charge ne justifie pas une modification, une adaptation ou une mainlevée de la mesure prise.
Par exception à cette règle, et dans le cas des tutelles et curatelles, lorsque l'altération des facultés personnelles de l'intéressé ne paraîtra pas manifestement susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge pourra, par décision spécialement motivée et sur l'avis conforme d'un médecin spécialiste, renouveler la mesure pour une durée plus longue qu'il déterminera (C. civ., art. 442 nouveau).
Une « surveillance générale des mesures de protection dans leur ressort » sera exercée par le juge des tutelles et le procureur de la République. A cet effet, ils pourront visiter ou faire visiter les personnes protégées et celles qui font l'objet d'une demande de protection, quelle que soit la mesure prononcée ou sollicitée (C. civ., art. 416 nouveau).
Les modalités de vérification des comptes de gestion sont renforcées. Ainsi, par exemple, la loi pose-t-elle le principe - qui existait déjà pour la tutelle et qui vaut désormais pour la curatelle renforcée (3) et pour la mesure d'accompagnement judiciaire - selon lequel la personne chargée de la protection doit établir chaque année un compte de sa gestion, auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles (C. civ., art. 472, 495-9 et 510 à 515 nouveaux). Ce compte est ensuite soumis à la vérification du greffier en chef du tribunal d'instance.
Une exception est toutefois posée : le juge pourra dispenser le tuteur (ou le curateur) s'il n'est pas un professionnel mais un membre de la famille ou un proche du majeur, et en considération de la modicité des revenus et du patrimoine de la personne protégée, d'établir les comptes et de les soumettre à la vérification du greffier en chef (C. civ., art. 512 nouveau).
La loi organise également les relations entre le mandataire judiciaire à la protection des majeurs et les membres de la famille, en particulier leur accès aux comptes (C. civ., art. 510 nouveau).
Pour assainir le secteur et éviter certaines dérives, la loi institue un nouveau statut de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, appellation qui recouvre l'ensemble des opérateurs tutélaires actuels. Une mesure qui n'a toutefois pas recueilli l'assentiment de tous les acteurs de terrain.
La loi intègre, parallèlement, l'ensemble de ce secteur dans le champ médico-social en accordant cependant un délai de 2 ans aux différents opérateurs tutélaires pour se conformer aux nouvelles dispositions (art. 44, I de la loi). Concrètement, leur seront applicables les principes régissant l'organisation du secteur social et médico-social.
Enfin, les règles de responsabilité sont clarifiées.
L'activité du mandataire judiciaire à la protection des majeurs consiste à exercer « à titre habituel les mesures de protection des majeurs que le juge des tutelles [lui] confie au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire » (CASF, art. L. 471-1 nouveau).
Ces professionnels devront remplir des conditions de moralité, d'âge, de formation certifiée par l'Etat et d'expérience professionnelle (CASF, art. L. 471-4 nouveau). Ils devront également être inscrits sur une liste arrêtée par le préfet de département (CASF, art. L. 471-2 nouveau).
Concrètement, les mandataires judiciaires à la protection des majeurs prendront la forme de services consacrés à cette mission ou interviendront en tant que personne physique exerçant à titre individuel ou comme préposé d'un établissement dans lequel la personne protégée est accueillie.
Transformation profonde, les services « mettant en oeuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire » font leur entrée dans la liste des établissements et services sociaux et médico-sociaux fixée à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF, art. L. 312-1, I, 14 °et 15 ° nouveau).
Conséquences : les services mandataires seront notamment soumis au régime de droit commun des autorisations de création, de transformation, d'extension et de fermeture des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Leur autorisation relèvera de la compétence du représentant de l'Etat dans le département « après avis conforme du procureur de la République » (CASF, art. L. 313-3, c) nouveau).
La loi consacre également plusieurs dispositions à l'activité des mandataires agissant en qualité de personnes physiques, soit à titre individuel (gérants de tutelle privés), soit au sein d'un établissement social ou médico-social hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapés. Ces dernières dispositions ont suscité le mécontentement des associations.
Les personnes physiques qui souhaitent exercer à titre individuel et habituel une activité tutélaire au titre d'une mesure d'accompagnement judiciaire, d'une sauvegarde de justice, d'une curatelle ou d'une tutelle devront faire l'objet d'un agrément délivré par le préfet de département, après avis conforme du procureur de la République et vérification qu'elles remplissent les conditions d'âge, de formation, de moralité et d'expérience professionnelle exigées de tout mandataire judiciaire à la protection des personnes (CASF, art. L. 472-1 nouveau).
