On savait le texte en sursis ((1)). La décision est tombée le 12 mars : le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté créant le fichier informatique dénommé « Eloi », outil destiné à faciliter l'éloignement des étrangers se maintenant sans droit sur le territoire.
Pour les sages du Palais Royal saisis par plusieurs associations de défense des droits des étrangers, les conditions de mise en oeuvre du fichier ne pouvaient, compte tenu de son objet et de la nature des informations collectées - qui incluent notamment une photographie des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement -, être fixées que par un décret et non par un simple arrêté ministériel. En effet, aux termes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un décret en Conseil d'Etat est nécessaire pour définir les modalités de fonctionnement des traitements automatisés comprenant à la fois des empreintes digitales et des photos d'identité, mais aussi pour des traitements ne comportant que l'une ou l'autre de ces deux données.
L'annulation prononcée par le Conseil d'Etat n'implique donc par elle même aucune interdiction de créer à terme un fichier de la nature d'« Eloi », souligne la Haute Juridiction dans un communiqué : « le principe même de l'existence de ce fichier a en effet été autorisé par le législateur à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ». Mais « le fichier ne pourra voir le jour que lorsqu'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés [CNIL] sera venu préciser la durée de conservation et les conditions de mise à jour des informations enregistrées, les modalités d'habilitation des personnes pouvant y accéder ainsi que, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »
Le ministère de l'Intérieur s'était préparé à cette décision et indique, dans un communiqué, avoir saisi le jour même la CNIL d'un projet de décret créant le traitement « Eloi » (2).
(1) Voir ASH n°s 2494 du 16-02-07, p. 17 et n° 2466 du 25-08-06, page 25.
(2) Tout en se félicitant de cette annulation, les quatre associations (Cimade, GISTI, IRIS et Ligue des droits de l'Homme) qui avaient formé le recours, regrettent toutefois que le Conseil d'Etat « n'ait pas jugé utile de répondre aux arguments de fond que soulevait la requête, à savoir le caractère excessif et inadéquat des données collectées au regard de la finalité poursuivie ». Elles espèrent que « pour la prochaine tentative de création du fichier [...], la CNIL et le Conseil d'Etat sauront faire prévaloir le souci de la défense du droit et des libertés contre la tentation du fichage généralisé ».