Il faudra bien attendre l'automne prochain pour connaître la réalité sur la situation du chômage en France. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a confirmé en effet le 8 mars, lors d'une réunion du Conseil national de l'information statistique, sa décision de reporter de six mois - de mars à septembre - la publication de son « Enquête emploi », qui sert tous les ans à établir, pour l'année écoulée, le taux de chômage définitif au sens du Bureau international du travail (BIT). Un report qui a suscité et suscite toujours une vive polémique, en pleine campagne électorale ((1)). D'autant que, selon les premières estimations de l'INSEE, le taux de chômage se serait établi à 9,8 % en 2006, soit 0,7 point de plus que les chiffres de l'ANPE et de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'Emploi.
« Ce ne sont pas des chiffres cachés, mais le doute est largement suffisant » pour ne pas les valider, a indiqué le directeur des statistiques démographiques et sociales de l'INSEE. « Nous restituons les statistiques mais nous ne sommes pas en mesure de restituer les chiffres labellisés », a-t-il ajouté, mettant en garde contre toute tentation de retenir comme référence pour l'année un taux de 9,8 %. Pour expliquer son incapacité à valider un taux de chômage annuel, l'INSEE a notamment indiqué avoir constaté des « fragilités » dans la procédure de collecte des données. Ainsi, l'an dernier, le taux de réponse à l'Enquête emploi - qui repose sur un sondage effectué durant six trimestres auprès de 75 000 ménages - a fortement baissé, en particulier en Ile-de-France « où il a même été inférieur à 60 % pendant l'été ». En outre, l'institut a noté des « résultats incohérents » sur l'emploi, avec en particulier un écart important entre les créations d'emploi recensées par les sources administratives et celles qui peuvent être déduites de l'Enquête emploi.
Afin d'y voir plus clair, l'INSEE va procéder à des « investigations méthodologiques supplémentaires » et mènera en particulier une vaste enquête postale auprès de ceux qui n'ont pas répondu à l'Enquête emploi. D'ici là, les estimations du chômage au sens du BIT publiées chaque mois restent des données provisoires, « dans la mesure où elles reposent uniquement sur les statistiques de l'ANPE, qui ne fournissent qu'une approximation du concept de chômage au sens du BIT », avertit l'institut.
(1) Ce report a été interprété par le Parti socialiste ainsi que par plusieurs syndicats et associations comme le résultat d'une manipulation politique pour dissimuler une baisse du taux de chômage moins importante que celle annoncée par le gouvernement.