Elles devront également justifier de garanties des conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile en raison des dommages subis par les personnes qu'elles prennent en charge (CASF, art. L. 472-2 nouveau).
Les établissements publics sociaux ou médico-sociaux hébergeant des personnes âgées ou des adultes handicapé dont la capacité d'accueil sera supérieure à un seuil fixé par décret seront tenus de désigner un ou plusieurs agents comme mandataires judiciaires à la protection des majeurs pour exercer les mesures ordonnées par le juge à l'égard des personnes qu'ils accueillent (CASF, art. L. 472-5 nouveau).
Ils pourront également confier cette mission à des services mandataires gérés par l'établissement ou par un syndicat interhospitalier, un groupement d'intérêt public, un groupement de coopération sanitaire ou un groupement de coopération sociale ou médico-sociale dont l'établissement est membre. Ou encore recourir aux prestations d'un autre établissement par voie de convention.
Les établissements concernés ne pourront désigner l'un de leurs agents en qualité de mandataire judiciaire que si un exercice indépendant des mesures de protection qui lui sont confiées par le juge peut être assuré de manière effective, précise la loi. Les agents concernés devront remplir les conditions de moralité, d'âge, de formation et d'expérience professionnelle exigées de ces professionnels.
La désignation sera soumise à déclaration préalable auprès du représentant de l'Etat dans le département qui en informe le procureur de la République (CASF, art. L. 472-6 nouveau).
Le représentant de l'Etat dans le département pourra, sur avis conforme du procureur de la République ou à la demande de celui-ci, faire opposition, dans un délai de 2 mois à compter de sa réception, à la déclaration si la personne désignée ne remplit pas les conditions pour exercer l'activité de mandataire judiciaire ou si les conditions d'exercice du mandat ne permettent pas de garantir que le respect de la santé, de la sécurité ou du bien-être de la personne protégée sera assuré. (CASF, art. L. 472-8 nouveau)
La loi organise un contrôle administratif de l'activité des personnes physiques mandataires, selon des modalités inspirées des dispositions applicables aux services soumis à autorisation mais adaptées aux conditions de l'exercice à titre de personne physique.
Ce contrôle sera exercé sous la responsabilité du préfet de département (CASF, art. L. 472-10 nouveau).
Tout un arsenal de sanctions pénales est également introduit par la loi. Par exemple, le fait d'exercer l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs sans habilitation pour le faire (absence d'agrément ou de déclaration, retrait d'autorisation), ou après suspension, retrait ou annulation de cette habilitation, est puni de un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (CASF, art. L. 473-1 nouveau).
La loi cherche à clarifier les règles de responsabilité des différents intervenants. Il est tout d'abord affirmé que chaque organe de la mesure de protection judiciaire est responsable du dommage résultant d'une faute quelconque commise dans l'exercice de ses fonctions (C. civ., art. 421 nouveau). Elle décline ensuite ce principe en fonction de l'auteur de la faute et met en place un mécanisme d'action récursoire. Ainsi, l'action sera dirigée contre l'Etat, qui le cas échéant, pourra se retourner contre l'auteur du dommage (C. civ., art. 421 à 423 nouveaux).
Le financement du dispositif de protection des majeurs protégés fait, depuis plusieurs années, l'objet de très nombreuses critiques. Aussi la loi vise-t-elle à traiter de manière équitable sur le plan financier les personnes protégées et à harmoniser le régime de financement de l'ensemble des mesures.
Le nouveau système de financement ne s'appliquera que dans le cas où un mandataire judiciaire à la protection des majeurs sera nommé. Le code civil rappelle en effet que les personnes autres que ces mandataires doivent exercer à titre gratuit la mesure de protection juridique. Seul bémol : le juge ou le conseil de famille, s'il existe, pourra autoriser, selon l'importance des biens gérés ou la difficulté d'exercer la mesure, le versement d'une indemnité à la personne chargée de la protection dont il fixera le montant et qui sera à la charge de la personne protégée (C. civ., art. 419 nouveau).
Lorsqu'un mandataire judiciaire à la protection des majeurs sera désigné, sa rémunération sera en principe à la charge totale ou partielle de la personne protégée, en fonction de ses ressources.
Tout financement public sera subsidiaire. Il interviendra lorsque le montant des prélèvements opérés sur les revenus de la personne protégée s'avérera insuffisant pour couvrir les charges des opérateurs. Des modalités de calcul communes à tous les mandataires et tenant compte des conditions de mise en oeuvre de la mesure, quelles que soient les sources de financement, seront fixées par décret.
Aucun recours en récupération sur la succession du majeur protégé et sur les donations qu'il aura effectuées ne sera possible (C. civ., art. 419 nouveau, CASF, art. L. 471-5 nouveau).
La loi fixe ensuite les règles de répartition des financements publics venant de l'Etat, des organismes débiteurs des prestations sociales et des départements, financements qui varient selon la nature de l'organisme qui exécute la mesure de protection juridique.
Les financements publics alloués aux services mandataires seront versés sous forme de dotation globale, calculée en fonction d'indicateurs liés, en particulier, à la charge de travail résultant de l'exécution des mesures de protection (CASF, art. L. 361-1 nouveau).
Relevons que, en attendant l'entrée en vigueur de la réforme prévue pour le 1er janvier 2009, la loi prolonge jusqu'à cette date l'expérimentation du financement des services des tutelles par dotation globale lancée en janvier 2004.
Conséquence de l'entrée du secteur tutélaire dans le champ social et médico-social, la tarification des prestations fournies par les services mandataires à la protection juridique des majeurs sera arrêtée chaque année par le représentant de l'Etat dans le département, après avis des principaux financeurs dont la liste sera arrêtée par décret (CASF, art. L. 314-1 nouveau).
S'agissant de l'autorité à laquelle incombera la charge de ce financement, elle variera en fonction de la nature de la mesure (CASF, art. L. 361-1, I nouveau).
A noter que la loi envisage également le cas des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs gérés par un établissement de santé participant au service public hospitalier et dispensant des soins psychiatriques, ainsi que par un établissement médico-social accueillant des personnes handicapées ou des personnes âgées, par un établissement participant au service public hospitalier ou encore par un hôpital local dispensant des soins de longue durée (CASF, art. L. 361-1, II et III nouveaux).
Les mandats judiciaires exercés, à titre individuel, par des personnes physiques seront financés dans les mêmes conditions que les services mandataires à la protection des majeurs (CASF, art. L. 472-3 nouveau).
La rémunération des professionnels sera déterminée en fonction d'indicateurs liés, en particulier, à la charge de travail résultant de l'exécution des mesures de protection dont elles ont la charge.
Le financement des mandats judiciaires à la protection des majeurs exercés par les agents désignés par les établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées adultes varieront selon la nature de l'établissement (établissement de santé, établissement médico-social pour personnes âgées ou personnes adultes handicapées, hôpital local) (CASF, art. L. 472-9 nouveau).
Plusieurs dispositions de la loi touchent à la protection juridique des mineurs, en particulier à la gestion de leurs biens (art 1 à 6 et art. 8).
A l'instar des services mandataires à la protection judiciaire des majeurs, les services mettant en oeuvre une tutelle aux prestations sociales enfants - devenue, avec la loi relative à la protection de l'enfance du 5 mars 2007, mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial (4) - font leur entrée dans le secteur médico-social. En outre, un statut du délégué aux prestations familiales est instauré (art. 15 à 17 et art. 23).
La loi aménage également sur plusieurs points les règles de contrôle des établissements et des services sociaux et médico-sociaux (art. 25 à 28).
L'ordonnance du 8 juin 2005 relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité (5) est ratifiée (art. 37). Elle a donc désormais une valeur législative.
La loi précise les effets des mesures de protection juridique sur les contrats d'assurance-vie (art. 30).
(1) Sur la présentation du projet de loi, voir ASH n° 2489 du 12-01-07, p. 21.
(2) Dans le cadre de la procédure d'urgence, le texte de loi en préparation est discuté au cours d'une seule lecture devant chaque chambre (au lieu de deux). Puis la commission mixte paritaire, réunissant des parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale, se réunit pour trouver un compromis sur les dispositions restant en discussion. Le texte est ensuite soumis, alternativement, aux députés et aux sénateurs pour son adoption ou son rejet (rare, en pratique).
(3) Dans le cadre de la curatelle renforcée, des pouvoirs étendus sont accordés par le juge au curateur.